La croissance économique est prévue à seulement 0,4% en 2019, après s’être établie à 1% par an en moyenne entre 2015 et 2018. La marge de manœuvre du gouvernement Ramaphosa pour réformer est étroite et de fortes contraintes structurelles continuent d’entraver la croissance. Illustration de l’ampleur du déficit d’infrastructures du pays, d’importantes coupures d’électricité ont affecté l’activité au cours des premiers mois de l’année. Les graves difficultés financières de l’entreprise publique Eskom, à l’origine de ces coupures, ont également forcé l’Etat à débloquer des fonds supplémentaires pour lui venir en aide. Son dernier plan de sauvetage accélère le dérapage des déficits publics et pèse un peu plus sur la solvabilité du gouvernement à moyen terme.
La croissance économique sud-africaine s’est établie à 1% par an en moyenne de 2015 à 2018, un niveau très insuffisant pour permettre une amélioration du revenu par tête d’une population qui a crû de 1,7% par an sur la même période. La performance de l’économie est restée très médiocre depuis le début de l’année et ne devrait guère s’améliorer à très court terme. Alors que la banque centrale a légèrement assoupli la politique monétaire depuis l’été, le gouvernement n’a d’autre choix que de maintenir une politique budgétaire restrictive. Ceci n’empêchera toutefois pas son déficit et sa dette d’augmenter rapidement cette année.
Peu de croissance
Après un nouveau trou d’air au T1 2019, la croissance du PIB réel s’est légèrement redressée au T2, à +3,1% t/t cvs (contre -3,1% au trimestre précédent) et +0,9% en g.a. (contre 0% au T1). Les indicateurs avancés et les chiffres d’activité annoncent une nouvelle décélération au T3, et nous tablons sur une croissance du PIB de 0,4% sur l’ensemble de 2019.
Les coupures d’électricité liées aux difficultés de l’entreprise publique Eskom ont durement affecté les secteurs primaire et secondaire, surtout pendant les premiers mois de l’année. Une grève a également bloqué une importante mine d’or à partir de novembre 2018 jusqu’à la signature d’un accord salarial en avril dernier. L’activité dans le secteur minier (7% du PIB) s’est contractée de 4,6% en g.a. au T1 2019 puis de 2,1% au T2. La croissance du secteur manufacturier (seulement 12% du PIB) a ralenti à 0,5% en g.a. au S1, mais est devenue négative en juilletaoût d’après l’indice de production industrielle. Le secteur agricole a de nouveau subi une forte baisse de sa production (-12,7% au T1 et -6,7% au T2) et les difficultés persistent dans la construction (-2,4% au S1). Les services ont quant à eux enregistré une croissance de 1,5% au S1, en ligne avec la moyenne des quatre dernières années.
Le secteur de la finance et de l’immobilier (18% du PIB) continue d’afficher la performance la plus dynamique. Du côté de la demande (graphique 2), la contribution négative du commerce extérieur net a fortement pesé sur la croissance du PIB au T2 2019, en raison du rebond des volumes d’importations et d’une légère baisse des exportations, notamment à destination de l’Asie. Ce recul pourrait se poursuivre à court terme dans un environnement international dégradé. La croissance de la consommation privée (60% du PIB) s’est redressée au T2 (+1,4% en g.a.) après plusieurs trimestres de ralentissement, en partie grâce à une légère accélération du crédit aux ménages. Elle pourrait néanmoins fléchir à nouveau à court terme étant donné la dégradation du marché du travail et la faible augmentation des revenus réels. L’emploi a légèrement diminué au S1 et le taux de chômage a atteint 29% à la mi-2019, soit un point haut historique.
Signal inquiétant, l’investissement s’est réduit de façon continue depuis le T1 2018 et le taux d’investissement en pourcentage du PIB n’est plus que de 18% (contre 20,5% en moyenne en 2011-2015). Cette tendance pourrait se poursuivre à court terme, en raison des sombres perspectives de demande externe et interne, et d’une nouvelle détérioration du sentiment des investisseurs.
Pas de marge de manœuvre
Le regain de confiance qui avait suivi l’arrivée au pouvoir du président Ramaphosa en février 2018 n’a pas duré. Aux espoirs suscités par les annonces de réformes (visant notamment à améliorer les finances publiques, combattre la corruption et élever le potentiel de croissance) et l’introduction des premières mesures ont succédé les craintes de paralysie. En effet, la marge de manœuvre du gouvernement pour mettre en place des réformes est sévèrement contrainte par la faiblesse de la croissance économique, un climat social très tendu et les profondes divisions au sein du parti au pouvoir. Les contraintes structurelles qui entravent l’investissement et la croissance (déficit d’infrastructures, manque de main d’œuvre qualifiée, rigidité du marché du travail, corruption, incertitudes sur l’évolution du cadre légal de certains secteurs) risquent donc de persister. La marge de manœuvre des autorités pour soutenir l’activité à court terme est également réduite.
