Adoptée il y a quelques jours en Conseil des ministres, la loi de finances pour l’exercice 2022 a été finalement présentée, hier mardi, par le gouvernement lors d’une conférence de presse tenue à la Cité de la culture à Tunis.
Grosso modo, la nouvelle loi de finances a pour mission de préparer les différentes grandes réformes économiques et sociales que compte mettre en œuvre le gouvernement. Aussi, il est question d’assurer les équilibres financiers de l’Etat tunisien dans une conjoncture politique, économique, sociale et sanitaire peu confortable. Cela passera, comme prévu, par l’endettement et notamment par une nouvelle ligne de crédit avec le Fonds monétaire international (FMI).
«La préparation de la loi de finances était un exercice difficile pour le gouvernement, compte tenu de la situation économique et financière du pays. Malgré les contraintes, le gouvernement a essayé de préparer une loi de finances équilibrée qui tient compte de la nécessité d’adopter des réformes fondamentales», a annoncé Sihem Boughdiri Nemsia, ministre des Finances, en début de la conférence.
Selon un document présenté par ladite ministre, le budget de l’Etat pour 2022 est fixé à 57,291 milliards de dinars, soit une augmentation de 3,2% par rapport à 2021, pour un déficit budgétaire attendu de 9,308 milliards de dinars, soit 6,7% du produit intérieur brut (PIB), sans compter les dons.
Les besoins de financement sont de l’ordre de 18.673 MD en plus de 1.310 MD de besoins de trésorerie. Ainsi, les besoins en endettement sont de 19.983 MD. 7.331 proviendront de l’endettement intérieur et 12.652 MD de l’emprunt international.
S’agissant des hypothèses mises en jeu pour élaborer une telle loi, la ministre a cité notamment un taux de croissance estimé à 2,6%, un prix du baril de pétrole à 75 dollars, le démarrage de la mise en œuvre des réformes économiques et fiscales, mais aussi et surtout de la mise en place d’un accord avec le FMI.
Élaborée sur la base des équilibres financiers mais aussi de nouvelles mesures fiscales, selon la ministre des Finances, la loi de finances a pour principal objectif de préparer le terrain aux réformes économiques et sociales qui seront opérées à partir de cette année et jusqu’à 2026. «Les réformes économiques et sociales ne sont pas forcément citées dans cette loi de finances, elles peuvent avoir lieu à l’issue d’autres lois ou de textes d’application, mais ce cadre légal vise essentiellement à assurer les équilibres budgétaires et préparer les grandes réformes», a-t-il insisté. Et d’annoncer que le gouvernement est en train de préparer un document portant sur les grandes réformes qui va être présenté au FMI.
Mesures sociales
Conformément au document présenté en présence des ministres de l’Economie et de la Planification, de l’Énergie et de l’Emploi, plusieurs mesures sociales ont été mises en exergue. Ainsi, l’allocation accordée aux familles nécessiteuses passera de 180 à 200 dinars, 310.000 familles sont concernées. Aussi, une subvention mensuelle de 30 dinars sera attribuée à chaque enfant de moins de six ans issu de familles à bas et à moyens revenus, une mesure qui profitera à 120.000 bénéficiaires.
Par ailleurs, la ministre a souligné que le gouvernement s’emploiera à accélérer la mise en œuvre du programme de logements sociaux, tout en s’engageant que les aides sociales accordées à l’occasion de la rentrée scolaire et universitaire et la bourse de 500 dinars destinée à l’insertion dans la vie universitaire qui concerne 36 mille étudiants seront maintenues.
La responsable a également annoncé la création d’une ligne de financement des institutions économiques sociales et solidaires allant jusqu’à 150 mille dinars pour les diplômés de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle, ainsi que la mise en place d’un programme d’aide aux salariés du secteur du tourisme en leur attribuant une subvention temporaire de 200 dinars pour une durée maximale de 6 mois.
Départ à la retraite, un programme spécifique
Notons que la loi de finances en question a été élaborée selon une philosophie ayant pour objectif d’alléger la masse salariale, sans pour autant causer des maux et des crises sociaux. Dans cette optique, un programme de départ à la retraite anticipée y a été inclus. La loi de finances pour l’exercice 2022 autorise, dans ce sens, le départ à la retraite anticipée avant l’âge légal de 62 ans. Cette loi s’applique aux fonctionnaires publics âgés de 57 ans au moins au cours de la période allant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2024, et qui ont effectué la période minimale de travail requise pour obtenir la pension de retraite (15 ans). Ces fonctionnaires qui adhèrent à ce programme bénéficieront de la pension de retraite immédiatement après le départ à la retraite.
La loi prévoit également des mesures visant à encourager les agents publics à lancer leurs propres projets en leur permettant de bénéficier d’un congé pour une période de trois ans, renouvelable une seule fois. Durant la première année ils percevront 50% de leurs salaires, et si leur projet a pour objectif le développement régional, cet avantage concerne également la deuxième année.
Economie verte et nouvelles taxes
La loi en question encourage également l’économie verte et la transition énergétique. Ainsi, plusieurs mesures ont été annoncées à cet effet. Il est notamment question de l’allégement de 50% sur les taxes imposées de consommation sur les véhicules hybrides, et l’annulation des droits douaniers sur les l’importation des véhicules 100% électriques.
Cependant, de nouvelles taxes ont été incluses dans cette loi de finances alors que d’autres ont été augmentées. Comme attendu, les tarifs de la taxe de circulation, ou vignette automobile, ont augmenté. Selon la loi de finances 2022, les véhicules dont la puissance fiscale ne dépasse pas les 4 cv payeront 65 dinars (soit une augmentation de 5 dinars) alors que le véhicules dont la puissance fiscale est comprise entre 5 et 7 Cv : 130 dinars, soit une augmentation de 10 dinars.
Une nouvelle taxe de consommation a également été imposée aux clients des grandes surfaces. Ainsi, pour chaque achat, une taxe de 100 millimes sera ajoutée au ticket de caisse. Des taxes sur l’importation de certains produits de consommation ayant un générique en Tunisie ont été également imposées.
Dans sa stratégie de décashing, le gouvernement a également décidé une imposition de 5% de la valeur de toute transaction en espèce dépassant trois mille dinars.
La loi de finances de 2022 a prévu également la création d’un compte spécial du trésor public pour le financement des caisses de sécurité sociale dénommé «Compte de diversification des ressources de sécurité sociale».
Les ressources de ce compte proviennent notamment des contributions sociales de solidarité en vertu de l’article 53 de la loi de finances de 2018, amendé et complété par des textes de loi, notamment par l’article 39 de la loi de finances de 2020. Aussi, il a été décidé de créer un fonds destiné à l’appui du Partenariat public privé (PPP) pour promouvoir le patrimoine immobilier des entreprises publiques.
Dans cette loi de finances, une batterie de mesures a été aussi incluse portant surtout sur l’encouragement du paiement des pénalités et des arriérés fiscaux. Une mesure d’envergure a été également annoncée pour introduire l’économie parallèle dans les cercles financiers reconnus et pour lutter contre la contrebande. Ainsi, tous les fonds d’origine inconnue peuvent être déposés dans les banques contre une déduction de 10% au profit des caisses de l’Etat pour blanchir légalement cet argent.
Le porte-parole du gouvernement Nasserdine Nssibi a, en fin de la conférence de presse, démenti les informations selon lesquelles le gouvernement compte réduire les salaires dans la fonction publique, réitérant l’attachement du gouvernement à honorer ses engagements envers la centrale syndicale.