Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’investissement, Ali Kooli a estimé, mercredi soir, que le recours au financement intérieur pour boucler le budget de 2020 « n’est pas une mesure inflationniste », ajoutant que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) est capable de financer davantage l’économie.
« Il est difficile d’aller sur les marchés extérieurs d’ici la fin de l’année, pour mobiliser des ressources additionnelles et il encore plus compliqué, de mettre sur la table la vente des biens publics, d’où cette mesure de financement intérieur », a-t-il déclaré lors d’un webinaire organisé par l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE) sur le thème « « Loi de Finances 2021 : Une situation déjà compliquée, aggravée par une crise inédite ». Interrogé sur le communiqué publié, mardi, par la BCT, dans lequel l’institut d’émission exprime ses appréhensions quant aux impacts du financement intérieur sur l’inflation, le ministre a dit regretter de n’avoir pas eu l’occasion de consulter ce communiqué, avant sa publication dans les médias.
Et d’ajouter qu’il aurait souhaité discuter de cette question en amont, avec le gouverneur de la banque des banques, afin d’identifier ensemble, des pistes de solution. «Notre marché financier dispose de la profondeur nécessaire pour répondre à nos besoins budgétaires additionnels », a-t-il encore insisté, sachant que ces besoins de financements sont estimés à 10 milliards de dinars, selon le projet de loi de finances complémentaire de 2020. D’après lui, ce mécanisme a été appliqué dans plusieurs pays, évoquant l’exemple de la Banque Centrale Européenne et Federal reserve bank (FED) qui, selon lui, sont intervenues massivement, dans le financement de l’économie à travers le rachat des dettes obligatoires.
La BCT pourrait lever 3 milliards de dinars
éagissant à l’intervention du ministre, le député du Courant Démocratique et membre de la Commission parlementaire des finances, Hichem Ajbouni a estimé que la mobilisation de 10 milliards de dinars par le marché financier va non seulement dégrader le pouvoir d’achat et déprécier la valeur du dinar, mais cela privera aussi, les entreprises dont les PME, de financement. Par conséquent, cela va réduire l’investissement et la consommation, a-t-il souligné.
Il a fait savoir que le gouverneur de la BCT, qui a été auditionné mercredi matin par la commission des finances, a assuré qu’il n’est plus possible de lever autant d’argent, en un laps de temps aussi réduit. Selon Ajbouni, « Abassi s’est dit prêt à la limite de mobiliser 3% du montant, soit la bagatelle de 3 milliards de dinars ». Le député a, par ailleurs, fait savoir qu’une demande a été formulée au ministère des Finances, afin de réviser le projet de loi de finances complémentaire, de manière à rationaliser les dépenses. Intervenant, à cette occasion, Walid Ben Salah, expert-comptable et enseignant universitaire, a assuré que cette mesure « inflationniste » ne manquera pas d’alourdir le bilan de la BCT, ce qui rendra de plus en plus difficiles les discussions avec les bailleurs de fonds étrangers et les agences de notation internationales surtout que la notation accordée par ces agences, prend en compte le bilan de la BCT.
Nécessité de restructurer les entreprises publiques
« Il est inadmissible qu’on continue aujourd’hui, à financer les déficits budgétaires des entreprises publiques, alors qu’elles ne présentent aucun programme de restructuration ou de réforme », a t-il déploré.
Face à cette situation, a-t-il dit, nous serons contraints à recourir au même mécanisme l’année prochaine et nous nous retrouverons ainsi, dans le même cercle vicieux.
L’économiste Fatma Marrakchi s’accorde avec Walid Ben Salah, pour souligner l’impératif d’instaurer des réformes structurelles pour les entreprises publiques qui, selon elle, ne font que creuser le déficit budgétaire de l’Etat. Il faut pour cela engager un dialogue en toute transparence avec les partenaires sociaux, afin de faire le point sur la situation de ces établissements. Mardi soir, la Banque Centrale de Tunisie avait publié un communiqué dans lequel, elle est revenue sur le projet de loi de finances complémentaire (LFC) de 2020 et les problématiques qu’il soulève au niveau des besoins additionnels en financement.
D’après elle, ce projet fait ressortir un déficit qui dépasse largement, les répercussions de la crise sanitaire du COVID-19, pour atteindre un niveau sans précédent estimé à 13,4% du PIB. Pour faire face à cette situation, il est prévu dans ce projet de loi de recourir davantage au financement intérieur qui va s’élever à 14,3 milliards de dinars, contre 2,4 milliards, selon la loi de finances initiale, ce qui pourrait, selon la BCT, avoir des répercussions négatives sur les équilibres macroéconomiques.