Le coin fiscal en Tunisie est élevé, ce qui encourage l’évasion fiscale et le recours à l’emploi informel, a indiqué jeudi à l’Agence TAP, l’expert comptable, Anis Wahabi.
Il a estimé que l’accroissement du coin fiscal reflète une augmentation des charges supportées par l’employeur, sans que cela profite réellement, à l’employé. Ceci peut influencer le comportement des entreprises qui soit revoient à la baisse les recrutements, soient font supporter au salarié, l’effet de l’augmentation salariale, en lui offrant un salaire net inférieur, afin de garder le même coût fiscal qu’avant l’augmentation salariale.
Le coin fiscal (CF) englobe la charge supportée par l’employeur (contribution patronale et taxes basées sur la masse salariale), en plus du salaire net. Il s’agit d’un indicateur qui mesure l’écart entre les coûts de la main-d’œuvre pour l’employeur et la part de la rémunération nette après paiements des cotisations sociales et de l’impôt, sur le revenu du salarié, rapporté au coût salarial total.
Selon un rapport publié en 2020, par l’Itceq intitulé «Pression fiscale sur le travail salarié en Tunisie», le coin fiscal en Tunisie était de 33,6% en 2006 et a atteint 42,4% en 2017, après avoir enregistré une stagnation à 38,4% de 2009 jusqu’au 2016.
Autrement dit, une taxation élevée conduirait à une augmentation du chômage, une diminution de la productivité du travail et un accroissement des coûts de l’entreprise. Elle entrave, par conséquent, sa compétitivité et stimule l’emploi informel.
D’un autre côté, avec un CF moyen en Tunisie de l’ordre de 32,7% (en 2017), un salarié qui coûte à l’entreprise 100 dinars ne touche réellement comme salaire net disponible que 67,300 dinars.
D’après un ancien rapport publié par la Banque Mondiale en 2014, intitulé « Dysfonctionnements du marché de l’emploi », «le fait que le coin fiscal soit élevé est dû aux paiements effectués par les employeurs et employés et qui ne sont pas liés aux prestations qu’ils perçoivent. Ces charges sont partiellement utilisées pour financer indirectement, les subventions accordées à d’autres programmes (mutualisation des risques) sous forme de garanties minimales de retraite, d’allocations familiales ou d’assurance maladie pour les travailleurs à faible revenu». « En Tunisie, par exemple, les cotisations sociales sont utilisées pour financer les programmes alloués à la formation et au logement et qui ne sont nécessairement accordées aux membres cotisants », a encore noté le rapport, ajoutant qu’au « vu le caractère progressif de l’impôt sur le revenu, le coin fiscal en Tunisie est plus élevé pour les travailleurs qualifiés que pour ceux qui ne sont pas qualifiés ». Par ailleurs, le même document a révélé qu’une « augmentation du coin fiscal de 10%, peut entrainer une chute des emplois dans le secteur formel qui varie entre 1 et 5% », dans la mesure où « les entreprises substituent le facteur travail par le capital dans le secteur formel (ils réduisent le nombre de postes à pourvoir) et au fur et à mesure les entreprises et emplois à faible productivité migrent vers le secteur informel ». Ainsi, Wahabi a souligné l’impératif de réduire les taxes basées sur la masse salariale, afin d’alléger le fardeau de taxation imposé aux employeurs et de les encourager par conséquence, à recruter plus de personnel. Pour rappel, la Tunisie a été classée au 73ème rang sur un total de 137 pays au niveau de l’effet de la taxation sur les incitations au travail, selon le rapport sur la compétitivité globale du Forum Economique Mondial (2017-2018).