La banque centrale a abaissé son taux directeur (taux repo) de 25 points de base à 6,5% en juillet 2019 ; son action précédente était une hausse de la même ampleur en novembre 2018. Elle pourrait assouplir encore légèrement sa politique au T4 2019, puisque l’inflation des prix à la consommation reste confortablement dans la bande ciblée de 3%-6% ; elle s’est établie en moyenne à 4,3% en g.a. sur les huit premiers mois de l’année, contre 5% au S2 2018.
La banque centrale devrait néanmoins rester prudente. Les marchés financiers ont connu un calme relatif depuis le début de l’année, et le rand (ZAR) a perdu moins de 3% face au dollar. De nouveaux épisodes de sorties de capitaux et de pressions sur le rand sont néanmoins possibles à court terme en cas de choc externe, de dérapage plus important que prévu des déficits publics, et/ou de dégradation des notations souveraines par Moody’s (prochaine revue attendue début novembre). Le passage en catégorie speculative-grade du rating souverain sud-africain pourrait en effet provoquer des ventes importantes de titres de dette publique par les investisseurs.
Dérapage accéléré des finances publiques
Les finances publiques se sont dégradées graduellement au cours de la dernière décennie du fait de l’insuffisance des recettes fiscales, de la hausse de la dette et des paiements d’intérêts, et des pertes des entreprises publiques. La situation s’est encore aggravée cette année.
Sur les années budgétaires de 2014-2015 à 2018-2019 (qui s’étendent d’avril à mars), le déficit du gouvernement central s’est établi entre 4% et 4,5% du PIB, et sa dette est passée de 47% du PIB à 57%. Alors que des efforts pour contenir l’augmentation des dépenses et accroître les recettes ont permis de réduire le déficit primaire à moins de 1% du PIB l’an dernier, contre 2,7% en 2012- 2013, le déficit total n’a pas pu s’améliorer à cause de la hausse de la charge d’intérêts sur la dette. Celle-ci représentait 3,7% du PIB sur l’année 2018-2019, et 14,3% des recettes budgétaires.
En 2019-2020, le déficit total devrait se dégrader de façon significative et dépasser 6% du PIB (contre un objectif initial du gouvernement de 4,5%). Alors que la charge d’intérêts continue d’augmenter (prévue à 4,5% sur l’année budgétaire), le déficit primaire se détériore aussi rapidement (graphique 3). Il pourrait atteindre 1,6% du PIB sur l’année 2019-2020. La hausse beaucoup plus forte que prévu des dépenses provient de l’aide supplémentaire apportée par le gouvernement à l’entreprise Eskom. Le soutien prévu initialement était déjà de ZAR 23 mds par an pendant dix ans à partir de 2019. Il a été relevé à ZAR 49 mds pour 2019-2020 et à ZAR 56 mds pour 2020-2021 (soit environ 1% du PIB par an), une partie de la hausse étant un déboursement anticipé des injections de fonds prévues dans le cadre du plan de sauvetage à long terme. L’aide doit être accompagnée d’un programme de réorganisation de l’entreprise Eskom et de restructuration de sa dette, et une partie de la dette garantie par le gouvernement central sera probablement transférée à son bilan. Le risque que d’autres entreprises publiques nécessitent le soutien direct de l’Etat dans les prochains trimestres est élevé. En outre, la capacité du gouvernement à réduire ses autres dépenses ou accroître ses recettes est quasi-inexistante étant donné la faiblesse de la croissance économique, les fortes tensions sociales dans un contexte de chômage et de pauvreté très élevés, et des services publics très insuffisants.
La dette du gouvernement devrait atteindre au moins 60% du PIB à la fin de l’année 2019-2020 et 65% à la fin de 2020-2021. Alors que la solvabilité du souverain sud-africain à moyen terme continue de se dégrader, le risque de liquidité/de refinancement de la dette du gouvernement à court terme a aussi augmenté. Il reste néanmoins modéré par le profil toujours favorable des titres publics et par l’existence d’un large marché obligataire en monnaie locale. La dette du gouvernement central a en effet une maturité moyenne longue (15 ans) et est principalement libellée en rand (environ 90% de sa dette). Cependant, avec 40% de sa dette interne détenue par des non-résidents, le gouvernement est vulnérable aux changements de sentiment des investisseurs internationaux. Celuici pourrait se détériorer dans les prochains mois en réponse à la hausse des déficits publics.