Les performances inégales du continent en 2016 sur le plan des indicateurs économiques, sociaux et en matière de gouvernance, tout en soulignant que les perspectives sont favorables pour 2017 et 2018. Le coup de projecteur de cette édition porte sur le rôle des entrepreneurs pour accélérer l’industrialisation du continent et imprimer ainsi une nouvelle trajectoire de développement. Le rapport propose des politiques à déployer pour installer une croissance plus durable et inclusive.
Confrontée à des vents contraires persistants à l’échelle régionale et mondiale en 2016, la croissance en Afrique a continué de diminuer. Cependant, les perspectives à moyen terme sont positives. Ce ralentissement est à imputer notamment à la faiblesse des cours internationaux des produits de base, la morosité de la conjoncture internationale et l’essoufflement progressif de l’économie chinoise, sans oublier les effets secondaires du Printemps arabe exacerbés par le conflit qui se prolonge en Libye. Tandis que les pays africains exportateurs nets de produits de base ont vécu une année 2016 difficile, la plupart des pays non exportateurs de ces produits ont continué de progresser, consolidant les acquis des années précédentes. Les politiques budgétaires, monétaires et de change ont varié à travers le continent, les pays dotés de politiques mieux coordonnées ayant été plus à même de supporter les chocs.
En 2017 et 2018, l’Afrique devrait bénéficier du redressement des cours des matières premières, entamé en fin d’année 2016, mais également de la hausse de la demande privée, y compris sur les marchés intérieurs, d’une gestion saine des politiques macroéconomiques, désormais ancrée dans de nombreux pays, d’un environnement des affaires globalement favorable qui tend à s’améliorer et d’une structure économique plus diversifiée, en faveur en particulier des services et de l’industrie légère. Les perspectives tablent sur le maintien de déficits courants en 2017, mais moins prononcés qu’en 2016 – à condition que le redressement récent des cours des produits de base se confirme.
Fin 2016, l’indice des prix des matières premières était supérieur de plus d’un quart à son niveau de 2015 à la même période. Les pays disposant de politiques plus prévisibles et d’amortisseurs devraient donc mieux traverser les tempêtes provoquées par des déséquilibres externes déstabilisants. En 2017, les apports financiers extérieurs à l’Afrique devraient ressortir à 179.7 milliards de dollars, en hausse par rapport aux 177.7 milliards de 2016, les investissements directs étrangers (IDE) et les envois de fonds des migrants confirmant leur statut de principales sources de financements extérieurs. Grâce aux apports du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient, les IDE devraient atteindre 57.5 milliards de dollars. Les investissements se diversifient au profit des biens de consommation et du secteur tertiaire, comme les services financiers, les technologies de l’information et les télécommunications. Les envois de fonds devraient atteindre 66.2 milliards de dollars en 2017, en progression de 2.4 % par rapport à l’année précédente. Tandis que l’aide, plus soutenue et de meilleure qualité, restera essentielle pour les pays à faible revenu et les économies fragiles, les apports privés sont appelés à jouer un rôle grandissant pour mobiliser les financements et stimuler le développement et l’entrepreneuriat à l’échelle locale. Malgré les importants efforts consentis pour accroître les recettes budgétaires, celles-ci ne parviennent toujours pas à couvrir les besoins.
L’intégration commerciale et régionale progresse en Afrique, mais le volume d’échanges intra-africains reste faible. Au cours des 20 dernières années, les échanges entre l’Afrique et le reste du monde ont quadruplé en valeur. Aujourd’hui, les partenaires commerciaux du continent sont également plus diversifiés sur un plan géographique et la coopération régionale gagne du terrain. Ces évolutions découlent des politiques d’ouverture des pays africains, qui ont par ailleurs investi dans les infrastructures et poursuivi leur intégration régionale. Tout cela facilite la pratique des affaires, en réduisant les coûts et les délais d’acheminement des biens et des services au sein d’un pays et à travers les frontières.
Cela renforce également l’attrait du continent comme partenaire dans les échanges internationaux. À terme, l’Afrique va devoir diversifier ses exportations pour réduire sa vulnérabilité aux chocs sur les prix des produits de base. De plus, elle devrait s’efforcer aussi de mieux exploiter les atouts du commerce intra-africain. Enfin, il faut relancer la dynamique de l’intégration régionale.
