Robotisation: des avancées économiques et la régression sur le plan de l’emploi

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L’âge de l’automatisation nous promet la croissance de la production mais aussi le creusement des inégalités, avec d’un côté des salariés peu ou moyennement qualifiés et de l’autre côté des travailleurs très qualifiés de mieux en mieux payés. En outre, la hausse du stock de capital consubstantielle à l’automatisation devrait contribuer à creuser davantage le fossé des inégalités, la propriété du capital étant plus inégalement répartie que le revenu du travail.

Le progrès technique suscite l’enthousiasme autant qu’il attise les inquiétudes. Le débat sur le remplacement de l’homme par les machines est vieux de plusieurs siècles. Cependant, il se pose aujourd’hui avec une acuité nouvelle à la faveur de l’emballement du développement des technologies de robotisation et, plus généralement, d’automatisation. Il ne se passe pas une semaine sans que nous apprenions une nouvelle application de la révolution robotique et de l’intelligence artificielle : les voitures autonomes qui remplacent les chauffeurs, les algorithmes qui se substituent aux traders actions, les ordinateurs qui supplantent les assistants juridiques, AlphaGo – le logiciel d’intelligence artificielle – qui écrase des joueurs chevronnés de Go, etc.

Des pans entiers de l’économie sont concernés : l’industrie bien sûr, mais aussi la finance, l’agriculture, les transports, la médecine, etc.

Nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux prémices d’une révolution dont on ne discerne pas encore clairement toutes les retombées sur l’emploi et la répartition des revenus.

Sur les conséquences de cette révolution en cours, deux camps s’affrontent :

  • Pour ceux que l’on pourrait appeler les « techno-optimistes », l’essor de l’automatisation va générer des gains de productivité qui, nonobstant un « chômage technologique » passager lié à une transformation profonde du monde du travail, vont entraîner une hausse du niveau de richesse et de prospérité de la société.
  • Pour les « techno-pessimistes », la révolution robotique non seulement n’a pas la même capacité de transformation des processus de production, donc le même impact sur la croissance économique, que les précédentes révolutions industrielles (machine à vapeur et électricité), mais elle va entraîner un creusement sans précédent des inégalités.

L’histoire économique a, jusqu’ici, donné raison aux techno-optimistes : si les grandes innovations « de rupture » passées comme la machine à vapeur ou l’électricité ont entraîné des pertes d’emplois substantielles à court terme, elles ont été compensées par la création de nouveaux emplois plus productifs, avec une augmentation des revenus des travailleurs, qui est allée de pair avec une demande de nouveaux produits et services, nourrissant en retour une progression de l’emploi, du niveau général de vie et de bien-être.

Pour les techno-pessimistes, cependant, la révolution robotique n’est pas de même nature que les grandes innovations technologiques passées. Par le passé, les technologies de rupture ont permis une complémentarité entre le travail et le capital. Mais aujourd’hui, s’il y a encore des effets de complémentarité, la révolution robotique entraîne surtout, font-ils valoir, une substitution du travail par les technologies (robots et autres systèmes basés sur les TIC) – c.-à-d. par le capital.

La révolution robotique est, par essence, un changement technologique vers une structure de production à plus forte intensité de capital.

Que se passe-t-il à mesure que les machines remplacent l’humain1?
Au moins trois choses :

  • Le ratio capital-sur-revenu (c.-à-d. l’évolution de la répartition des revenus en faveur du capital) augmente
  • La production unitaire augmente, car les machines permettent de gagner en productivité
  • La rémunération globale des travailleurs diminue, car les robots viennent grossir l’offre effective de main d’oeuvre (travailleurs plus robots)

À ce point cependant, une distinction cruciale doit être faite entre :

  • Les travailleurs réalisant des tâches routinières, généralement (mais pas systématiquement) peu ou moyennement qualifiés (situés au bas ou, plus souvent, au milieu de l’échelle de distribution des revenus, c.-à-d. les travailleurs des classes moyennes et populaires), qui sont des substituts parfaits (ou presque) pour les robots, et
  • Les travailleurs réalisant des tâches non routinières, généralement (mais pas nécessairement) hautement qualifiés, qui sont complémentaires des machines (progrès technique biaisé en faveur des travailleurs qualifiés).

Tandis que les premiers, exposés de plein fouet à la substitution du robot à l’humain, voient leurs emplois disparaître et leurs salaires stagner, voire baisser, les seconds profitent de hausses régulières de salaires, à la fois parce que la demande pour leurs services augmente et parce que leur productivité s’accroît lorsqu’ils collaborent avec des robots.

L’essor de l’automatisation va contribuer à creuser les inégalités,

  • Non seulement en favorisant de façon disproportionnée les travailleurs hautement qualifiés au détriment des travailleurs peu ou moyennement qualifiés,
  • Mais aussi en déformant le partage de la valeur ajoutée au détriment du travail et au profit du capital, dont la propriété, fortement concentrée, est bien plus inégalement répartie que le revenu du travail.

D’où l’idée de Bill Gates, entre autres, de taxer les robots, afin de redistribuer entre gagnants et perdants les gains de l’automation (via, notamment, le reclassement des travailleurs ayant perdu leur emploi et l’amélioration du système éducatif).

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