La notation de l’agence Moody’s reflète l’état de l’économie tunisienne qui reste fragile et vulnérable. Avec la propagation du coronavirus, la situation s’est encore aggravée, ce qui nécessite des mesures urgentes susceptibles de sauver les entreprises et l’économie.
Déjà fragilisé par la récession de la demande au niveau international et le taux modeste de la valeur ajoutée, l’économie tunisienne a été mise à rude épreuve suite au choc du coronavirus qui a touché tous les pays du monde, même ceux qui sont classés les plus avancés. Cette crise a entraîné, en outre, un confinement total, ce qui n’a pas permis aux entreprises d’utiliser la totalité de leur effectif. L’objectif recherché par l’Etat à travers cette décision inspirée de celle prise par les pays développés est de diminuer les déplacements et donc de contrecarrer la propagation de ce terrible virus.
La notation formulée le 17 avril 2020 par l’agence de notation Moody’s pour l’économie tunisienne n’est donc pas étonnante. En effet, cette agence a accordé la notation B2 sous revue à la baisse à la Tunisie. La période de revue pourrait s’étendre au-delà de l’horizon habituel de trois mois. L’économie tunisienne n’est pas en mesure de résister aux chocs internationaux vu la fragilité des entreprises et le manque de diversification aussi bien des marchés d’exportation que des produits proposés.
Consolider les entreprises privées
D’ailleurs, les entreprises totalement exportatrices ont été autorisées temporairement vu la conjoncture économique défavorable à exporter une partie de leur production pour le marché local. C’est que ces entreprises n’arrivent pas à vendre comme d’habitude vers les marchés extérieurs. En plus, les produits proposés sont limités. Dans le domaine des industries alimentaires et agricoles, à titre d’exemple, les exportations sont concentrées dans l’huile d’olive, les dattes et les agrumes. Même le secteur de l’électronique et de la mécanique qui fait de bons résultats à l’exportation est détenu, en grande partie, par des firmes étrangères qui participent à 100% dans le capital ou en partenariat avec des hommes d’affaires tunisiens.
De son côté, le secteur du textile-habillement souffre d’un manque de compétitivité par rapport aux articles fabriqués en Europe. Malgré la stratégie de promotion dudit secteur, beaucoup reste à faire pour que les unités de fabrication tunisienne puissent rattraper le retard enregistré en améliorant constamment la compétitivité des produits. Ce secteur, comme celui du cuir et des chaussures, fait travailler des milliers de personnes et tout incident extérieur ou intérieur peut se répercuter négativement sur l’activité et risque de porter atteinte au nombre d’emplois créés. D’où la nécessité de consolider les entreprises, notamment de tailles moyenne et petite, en favorisant davantage la recherche-développement pour améliorer la valeur ajoutée des produits proposés à la vente.
Caprcité de réaction de l’économie
En tout cas, la revue prochaine de l’agence Moody’s se concentrera sur l’évaluation de la capacité des autorités tunisiennes à gérer le choc économique sans précédent lié au Covid-19; dans un contexte marqué par des pressions économiques, financières et sociales. Les autorités publiques, qui ont déjà pris des mesures en faveur des entreprises et des particuliers, sont appelées à accompagner les entreprises pour qu’elles puissent poursuivre leurs activités en préservant les postes d’emploi. D’autant plus que les rangs des chômeurs ne cessent de se gonfler suite à la mise au chômage technique de nombreux travailleurs qui s’ajoutent aux chômeurs diplômés qui n’ont pas encore trouvé de l’embauche.
La notation sous revue à la baisse reflète le risque de resserrement des conditions sur les marchés internationaux, lequel resserrement se traduit par un risque élevé d’accès au financement sur une période relativement longue. La Tunisie est obligée de sortir sur le marché international pour contracter des crédits destinés au bouclage du budget de l’Etat qui se caractérise par des dépenses faramineuses et des recettes modestes surtout après le coup asséné aux secteurs du tourisme et du transport qui nous rapportaient en période normale un panier de devises.
Eviter la faillite par tous les moyens
Cette notation reflète également l’affaiblissement des perspectives de croissance économique à court terme de la Tunisie, la détérioration de la situation budgétaire et la fragilité de la position extérieure. De ce fait, les crédits à contracter du marché financier international risquent d’être très coûteux avec un taux d’intérêt qui peut atteindre les 6%, voire plus. Le FMI a déjà manifesté son accord pour fournir un financement colossal à la Tunisie à condition de satisfaire certaines recommandations émises par ce bailleur de fonds qui exige toujours des réformes économiques pour débloquer les fonds promis.
L’agence de notation Moody’s s’est penchée sur le cas de la Tunisie avant de placer cette notation et a constaté que ce choc économique global se traduit principalement par un renchérissement du coût de financement, une baisse des recettes touristiques et un net ralentissement de la croissance du PIB qui impactent négativement la position extérieure du pays et alourdissent son endettement. Un appel a été lancé par l’agence aux investisseurs internationaux pour les prévenir que l’économie tunisienne fait face à un choc inédit qui pourrait altérer le profil de crédit du pays.
Pourtant, la Tunisie a besoin, plus que jamais, de ces investisseurs étrangers et de capitaux frais de nature à stimuler la création d’entreprises et la génération des richesses, ce qui
permettrait aussi de diminuer le recours aux crédits qui constitue une charge pour les générations actuelles et futures. Actuellement, l’agence dit ne pas avoir à ce jour suffisamment d’éléments d’information pour se prononcer si le risque souverain de la Tunisie se dégrade dans les prochains mois. Le comité de notation de Moody’s a décidé de suivre l’évolution de l’économie sur une période de trois mois pour décider de la nouvelle notation. Entre-temps, les autorités tunisiennes doivent agir vite et bien pour sauver une économie en berne et maintenir en vie ces PME qui saignent par quatre veines et attendent le remède de choc.