A l’atelier de Sabri Cheriha, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se recycle. Niché en plein cœur de Bhar Lazrag , un quartier de la commune de la Marsa, cet espace est une véritable caverne d’Ali Baba, où s’entassent et s’empilent des centaines d’appareils électriques et de pièces détachées en fin de vie, qui n’attendent que d’être ressuscités.
Des machines à laver, en passant par les réfrigérateurs, jusqu’aux machines à café, Sabri et son équipe de techniciens chevronnés réparent, reconditionnent et recyclent toutes sortes d’électroménagers qui leur tombent sous la main.
Avec sa startup baptisée «Wefix», le jeune homme entend promouvoir l’économie circulaire, en incitant les consommateurs à se tourner vers un mode de consommation sobre, durable et plus éco-responsable.
« En privilégiant la réparation au rachat, nous contribuons à réduire les déchets électriques dans le pays, ce qui permet de minimiser leurs effets nocifs sur l’environnement et la santé publique », déclare Sabri dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Les déchets électriques, un danger pour la santé et l’environnement
Selon l’Agence Nationale de Gestion des Déchets, la Tunisie produit 100 000 tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) par an. Ces déchets contiennent plusieurs substances dangereuses comme le mercure, le plomb, les retardateurs de flamme bromés qui constituent des risques majeurs pour l’environnement et la santé des personnes, souligne le rapport « Global E-Waste Monitor 2020 » publié par le Global E-waste Statistics Partnership (GESP).
La mauvaise gestion de ces déchets joue également, un rôle dans le réchauffement climatique. En effet, les réfrigérants contenus dans certains équipements d’échange thermique sont des gaz à effet de serre, renseigne la même source.
Outre l’impact bénéfique pour l’environnement, la remise en état d’un appareil usagé permet aux ménages de faire des économies et de préserver ainsi, leur pouvoir d’achat.
« Face à l’inflation, il est devenu difficile aujourd’hui de s’offrir le luxe d’un équipement neuf, d’autant plus, lorsqu’il s’agit des gros électroménagers comme les machines à laver. C’est pourquoi, nous nous sommes dit qu’il fallait introduire un service de vente d’appareils reconditionnés, outre celui de la réparation », indique le promoteur de Wefix.
D’après lui, sa startup est aujourd’hui la seule de son secteur à proposer à ses clients des appareils reconditionnés qui sont des produits de seconde main, remis à neuf et revendus à un tarif réduit, avec une garantie.
Pour faciliter l’accès à ces services, Sabri a mis en place une plateforme digitale « Wefix », qui permet à tout utilisateur résidant à Tunis, Bizerte et Nabeul de remplir, en quelques clics, un formulaire en ligne afin de renseigner sur son adresse, le type d’appareil endommagé et la nature de la panne.
Une fois le formulaire rempli, un technicien se déplace à l’adresse indiquée, en moins de 48h, afin de récupérer l’objet défectueux.
La plateforme offre aussi, la possibilité aux clients de faire don de leurs appareils irréparables. L’objectif étant d’en extraire les pièces détachées pour servir à la réparation d’autres électroménagers.
Le Covid-19, un tournant décisif
Après avoir cumulé plus dix ans d’expérience dans une entreprise spécialisée dans la vente de distributeurs automatiques, Sabri se résout à l’idée qu’il était grand temps pour lui de voler de ses propres ailes. En pleine pandémie de Covid-19, il décide de sauter le pas pour monter son propre projet.
« A l’époque, j’ai été très sollicité par mon entourage pour réparer leurs machines à café, de par mon expérience dans le secteur de la distribution automatique. Dès lors, j’ai découvert que la demande était de plus en plus croissante et que la réparation était un marché porteur », se souvient le jeune homme.
A en croire Sabri, les débuts étaient difficiles car il n’avait ni les ressources financières ni logistiques pour faire démarrer son projet. Après ces balbutiements, l’entrepreneur en herbe juge indispensable de se tourner vers le Laboratoire de l’Economie Sociale et Solidaire, « Lab’ess » un incubateur qui fournit un appui financier et un accompagnement à la création de startups.
De fil en aiguille, il parvient à mettre son projet sur les rails en septembre 2021 et à recevoir le label « Startup Act », quelques mois après. Ce titre est accordé par le ministère des technologies de la communication à toute entreprise de droit tunisien qui respecte les critères de labellisation dont l’innovation et la scalabilité.
Sabri se dit aujourd’hui « satisfait » du chemin parcouru. A ce jour, son entreprise a réussi à collecter une centaine d’appareils usagés et éviter près de soixante tonnes de déchets électriques.
«Le projet se développe bien dans la mesure où le nombre de clients ne cesse de croître de jour en jour. Nous sommes aussi, heureux de pouvoir contribuer à notre manière au développement d’un pays plus vert et plus propre. Nous sommes convaincus que le meilleur reste à venir », s’enthousiasme-t-il.
A terme, le promoteur de Wefix ambitionne d’étendre ses activités à tout le territoire tunisien et d’élargir son champ d’intervention pour inclure les appareils électroniques comme les téléphones et les ordinateurs.