Dix-huit pays africains ont désormais un niveau de développement moyen ou élevé et le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est en recul. Mais les progrès sur le front du développement humain restent lents et inégaux. La création d’emplois et l’entrepreneuriat peuvent contribuer à faire refluer la pauvreté. Les gouvernements y parviendront en levant les freins à l’entrepreneuriat, comme par exemple des débouchés limités pour les jeunes et les femmes. À condition de renforcer l’éducation, les compétences et la santé des populations, d’inclure les jeunes et les femmes et de promouvoir une utilisation durable des ressources environnementales, l’Afrique réussira à mieux respecter ses engagements vis-à-vis des objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2063.
Les performances de l’Afrique sur le plan de la gouvernance économique et politique s’améliorent, selon les données les plus récentes, mais il reste des défis à surmonter. Grâce aux réformes réglementaires et aux innovations numériques, l’utilisation des ressources publiques par les gouvernements et la fourniture des services sociaux sont en progrès.
D’autant que les pouvoirs publics s’emploient à renforcer la qualité de l’environnement des affaires pour stimuler l’investissement du secteur privé. Pourtant, de nombreux Africains restent déçus par les débouchés économiques qui s’offrent à eux. S’ils veulent soutenir les entreprises et favoriser l’innovation, les gouvernements doivent élargir l’accès à l’électricité et aux financements et améliorer les politiques de concurrence. Par ailleurs, l’engagement en faveur de la responsabilité dans les instances politiques clés n’est toujours pas à la hauteur des attentes des citoyens. C’est également le cas pour la performance des administrations publiques. La promotion de l’industrialisation fait plus que jamais son retour dans l’ordre du jour économique de l’Afrique, avec une énergie décuplée. Les stratégies d’industrialisation du 21e siècle doivent se montrer innovantes et s’appuyer sur les atouts des 54 pays du continent. Il faut commencer par dépasser les approches traditionnelles se limitant aux seules industries manufacturières, pour couvrir tous les secteurs porteurs de croissance et créateurs d’emplois. Les stratégies d’industrialisation doivent par ailleurs intégrer les entrepreneurs offrant un réel potentiel, en s’appuyant sur les start-ups et les petites et moyennes entreprises capables d’étayer la croissance des grandes entreprises, pour accélérer l’industrialisation africaine. Enfin, elles doivent encourager une « industrialisation plus propre », moins coûteuse sur le plan environnemental. Les politiques industrielles doivent intégrer, en les adaptant à la spécificité du contexte africain, les enseignements venus de pays possédant une solide base industrielle. À cet égard, l’apprentissage innovant entre pairs sera essentiel dans cette nouvelle vague d’industrialisation.
conflits de compétence entre organismes gouvernementaux. Les politiques publiques doivent lever les contraintes pesant sur les entrepreneurs à fort potentiel. Déployer des stratégies de productivité exige un engagement total, sans faille et visionnaire de la part des responsables politiques, une coordination excellente au niveau du gouvernement et la participation active du secteur privé. L’implication des autorités locales peut contribuer à la définition de politiques industrielles adaptées aux besoins des entreprises. Enfin, l’évaluation des politiques publiques et de leurs effets est garante de la réussite des stratégies d’industrialisation.
Le dernier chapitre du rapport se concentre sur trois domaines de l’action publique qui permettraient de lever les obstacles auxquels se heurtent la plupart des entrepreneurs en Afrique. Premièrement, les politiques publiques doivent développer les compétences et, pour cela, donner la priorité à l’éducation formelle, l’apprentissage, la formation professionnelle et les capacités managériales, répondant ainsi aux besoins du marché du travail. Deuxièmement, des politiques de soutien aux regroupements d’entreprises (clusters) peuvent servir de catalyseur pour renforcer la productivité et le développement des entreprises, même de petite taille. Enfin, des politiques relatives aux marchés financiers peuvent améliorer l’accès des entreprises à des instruments de financement sur mesure et innovants.
Banque Africain de Développement