Comment l’expliquer ?
2018 a été une année fascinante. Les premiers mois, tous les indicateurs macroéconomiques mondiaux étaient au beau fixe. Dans la zone euro, l’atmosphère débordait de confiance. Puis des nuages sont progressivement venus obscurcir l’horizon. Ce revirement résulte de deux grandes sources d’incertitude.
La première tient à l’évolution conjoncturelle : lorsqu’un cycle économique atteint une certaine maturité, comme c’est le cas aux Etats-Unis où le cycle actuel dure depuis 2009, on s’interroge sur le temps qu’il lui reste à vivre. Outre-Atlantique, le niveau de chômage est aujourd’hui si bas que les entreprises ont énormément de mal à pourvoir les postes vacants. D’où la crainte inflationniste qui s’est accélérée début février. Puis – et c’est un tournant fondamental de cette fin d’année 2018 – les anticipations sur le ralentissement de la croissance ont pris le dessus. Certaines économies sont particulièrement affectées. En Allemagne par exemple, les entreprises s’alarment de plus en plus de la baisse de leurs carnets de commande à l’export. Cette coexistence de craintes d’accélération de l’inflation et de décélération de la croissance n’est pas contradictoire : elle traduit la nervosité des investisseurs à un stade avancé du cycle.
La seconde source d’incertitude est exogène, contextuelle. En 2018, la menace de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine est devenue prépondérante. Cependant, l’issue devrait être positive. Dans un contexte global de croissance ralentie, les deux pays ont tout intérêt à parvenir à un accord en 2019, ce qui provoquerait un rebond du moral des entreprises, de la confiance des ménages…
En ce qui concerne le Brexit, la date fatidique du 29 mars pourrait être reportée mais de quelques semaines ou mois tout au plus. Il reste donc difficile de se prononcer sur l’avenir des relations commerciales internationales. Le premier semestre 2019 devrait nous apporter les clarifications nécessaires.
Quelles conséquences pour 2019 ?
En 2018, on a assisté à un ralentissement de la croissance au niveau mondial, à l’exception des Etats-Unis. En 2019, cette tendance devrait se prolonger et se généraliser. Outre-Atlantique, le taux de croissance devrait tomber de 2,9 % à 2,1 %. Dans la zone euro, il devrait passer de 1,9 % à 1,4 % environ. Ces niveaux demeurent tout à fait satisfaisants mais tout ralentissement est anxiogène. C’est un cercle vicieux : l’incertitude se répercute sur l’appétence au risque des investisseurs, les bénéfices des entreprises, les salaires… Aux Etats-Unis, les entreprises et les marchés financiers ont ainsi tendance à se focaliser sur les risques extrêmes plutôt que sur le consensus de croissance. En revanche, la crainte face au risque inflationniste devrait s’atténuer. C’est ce qui a permis à la Réserve fédérale d’annoncer son intention de modérer le rythme du relèvement des taux. Comme je le disais, les différents facteurs exogènes d’incertitude devraient s’atténuer en cours d’année. Toutefois, le sentiment des agents économiques évolue lentement et ce début d’année 2019 sera donc marqué par beaucoup d’interrogations.
Comment la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) réagissent-elles ?
Pour ne pas risquer d’assécher la croissance, la Fed comme la BCE affichent une grande prudence. Si la Fed a déjà remonté son taux officiel à plusieurs reprises, elle a récemment annoncé y mettre un frein. De son côté, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, a fait le constat d’un bilan annuel positif avec des « risques globalement équilibrés » et une inflation contenue. Au regard de l’évolution des indicateurs, l’hypothèse d’un premier relèvement du taux d’intérêt des dépôts après l’été 2019 est tout à fait justifiable. Ces deux politiques monétaires pourraient alors se retrouver désynchronisées, avec une impulsion inversée. Cette évolution, majeure pour la politique de change, viendrait favoriser l’euro face au dollar.
Comment les marchés émergents ont-ils subi les effets de cette incertitude grandissante ?
Pour ces marchés, la toile de fond est beaucoup plus hétérogène avec des spécificités propres à certains pays comme la Turquie, l’Argentine ou le Brésil par exemple. Globalement, la crainte de la remontée des taux de la Fed et d’un dollar fort s’est amoindrie. Depuis quelques semaines, les devises locales se sont plutôt stabilisées par rapport au dollar. Cependant, la baisse du coût des matières premières pénalise ces pays fournisseurs de produits intermédiaires. Même en excluant le Brésil, l’Amérique latine est à la traîne, et ce depuis 2016. En 2019, la région devrait continuer à sous-performer. En Chine, le ralentissement continue ce qui pourrait conduire à de nouvelles mesures de politique économique pour soutenir la croissance.
William De Vijlder