Les lois de finances, partout dans le monde, visent à établir des mesures fiscales pour générer des revenus permettant à l’État de financer ses missions. Cependant, ces dispositions peuvent créer des difficultés pour certains acteurs économiques. En Tunisie, la loi de finances 2025 suscite des inquiétudes, notamment chez les entreprises exportatrices qui se sentent pénalisées. L’Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OCET) a organisé une conférence pour examiner ces enjeux cruciaux.
Hausse de l’impôt sur les sociétés : une mesure controversée
Lors de cette conférence, Mohamed Triki, membre de l’OCET, a mis en lumière l’augmentation du taux général de l’impôt sur les sociétés, passant de 15% à 20% pour les bénéfices réalisés à partir du 1er janvier 2024. Cette hausse, introduite par la nouvelle loi de finances, est jugée excessive et contre-productive, en particulier pour les entreprises dont l’activité est tournée vers l’export. « Ce taux élevé n’est pas favorable à l’investissement », a-t-il affirmé à l’agence TAP, soulignant l’impact négatif potentiel sur l’attractivité du pays pour les investisseurs.
Un traitement inégalitaire et un risque pour la compétitivité
Mohamed Triki a souligné l’incohérence d’imposer les sociétés exportatrices au même niveau que celles qui distribuent des produits importés. Cette mesure risque de décourager les investisseurs étrangers, alors que la Tunisie est en concurrence avec d’autres pays pour attirer les capitaux. Il a plaidé pour une réduction de ce taux, s’appuyant sur les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui préconise un taux unique de 15% pour éviter le « dumping fiscal » entre les nations. Le dumping fiscal, une pratique répandue à l’échelle mondiale, consiste à attirer les investisseurs par des incitations fiscales avantageuses. Triki a insisté sur la nécessité d’offrir des avantages aux activités exportatrices en Tunisie, déplorant le manque de mesures favorables au climat d’investissement dans la loi de finances 2025.
La contribution conjoncturelle : une charge supplémentaire pour les exportateurs
Mehdi Ellouze, également membre de l’OCET, a exprimé des réserves similaires concernant les nouvelles dispositions. Il a notamment critiqué l’instauration d’une « contribution conjoncturelle » au profit du budget de l’État. Cette contribution cible les entreprises, y compris les exportatrices, ayant réalisé un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 20 millions de dinars en 2023 et soumises à un taux d’imposition de 15% cette même année.
Cette contribution, fixée à 2% des bénéfices servant de base au calcul de l’impôt sur les sociétés, avec un minimum de 1 000 dinars, sera applicable dès les déclarations fiscales de 2025. « Auparavant, les sociétés exportatrices étaient exonérées d’impôts. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », a déploré Ellouze, insistant sur l’importance d’adopter des initiatives pour relancer l’investissement, encourager l’entrepreneuriat et créer de la richesse.
L’absence d’incitations fiscales : un contraste avec les pratiques internationales
Dans un contexte de mondialisation accrue, de nombreux pays mettent en œuvre des politiques fiscales attrayantes pour soutenir leurs exportateurs. Au Maroc, par exemple, la charte des investissements offre d’importantes exonérations fiscales aux activités d’exportation. Les entreprises éligibles aux Zones d’Accélération Industrielle ou au statut Casablanca Finance City (CFC) bénéficient d’une exonération totale de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans, suivie de taux réduits.
Plus précisément, les entreprises exportatrices marocaines jouissent d’une exonération totale de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu pour leurs activités à l’export pendant cinq ans. Au-delà de cette période, elles bénéficient d’une réduction de 50% de l’impôt, ainsi que d’une exonération de TVA sur les produits et services destinés à l’exportation. De plus, les accords de libre-échange signés par le Maroc, notamment avec l’Union européenne, les États-Unis et la ZLECA, ouvrent des marchés de plus d’un milliard de consommateurs à ses exportateurs.
Vers une réforme fiscale pour renforcer la compétitivité
Face à ces exemples concrets, les experts comptables tunisiens appellent à une réforme fiscale ambitieuse, capable d’améliorer la compétitivité des exportateurs tunisiens et d’attirer davantage d’investissements étrangers. Une politique fiscale adaptée et incitative pourrait ainsi devenir un levier stratégique pour relancer l’économie tunisienne et favoriser son intégration sur les marchés mondiaux.