La Tunisie ne doit pas manquer la révolution numérique et digitale qui est en train de transformer de manière irréversible les économies, au risque d’être reléguée au rang de pays « en dehors de l’histoire », prévient une étude intitulée « La transition numérique en Tunisie à l’horizon 2050 : vision et manœuvre stratégique », réalisée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
L’objectif de cette étude stratégique et prospective, publiée mardi, consiste à présenter les enjeux et les opportunités de la transition numérique en Tunisie à l’horizon 2050. Le document fournit, en premier lieu, un diagnostic de la situation actuelle de la transition numérique en Tunisie, en identifiant les variables qui ont conditionné l’évolution du système numérique par le passé.
Un retard qui s’accumule
Selon l’étude, les trois prochaines décennies seront fortement, impactées par les technologies numériques conduisant à des ruptures importantes dans les modes de vie. Plusieurs technologies émergentes attirent d’ores et déjà l’attention et sont au cœur du fonctionnement des sociétés.
L’Intelligence Artificielle aura un impact sur l’avenir de quasiment tous les domaines de la vie des êtres humains.
Elle transformera tous les pans de l’économie, particulièrement le marché du travail. L’informatique de périphérie changera la manière de concevoir l’informatique et aidera à résoudre les problèmes en contournant les contraintes actuelles (latence, acheminement des données vers un centre de données pour traitement, etc.).
Parallèlement, les ordinateurs quantiques permettront des sauts qualitatifs importants dans la résolution des problèmes complexes. En outre, l’avenir sera fortement lié au développement des métavers (univers virtuels) et à la progression de la réalité virtuelle. Des univers synthétiques permettront de faire fonctionner ouvertement toutes les organisations, presque sans aucune interruption, en dépassant les contraintes physiques. La participation des créateurs viendra du monde entier.
Cependant, « si la Tunisie n’a cessé, depuis le début des années 1980, d’augmenter son usage des technologies digitales et de formuler des stratégies pour leur mise en œuvre dans ses plans de développement économique et social, force est de constater que les stratégies récentes ont été faiblement mises en œuvre et les objectifs sont restés au stade des souhaits. Alors que le pays dispose d’atouts considérables et d’infrastructures de télécommunications parmi les plus sophistiquées en Afrique, la gouvernance du projet de la transition digitale a conduit à l’observation d’un retard qui s’accumule ».
Scénarios possible pour la transition numérique en Tunisie
Dans un second lieu, l’étude décrit quatre scénarios possibles pour la transition numérique en Tunisie.
Dans le scénario de rupture négative dit « noir ou catastrophique », la situation économique, sociale et politique en Tunisie conduit à un blocage et à la mise en place de cercles vicieux. La transition digitale est un échec et n’aura pas lieu. Tout au contraire, une stratégie inverse s’installera en raison du manque de confiance numérique généralisée.
Dans le scénario tendanciel dit « au fil de l’eau », les tendances actuelles se figent. La transition numérique sera lente et les résistances au changement seront nombreuses. La transition digitale sera contreproductive et à contre temps sans impact économique majeur.
Dans le scénario souhaitable ou normatif, les « cercles vertueux » se mettent en place en Tunisie, pour des motifs externes et des motifs internes ainsi que par des décisions politiques adéquates. La transition digitale accélère la croissance économique et le bien-être des Tunisiens.
Dans le scénario de rupture positive, dit « optimal ou idéal », toutes les dynamiques deviennent positives et favorisent une transition digitale inclusive et pro-environnementale. Le pays réalise un saut qualitatif dans le développement économique et social. La transition numérique est parfaite et la e-Tunisie s’affirme au niveau géopolitique et géoéconomique.
Pistes possibles pour matérialiser les scénarios souhaitables
En troisième lieu, l’étude de l’ITES cherche à matérialiser les scénarios souhaitables et identifie les politiques nécessaires à l’horizon 2050 pour la mise en œuvre de la vision et la réalisation de l’objectif suprême : insérer la Tunisie au cœur de la révolution numérique et digitale transformant de manière irréversible les économies et les sociétés.
« Afin de négocier ce tournant historique, outre le fait de tirer le meilleur parti de cette rupture majeure dans le cours de l’histoire (profiter de la quatrième révolution industrielle), il s’agit d’œuvrer, à éviter un écueil qui pourrait s’avérer catastrophique pour le pays : laisser se constituer une nouvelle ligne de fracture ou de cassure, bien plus préjudiciable que la fracture régions côtières et régions intérieures, entre une Tunisie connectée et insérée dans cette nouvelle économie numérique et une Tunisie qui en serait évincée et donc marginalisée. A cet effet, l’accent devra être mis sur le government 4.0, l’éducation 4.0, la santé 4.0 et l’industrie 4.0″.
La Tunisie ne peut et ne doit pas manquer ce tournant au risque d’être reléguée au rang de pays en dehors de l’histoire, prévient ainsi l’ITES.
Néanmoins, il convient de rappeler qu’avant que la Tunisie ne puisse poursuive une transformation numérique réussie, il lui incombe d’assurer les préalables suivants : se fixer comme enjeu majeur de l’évolution de la Tunisie vers l’économie numérique, la création de la valeur ajoutée en vue d’améliorer le niveau de vie et le bien-être social des Tunisiens et d’assurer le financement du projet de transformation digitale; repréciser les missions de chaque partie prenante et ses prérogatives avec le souci d’une simplification administrative; former les ressources humaines et assurer le développement du capital humain et le leadership dans le numérique.
Il s’agit aussi de renforcer la confiance numérique ; de promouvoir la culture du numérique par la généralisation de l’usage des nouvelles technologies dans la société et surtout au sein des administrations publiques; d’adapter et réformer le cadre législatif et institutionnel; d’assurer l’amélioration de la gouvernance et l’appui institutionnel et de renforcer les infrastructures digitales nécessaires pour les applications les plus développées.