La Banque du Japon (BoJ) devrait relever son taux directeur à un minimum de 1 % afin de mettre un terme à une politique monétaire considérée comme « anormale » par l’opposition japonaise, qui dénonce ses effets néfastes sur le yen. Takeshi Shina, ministre des Finances du cabinet fantôme du principal parti d’opposition, le Parti constitutionnel démocratique du Japon (CDPJ), appelle ainsi à une normalisation progressive des taux pour stabiliser l’économie japonaise.
Lors d’une interview accordée à Reuters, Takeshi Shina a insisté sur la nécessité de clarifier les intentions de la BoJ en matière de politique monétaire. Il a souligné que le taux directeur de la banque centrale, actuellement fixé à 0,25 %, reste largement inférieur aux niveaux jugés « neutres » pour soutenir une économie stable. « Le rôle de la BoJ est d’assurer la stabilité des prix, mais cet objectif est loin d’être atteint », affirme-t-il, ajoutant que l’écart important entre les taux d’intérêt japonais et américains alimente la chute du yen, ce qui exacerbe le coût de la vie pour les Japonais.
Une politique monétaire ultra-accommodante de plus en plus critiquée
Figure clé du CDPJ et membre influent du comité financier de la chambre basse du Parlement, Takeshi Shina a plusieurs fois exprimé ses réserves à l’égard de la politique monétaire ultra-accommodante menée par la BoJ, actuellement dirigée par Kazuo Ueda. Selon Shina, cette politique, qui reste orientée vers une stimulation excessive de l’économie, ne bénéficie qu’à une minorité d’entreprises japonaises, en particulier les grands industriels, tandis que la population subit de plein fouet la flambée des prix.
Shina recommande ainsi un relèvement progressif du taux directeur de la BoJ jusqu’à 1 %, et ce, par étapes successives. Cette approche permettrait de réduire progressivement les mesures de relance jugées excessives et d’atténuer la pression inflationniste. « Le taux neutre au Japon est d’au moins 1 % : atteindre ce seuil ne représente pas un resserrement de la politique monétaire mais une normalisation nécessaire pour sortir d’une situation anormale », explique Shina.
Impact de la dépréciation du yen sur les prix et les salaires
La baisse continue du yen a entraîné une hausse marquée des prix des importations, contribuant à augmenter le coût de la vie et à limiter la croissance des salaires réels. Cette situation, aggravée par les fluctuations du dollar, affecte directement les ménages japonais, dont le pouvoir d’achat est érodé par des coûts de consommation en hausse. « Seuls quelques grands industriels profitent de la dépréciation du yen, mais la majorité des Japonais subissent cette situation », déclare Takeshi Shina, déterminé à poursuivre ses efforts pour inciter la BoJ à revoir sa politique monétaire.
Le yen a perdu près de 30 % de sa valeur face au dollar depuis 2020, d’après les données de la BoJ, un recul qui accentue la pression économique sur le Japon. La devise japonaise a atteint ce jeudi un niveau historique, le dollar dépassant 156 yens pour la première fois depuis juillet, stimulé par les spéculations sur les politiques monétaires aux États-Unis. Les craintes que la présidence de Donald Trump intensifie l’inflation américaine et freine le cycle de baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed) pèsent aussi sur le yen.
Une dynamique politique en faveur du CDPJ
Le Parti constitutionnel démocratique du Japon (CDPJ), au sein duquel Takeshi Shina joue un rôle central, a vu son influence croître après les élections législatives du 27 octobre, lors desquelles le gouvernement en place n’a pas obtenu de majorité absolue. Cette dynamique politique renforce la pression sur la BoJ pour qu’elle reconsidère sa stratégie. En mettant en avant les problèmes économiques générés par la dévaluation du yen, l’opposition entend faire de cette question un enjeu de premier plan dans le débat public japonais et influencer ainsi les décisions de la Banque du Japon.
Cette position stratégique, portée par Shina, pourrait marquer un tournant dans la politique monétaire japonaise. Pour le Japon, revenir à une politique de taux plus élevée et réduire l’impact de la faiblesse du yen sur l’économie pourrait être une étape essentielle pour stabiliser les prix, freiner l’inflation importée et offrir des perspectives de croissance plus équilibrées.