Aux États-Unis, le dérapage des prix n’en finit plus et cesse d’être regardé avec complaisance par la Réserve fédérale, qui pourrait précipiter la fin de son assouplissement quantitatif. L’inflation concerne aussi les prix des actifs, immobiliers ou boursiers, qui atteignent des sommets. À moins que l’émergence du variant Omicron du coronavirus ne change radicalement la donne, tout concourt au relèvement des taux d’intérêt directeurs en 2022, peut-être dès l’été.
Ce qui n’a longtemps été vu que comme un épiphénomène aux États-Unis devient un véritable sujet de préoccupation. En octobre 2021, et pour la première fois depuis trente-et-un an, l’inflation américaine a dépassé la barre des 6%. Mesurée à 4,6% hors énergie et alimentation – là aussi, un record – elle s’installe très au-dessus de l’objectif de 2% assigné à la Réserve fédérale (Fed), qui finit par réagir.
LA FED CALME LE JEU
D’abord, en haussant le ton. À l’occasion de son traditionnel témoignage devant le Congrès, le président de la Fed, Jerome Powell, a indiqué fin novembre que le dérapage des prix ne pouvait plus être qualifié de « transitoire ». Il a aussi accrédité l’option d’une interruption plus rapide du quantitative easing, ouvrant la voie à une possible hausse des taux d’intérêt, peut-être dès l’été 2022.
À moins que l’émergence du variant « Omicron » du coronavirus ne change la donne, tout se prête au resserrement de la politique monétaire aux États-Unis. Outre le fait qu’elle accélère, l’inflation se généralise et rattrape désormais les loyers, l’un des postes les plus importants de l’indice des prix. Leur renchérissement, qui atteint déjà 3,5% sur un an, a toutes les chances de s’accentuer dans le sillage de la hausse des prix de l’immobilier, elle-même sous-tendue par l’explosion des prêts hypothécaires.
Le climat des affaires est euphorique. Un peu moins dans l’industrie, dont la production reste entravée par la pénurie mondiale de composants, mais plus que jamais dans les services, qui opèrent un retour à la normale et dont les perspectives d’activité comme d’embauches n’ont, jusqu’à présent, pas fléchi.
Le marché du travail a retrouvé de la tonicité. En 2021, plus de 6 millions d’emplois auront été récupérés sur les 9,4 millions perdus en 2020 ; tombé à 4,2% de la population active en novembre, le chômage a baissé au-delà des espérances de la Fed. Reste un taux de participation encore assez faible, qu’un phénomène de découragement parmi les actifs les plus exposés à la pandémie peut expliquer, mais que la démographie influence aussi. Non biaisée par le vieillissement de la population, la part des Américains de 20 à 64 ans présents sur le marché du travail (possédant ou recherchant un emploi) remonte tout de même ; chiffrable à 77% au dernier pointage, elle n’est plus très éloignée de sa moyenne de 2019 (77,6%).
Avec la succession de records boursiers et la compression sans précédent des spreads de crédit observés en 2021, la stabilité financière, devient, enfin, un sujet. Les rapports que la Fed lui consacre indiquent régulièrement que les niveaux de valorisation atteints par les marchés d’actions ou de dette d’entreprises sont historiquement élevés et puisent, au moins en partie, leur source dans la faiblesse des taux d’intérêt. Un discours qui résonne comme une reconnaissance de responsabilité, désormais doublée d’une intention de calmer le jeu.