L’Afrique n’est responsable que de 3,8% des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde. Elle est presque dans une situation de neutralité carbone. Pourtant, le continent peut jouer un rôle très important dans la réalisation des objectifs de réduction des émissions à l’échelle globale et pourrait tirer meilleur profit de la dynamique de transition vers des énergies propres en optant pour des choix appropriés au contexte local. C’est la conviction de panélistes intervenant, le 10 novembre dernier, à une rencontre-débat, organisée par le Groupe de la Banque africaine de développement, en marge du 26e sommet annuel de l’ONU sur le climat (COP26), tenu à Glasgow, du 31 octobre au 12 novembre. Selon Gareth Phillips, responsable pôle Climat et environnement au sein de la Banque africaine de développement, l’Afrique a un énorme potentiel d’énergies vertes à exploiter.
« C’est le moment pour les pays africains de trouver des pistes en vue de garantir un avenir plus propre et pourquoi pas devenir des exportateurs-nets de ces énergies vers l’Europe ». Rashid Ali Abdallah, directeur exécutif de la Commission africaine de l’énergie (Afrec), qui intervenait dans ce panel sur le thème, « vers une transition énergétique propre : contexte, politiques et stratégies », estime que les pays africains devraient contribuer autrement aux efforts de réduction des émissions à l’échelle internationale.
« Quand on dénombre 900 millions de personnes en Afrique, qui n’ont pas accès à une énergie propre pour cuisiner et 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité, on se rend compte que le continent est déjà dans la situation de neutralité carbone ». Il faut, d’après lui, repenser le concept de transition énergétique en Afrique pour qu’il soit adapté au contexte local et juste pour tous les pays. Cette transition vers une énergie propre veut dire moins de dépendance aux énergies fossiles, bien que la consommation du pétrole dans le continent soit estimée à seulement 9% et que seulement 3% du pétrole soient utilisés dans le secteur du transport, supposé être le secteur le plus polluant sur le continent. Les conférenciers ont aussi évoqué le gaz naturel comme énergie de transition. Déjà utilisé pour produire de l’électricité dans les pays de l’Afrique du Nord, il pourrait aider à l’accomplissement du processus de transition énergétique sur tout le continent. « Ce gaz, mieux accepté écologiquement parlant, pourrait être une solution pour l’industrie et la cuisson propre dans les pays africains », estime Dr Arron Tchouka Singhe, en charge du secteur pétrolier au Centre africain des ressources naturelles de la Banque africaine de développement. Dr Singhe a fait remarquer également qu’une transition juste « doit aider l’Afrique à mettre fi n à la pauvreté et à atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies en 2030, et ceux fixés par l’Union africaine dans sa vision 2063 ». Pour lui, en Afrique, il faudrait plutôt parler «des voies de développement à bas carbone» » que de « transition énergétique », car la plupart des pays africains sont déjà dans la situation du net-zéro concernant les émissions de carbone.
Selon Maximilian Jarrett, manager du Programme-Afrique auprès de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), avant de parler de la transition énergétique en Afrique, il faut d’abord résoudre le problème d’accès à l’énergie et considérer le contexte local pour trouver le juste équilibre et orienter les investissements vers les secteurs prioritaires. « Il faut garantir que la vision 2063 soit possible et réalisable », estime-t-il. La transition énergétique implique aussi, selon les panélistes, des approches intégrées qui offrent aux pays des options concernant l’exploitation de leurs potentiels en ressources pétrolières et minérales.
Dans ce contexte, il est possible pour les pays africains de produire de l’hydrogène à partir du gaz naturel et d’opter pour des technologies innovantes de captage, de stockage et d’utilisation du carbone afin d’exploiter leurs ressources naturelles d’une manière écologique. L’Afrique dispose, en plus du pétrole et du gaz naturel, d’importantes quantités d’autres ressources, parmi lesquelles des ressources forestières et minérales, des terres arables et des ressources hydrlques.
Ces ressources, en l’occurrence les minéraux de batteries comme le lithium et le cobalt, devraient être exploitées pour soutenir la transition énergétique mondiale et le développement durable de l’Afrique, tout en maintenant la neutralité carbone et en assurant la sécurité alimentaire, ainsi que la sécurité en eau et en énergie aux populations. Pour Callixte Kambanda, chef de Division des politiques énergétiques à la Banque africaine de développement, le développement à bas carbone en Afrique devrait se traduire par l’accès pour tous à une énergie propre, disponible et abordable pour les besoins domestiques, commerciaux et industriels.