MOTEUR A EAU – Et si l’eau était la solution miracle aux problèmes de consommation et de pollution ? Notre expert de la voiture verte, Jean-Luc Moreau, se penche sur la technologie de l’injection d’eau et évalue les chances de voir les moteurs thermiques fonctionner avec ce système innovant.
MOTEUR A EAU – Plutôt que de “moteur à eau”, il faut parler de “dopage à l’eau”. L’idée n’est pas nouvelle, mais la recherche d’un meilleur rendement et d’une combustion plus propre la ramène sur le devant de la scène. Historiquement, le procédé a été découvert par les premiers motoristes, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. On peut citer, notamment, les travaux des ingénieurs français Pierre Clerget (1901) et Paul Sabatier (dans les années 1920). Durant la Seconde Guerre mondiale, des systèmes d’injections d’eau ont équipé certains Messerschmitt BF109 allemands. Le NACA (National Advisory Committee for Aeronautics) américain y a consacré deux volumineux rapports en 1942 et 1944, aujourd’hui disponibles sur Internet. Durant les années 1970-1980, un kit d’injection d’eau “Vix” a même été commercialisé auprès du grand public. Il diminuait de manière probante consommation et pollution.
Les industriels de l’automobile, constructeurs en tête, connaissent donc le principe de l’injection d’eau dans un moteur et ses effets. Son fonctionnement est simple. Il consiste à injecter un pourcentage d’eau sous forme de vapeur ou de fines gouttelettes dans le mélange air-carburant. Sous l’action de la température, la vapeur d’eau réagit avec les imbrûlés (carbone incandescent) et le CO, avec, pour conséquence : la réduction de la température du front de flamme améliorant le rendement de combustion. L’injection d’eau augmente “virtuellement” l’indice d’octane du mélange, dans le cas d’un moteur essence (meilleure résistance à la compression), ou de cétane, dans le cas d’un moteur diesel (meilleure combustion). L’eau a également un effet de refroidissement des pièces internes du moteur (piston et cylindre). C’est le but recherché par les kits d’injection d’eau en rallye.
Il en résulte une “dépollution” spectaculaire (particules imbrûlées, CO, NOx) et une économie de carburant pouvant atteindre 25 % en usage intensif (sur une voiture de course, par exemple). Autre bénéfice indirect de l’injection d’eau sur un moteur à essence : elle permet d’augmenter le taux de compression, l’avance à l’allumage et, dans le cas d’un moteur turbo, la pression de suralimentation. Bref, d’accroître la puissance. Des atouts que BMW expérimente actuellement sur certains moteurs.
BMW se mouille le premier
Après avoir testé l’injection d’eau sur la M4 utilisée comme Safety car en Moto GP, le constructeur bavarois l’éprouve aujourd’hui sur des moteurs de grande série. Le premier a en être équipé est le nouveau 3-cylindres, 1.5 turbo des Mini, Série 1, Série 2 et de la très exclusive i8. Sur le premier prototype, monté dans une Série 1, l’eau est injectée, à la fois, dans la tubulure d’admission et directement dans la chambre de combustion. Dans l’air d’admission, les fines gouttelettes permettent, en s’évaporant, d’abaisser la température de l’air comprimé par le turbo de 25 °C. L’air plus froid étant plus dense, il favorise la combustion. Mélangé au carburant en amont des injecteurs, l’eau réduit aussi la température lors de la phase de compression. Ces deux effets conjugués limitent la formation d’oxyde d’azote (NOx), repoussent l’apparition du cliquetis (auto-allumage du mélange, destructeur pour le moteur) et évitent de recourir à un enrichissement du mélange air/carburant en pleine charge. En clair, puissance et couple grimpent de 10 % (218 ch pour 320 Nm), tandis que la consommation baisse de 10 à 15 % en usage réel (ce qui correspond aux valeurs d’homologation du prochain cycle WLTP) ; cette motorisation répondant aux futures normes antipollution sans qu’un système de post-traitement des gaz d’échappement soit nécessaire.
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Évidemment, il faut de l’eau en plus de l’essence. Précisément : 3 litres d’eau pour 7 litres d’essence. On peut faire le plein des deux à la station-service, mais pour ne pas s’alourdir en transportant trop d’eau, celle-ci est récupérée au niveau de l’évaporateur du système de climatisation. Dans la majorité des cas, l’eau résultant de la condensation devrait suffire, un réservoir tampon (5 l) sera, de toute manière disponible, pour les conditions d’usage exceptionnelles.
Ce système très prometteur a toutes les chances d’arriver rapidement sur nos voitures pour une raison très simple : son coût, presque négligeable. Non seulement le système en lui-même n’est pas très onéreux (une centaine d’euros), mais comme il permet de se passer de filtre à particules (sur les moteurs à injection directe d’essence), il n’accroît pas le coût de la voiture. BMW n’est pas la seule marque à travailler sur le sujet. Renault a déposé, en décembre 2005, un brevet au titre très explicite : dispositif d’injection d’eau et de gaz recirculés. À suivre… Vidéo