« J’ai un sentiment d’admiration et de sympathie très forte envers le peuple tunisien »

Jack Lang, l’ancien ministre de l’Education et de la culture Jack Lang , devenu directeur de l’Institut du monde arabe, était en visite en Tunisie pour quelques jours ensoleillés au bord de la mer à Hammamet Grand défenseur de l’art en général, de l’art Contemporain en particulier et de l’éducation à l’esthétique, Jack Lang a voulu bien se livrer à notre collaborateur et faire le point sur la situation en Tunisie et sur le rôle de l’Institut du monde arabe qu’il préside actuellement

Quelles impressions gardez-vous de vos vacances à Hammamet ?
J’ai tenu spécialement cette année à être là au moment où la Tunisie traverse quelques épreuves. J’ai envie en même temps adresser un message de confiance à ce pays voisin. Je suis certain que sur la durée, la démocratie tunisienne se consolidera davantage.

Jack Lang
Jack Lang

La Tunisie vient de célébrer la journée nationale de la femme. Que dites-vous à ces femmes tunisiennes ?
Merci aux femmes tunisiennes. Merci à Bourguiba qui a eu cette audace ,cette vision et ce courage de donner aux femmes tunisiennes véritable statut d’égalité. C’est extraordinaire comme projet sociétaire et une première dans le monde arabe. C’est historique. Je pense que beaucoup d’autres pays devraient suivre aujourd’hui l’exemple tunisien. Je remercie le Président Bourguiba qui s’est fait entourer de femmes qui ont combattu auprès de lui pour la reconnaissance des droits à l’égalité. Ces femmes tunisiennes qui se battent en permanence pour la démocratie et la liberté ont été aux avant-gardes au cours de ces dernières années pour faire avancer le processus démocratique. Moi-même, j’ai soutenu une grande manifestation organisée par des femmes à Bardo qui essayaient de convaincre les uns et les autres de faire gagner la démocratie

Vous êtes le Président de l’Institut du Monde Arabe. Quelle son rôle et son apport pour la Tunisie ?
L’Institut du Monde Arabe a été constitué pour être un pont culturel entre le monde arabe et les autres civilisations. J’essaie depuis ma nomination de redonner les couleurs à cette institution à travers de grands événements, des colloques, des rencontres, des débats et des concerts. Nous avons réussi à faire découvrir l’Institut du monde arabe par la jeunesse qui s’est très éloigné des activités habituelles de l’Institut. Mon bonheur c’est que les jeunes ont trouvé le chemin de l’IMA. Nous collaborons avec plusieurs pays arabes notamment la Tunisie où j’ai apporté un soutien très actif à l’université de tous les savoirs à Tunis. J’ai encouragé le colloque du nouvel observateur dédié à la démocratie et à la liberté. Nous avons accueilli plusieurs intellectuels, artistes et créateurs tunisiens. Nous comptons aller loin et envisager un grand événement qui mettrait en lumière l’art et la culture tunisienne contemporaine.

Croyez-vous au partenariat franco-arabe et y tenez-vous ?
Je crois bien évidemment au partenariat franco-arabe. Il est essentiel. C’est un facteur de progrès et de stabilité. Il est important de nourrir l’échange et le dialogue. Il faut sans cesse œuvrer à une meilleure compréhension.

Quelles sont vos ambitions pour cette institution unique en son genre ?
Je souhaite qu’elle devienne une véritable ruche proposant de nombreuses activités à un public varié, de tous âges. Pourquoi cette institution est-elle unique ? Parce que c’est la seule institution culturelle qui réunisse un pays, la France, et les pays d’une autre région du monde, le monde arabe.

Vous soutenez toujours le festival des dunes électroniques au Sud de la Tunisie ?
J’ai apporté mon soutien à cette manifestation avec bonheur. J’étais présent à la première édition. C’était fantastique. Elle coïncidait avec la volonté des jeunes de se battre pour la liberté. Malheureusement, la dernière édition a été emportée par la pluie. Ce qui a coûté cher en argent pour les organisateurs

La France continuera t-elle d’apporter son soutien économique à la Tunisie ?
La France ne cesse de soutenir la Tunisie politiquement et économiquement. Le Président Hollande s’est déplacé chaque fois que la Tunisie était confrontée à des incidents tragiques. La France est toujours à côté de la Tunisie. Par ailleurs, des crédits ont été débloqués pour le développement économique de la Tunisie. S’agissant de la sécurité pour la quelle la France a une longue expérience, des mesures complémentaires ont été adoptées cette semaine par le gouvernement. La France ne ménagera pas sa peine pour soutenir les efforts tunisiens

La Tunisie n’est pas dangereuse que la France.. Comment peut-on vaincre ensemble le terrorisme ?
Le terrorisme est un phénomène international. Nous pourrons réussir à le convaincre que par la solidarité entre les pays. Quand un événement se produit en Tunisie, c’est une attaque contre la Tunisie mais aussi contre les autres pays. En soutenant la Tunisie, nous nous aidons les uns et les autres. Nous soutenons mutuellement. C’est vrai que par ailleurs, la France n’est pas épargnée. Il nous faut travailler ensemble. C’est une cause commune à tous les pays qui défendent la liberté.

Comment voyez –vous l’avenir de la région arabe ?
Je pense que les démocrates finiront par gagner contre les terroristes et les fanatiques. Cela suppose plus de courage et de solidarité. C’est la raison de plus de soutenir la Tunisie, un pays exemplaire qui a réussi à construire une démocratie. C’est facile d’édifier une dictature que de bâtir une démocratie. On constate en Tunisie une énergie collective, un désir de vivre et une volonté de vaincre les difficultés. C’est le meilleur atout tunisien. C’est la force aussi des tunisiennes qui ne veulent pas se laisser abattre et qui ne veulent pas se soumettre à cette dictature. J’ai un sentiment d’admiration et de sympathie très forte envers ce peuple. J’aime ce pays, j’aime les Tunisiennes et les Tunisiens. Je vois toujours leur courage, leur intelligence et leur créativité pour dire enfin que la Tunisie est un pays où l’on innove, où l’on invente chaque jour un avenir meilleur.

L’émigration préoccupe le Nord et le Sud. Comment faire face à ce fléau ?
Il n’a y as de doute que ces pays doivent accepter des candidats à l’émigration.. On est responsable. L’émigration est un phénomène fort. Des personnes qui viennent vers le Nord n’accomplissent pas de voyage par plaisir. Elles vivent dans des pays de dictature, de guerre, de violence, de pauvreté et de misère. Mon sentiment personnel c’est que ces personnes sont certainement de gens de très grande qualité humaine et intellectuelle. Quant on est capable de traverser des tempêtes, des déserts, des mers, des mafias, c’est ce qu’on a en soi une force incroyable valeureuse et courageuse. J’ai beaucoup d’admiration pour ces migrants. Au lieu de les rejeter, il faut les accueillir et là il faudrait une répartition harmonieuse entre les différents pays malgré que certains pays comme l’Angleterre ne veut pas les recevoir. De l’autre côté, il faut aider ces pays du Sud. Il faudrait aussi mettre fin à la dictature qui sévit en Érythrée par exemple, un vrai prison à ciel ouvert où au Soudan et d’autres pays. Il faut donner à la jeunesse des raisons d’espérer pour que ces jeunes ne quittent pas leurs familles pour se rendre en Syrie et partir vers des illusions criminelles. Nous payerons aujourd’hui le prix des aventures guerrières et impériales de Bush et sa bande qui ont déclenché une guerre unilatérale, illégitime et illégale

Kamel Bouaouina