La Banque mondiale (BM) a revu en baisse mardi ses prévisions de croissance économique pour les Etats-Unis, la zone euro et la Chine, et elle a mis en garde contre le risque de voir les dettes publiques, le creusement des inégalités et les nouveaux variants du COVID-19 menacer la reprise dans les pays émergents.
L’organisation internationale explique anticiper une phase de « ralentissement prononcé » qui ramènerait la croissance mondiale à 4,1% cette année après 5,5% l’an dernier, puis à 3,2% en 2023, l’effet positif du rattrapage de la demande et des plans de soutien monétaire et budgétaire se dissipant progressivement.
Ses prévisions pour 2021 et 2022 ont été réduites de 0,2 point de pourcentage par rapport à celles présentées en juin dernier.
Le Fonds monétaire international (FMI), de son côté, devrait aussi abaisser ses prévisions, dont il a repoussé la publication au 25 janvier afin d’y intégrer l’impact attendu du déferlement du variant Omicron du coronavirus.
Pour la Banque mondiale, après le fort rebond de l’activité économique observé en 2021 dans les pays avancés comme dans les émergents et en développement, la croissance risque d’être freinée en 2022 par l’inflation, les tensions dans les chaînes d’approvisionnement, les pénuries de main-d’oeuvre et l’apparition de nouveaux variants du coronavirus.
« Un ralentissement prononcé est en cours », a déclaré à Reuters Ayhan Kose, directeur du département Perspectives de l’organisation basée à Washington. « Le soutien des politiques monétaires et budgétaires est en train de diminuer et nous allons au devant d’une multitude de risques. »
La propagation rapide du variant Omicron prouve que la reprise reste soumise à des risques importants liés à la pandémie, a-t-il ajouté, en expliquant que l’engorgement des systèmes de santé pourrait amputer la croissance mondiale de 0,7 point de pourcentage supplémentaire dans le pire des cas.
Selon les données compilées par Reuters, le COVID-19 a tué plus de 5,8 millions de personnes dans le monde et si 59% de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin, cette proportion tombe à 8,9% seulement pour les pays à bas revenus selon le site internet Our World in Data.
Pour Ayhan Kose, la pandémie a eu pour effet de creuser les écarts de croissance entre pays avancés et pays en développement tout comme les inégalités internes à chaque pays, ce qui pourrait provoquer des tensions sociales et politiques.
LA PANDÉMIE MENACE DE LAISSER DES CICATRICES DURABLES
Le risque d’un « atterrissage brutal » des pays en développement augmente en raison de leur capacité réduite à apporter un soutien budgétaire supplémentaire à leur population, des tensions inflationnistes et de leurs faiblesses financières, a-t-il dit.
La Banque mondiale prévoit que la croissance des économies avancées reviendra à 3,8% cette année après 5% en 2021 et qu’elle continuera de ralentir en 2023, à 2,3%.
Pour les Etats-Unis, elle a réduit sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2021 de 1,2 point, à 5,6%, et table sur 3,7% pour 2022 puis 2,6% pour 2023.
La Chine, deuxième économie mondiale, devrait afficher un rebond de 8% en 2021, soit un demi-point de moins qu’attendu en juin, mais sa croissance devrait revenir à 5,1% en 2022 et 5,2% en 2023.
Dans la zone euro, la croissance est attendue à 5,2% pour 2021 mais elle devrait ralentir à 4,2% cette année puis à 2,1% l’année prochaine.
La croissance des pays émergents et en développement est prévue à 4,6% pour 2022 contre 6,3% en 2021 et 4,4% pour 2023, ce qui impliquerait que leur PIB global resterait inférieur de 4% à son niveau d’avant la pandémie.
La hausse des taux d’intérêt constitue un risque supplémentaire et pourrait freiner la croissance, surtout si les Etats-Unis et d’autres grandes économies entament ce mouvement dès le printemps, donc plus tôt que prévu initialement, a aussi expliqué Ayhan Kose.
Il a ajouté que la pandémie avait porté la dette mondiale à son plus haut niveau depuis un demi-siècle et que des efforts concertés étaient donc nécessaires pour accélérer la restructuration des dettes des pays sous tension, en impliquant les créanciers privés.
La pandémie, a-t-il poursuivi, a fortement augmenté les inégalités de revenus, d’accès à la santé et de croissance tout en favorisant les destructions d’emplois, un mouvement qui touche en premier lieu les femmes, les personnes peu qualifiées et les travailleurs informels, a-t-il poursuivi.
« Cette évolution pourrait laisser des cicatrices durables », a-t-il dit en expliquant que les dommages subis par les systèmes éducatifs pourraient affecter le capital humain pendant plusieurs générations.