La Banque centrale de Tunisie s’explique

Évaluation du dispositif tunisien en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA/FT)A propos de l’Indice LBA de Bâle et du « classement de Bâle III » :

Certains médias ont relayé une information selon laquelle la Tunisie occupe désormais la 59ème place dans le « classement Bâle III » relatif au risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et soutiennent que notre pays a reculé par rapport au classement de 2016 de 70 places. Selon cette même information, par ce recul la Tunisie peut rejoindre “la liste des pays et juridictions accusant des «déficiences stratégiques» telle que établie par le Groupe d’Action Financière (GAFI)1.

A ce sujet, nous communiquons les précisions suivantes :
D’abord, Bâle III n’a jamais procédé à un classement des pays selon leur risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Les accords de Bâle (Bâle I, Bâle II et Bâle III) ne sont, en effet, que des règles prudentielles qui visent à garantir un niveau minimum de capitaux propres, afin d’assurer la solidité financière des banques.
Le classement auquel la dite information fait allusion est celui de l’Institut de Gouvernance de Bâle (Basel Institute on Governance) qui est une Organisation Non Gouvernementale établie à Bâle mais qui n’a aucun rapport avec les accords de Bâle. D’ailleurs d’autres ONG, comme « Know Your Country », publient également des indices ou des classements en matière de LBA/FT selon des méthodologies différentes.

Par ailleurs, l’indice LBA/FT de l’Institut de Gouvernance de Bâle classe les pays évalués selon un ordre de risque décroissant. Il est important de signaler que le classement de 2017 a pris en considération, pour certains pays dont la Tunisie, les résultats de leur évaluation conformément à la nouvelle méthodologie du GAFI qui couvre désormais non seulement, l’évaluation de la conformité technique mais également celle de l’efficacité.
La Tunisie étant l’unique pays de la région MENA, rappelons-le à juste titre, à être évalué conformément à cette nouvelle méthodologie du GAFI, ne peut en aucun cas être comparé aux autres pays, notamment ceux de la région MENA qui ne sont pas encore évalués. Aussi, le nouveau classement de la Tunisie et sa comparaison avec d’autres pays, notamment de sa région, ne seront pertinents qu’au terme du 2ème Round de l’évaluation mutuelle des pays de la région MENA, prévu en 2023.

Enfin, il est à signaler que l’évaluation du dispositif national LBA/FT en 2016 s’est basée sur la loi n°2003-75 telle que modifiée en 2009 puisqu’à la date de la visite sur place des évaluateurs, la nouvelle loi organique n’a pas encore été publiée. Les insuffisances révélées par le Rapport ont été comblées par la nouvelle loi au plan de la conformité technique. D’ailleurs, le premier rapport de suivi de la Tunisie ; discuté lors de la 25ème Plénière du GAFIMOAN tenue au Koweït en avril 2017 ; a salué le progrès accompli par la Tunisie depuis l’adoption du rapport d’évaluation en 2016.

D’autre part, la Tunisie vient d’achever et de publier conformément à la première Recommandation du GAFI, son évaluation nationale des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme2. Un plan d’action national a été arrêté en vue de minimiser ces risques.

De l’évaluation du dispositif Tunisien :
La Tunisie a toujours manifesté un soutien et une adhésion totale aux efforts internationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En effet, elle a ratifié toutes les conventions internationales adoptées en la matière, et notamment la Convention de Vienne de 1988, la Convention de New York de 1997, la Convention de Palerme de 2000 et la convention de Merida de 2003, de même que la Convention de l’organisation de l’Union Africaine de 1999.

La Tunisie n’a cessé depuis 2003, date de publication de la première loi relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent, d’améliorer son arsenal juridique. La loi de 2003 a été modifiée et complétée en 2009. Elle a été abrogée et remplacée par la nouvelle loi organique n°26 du 7 août 2015 pour être au diapason de l’évolution normative à l’échelle internationale.

Sur un autre plan, la BCT, soucieuse de converger son dispositif réglementaire aux normes internationales, a apporté sa contribution à l’édifice normatif en publiant la circulaire n°2013-15 mettant en place les règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme ; lesquelles règles reposent essentiellement sur le triptyque : devoir de diligence, mesures de vigilance et règles de bonne gouvernance. Ladite circulaire a contribué largement au renforcement de la conformité technique du dispositif et doté les banques des moyens favorisant l’amélioration de leur efficacité en matière de lutte BA/FT.

Force est de préciser que les recommandations du Groupe d’Action Financière3 (GAFI) constituent le référentiel international incontournable en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Ces normes ont été publiées pour la première fois en 1990 et ont été révisées en 1996, 2001, 2003 pour connaitre un resserrement significatif en 2012.
Le GAFI et les institutions financières internationales (la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire international) surveillent la mise en oeuvre de ces normes dans tous les pays du monde et évaluent l’efficacité globale des dispositifs nationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à travers le processus de l’évaluation mutuelle.

La Tunisie a été soumise en 2006 à une première évaluation mutuelle conduite par la Banque Mondiale. En 2015, la Tunisie est le premier et l’unique pays de la région MENA à être évalué dans le cadre du deuxième round d’évaluation des dispositifs nationaux de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme selon les normes révisées de 2012 ainsi que la nouvelle méthodologie du GAFI publiée en 2013.

Le rapport d’évaluation mutuelle de la Tunisie a été discuté et approuvé par la 23ème Plénière du GAFIMOAN4 révèle que notre pays a obtenu un niveau d’efficacité modéré pour 5 résultats immédiats des 11 résultats arrêtés par la méthodologie du GAFI et un niveau d’efficacité faible pour les 6 autres résultats. Pour ce qui est de la conformité technique, la Tunisie a été jugée conforme au regard de 9 recommandations parmi les 40 recommandations du GAFI, largement conforme au regard de 9 autres recommandations, partiellement conforme, au regard de 17 recommandations et non conforme par rapport à 5 recommandations. Le rapport est publié sur les sites officiels du GAFIMOAN5 et de la Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF)6.

BCT