Améliorer les politiques publiques en faveur de l’inclusion financière dans le monde arabe
LES POINTS MARQUANTS
- Au Maroc, les autorités du pays, le Fonds monétaire arabe et des institutions financières partenaires ont organisé une conférence sur l’extension d’initiatives visant à améliorer l’inclusion financière dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
- Les banques centrales et les ministères des Finances de la région, la moins développée du monde en termes d’inclusion financière, ont intensifié leurs efforts pour concevoir des stratégies et des programmes d’assistance technique.
- D’autres mesures doivent être prises pour développer les services financiers dématérialisés, adapter les réglementations en vue d’une supervision adéquate et cibler l’aide sur les groupes vulnérables, notamment les réfugiés, les femmes et les jeunes.
La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est la moins développée du monde en termes d’inclusion financière (a), puisque seulement 21 % des adultes (a) (42 millions d’individus environ) ont accès à un compte bancaire (hors pays du Golfe).
Les initiatives en faveur de l’inclusion financière ont pour objectif de permettre à tous les ménages et entreprises, indépendamment de leur niveau de revenu, d’avoir accès à des services financiers adaptés et de s’en servir. Sans cela, un individu ne peut pas accumuler de biens ni faire face à une urgence (a) et une petite entreprise ne peut pas avoir de fonds de roulement, investir ni embaucher.
Parallèlement à leurs missions de stabilité et de supervision, les banques centrales et les ministères des Finances des pays de la région s’attèlent aux obstacles à l’inclusion financière, intégrant progressivement cette question dans leurs programmes de travail.
La récente Conférence sur l’éducation financière dans le monde arabe a permis de faire le point sur les avancées et de dessiner de futures pistes d’action.
L’inclusion financière, un vecteur de développement durable dans la région MENA
L’inclusion financière contribue à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) (a) et sera déterminante pour promouvoir un travail décent et la croissance économique (ODD 9). Elle a par ailleurs une incidence positive sur le PIB et l’emploi formel, comme le démontre une étude d’impact (a) sur Al Amana (l’une des principales institutions de microfinance au Maroc) qui a constaté que l’accès au crédit avait induit une augmentation de 52 % du nombre de jours travaillés à l’extérieur du foyer et une hausse de 10 % de l’épargne en nature et du niveau de consommation.
L’inclusion financière favorise par ailleurs l’obtention d’autres résultats de développement. Ainsi, en donnant accès à des services d’électrification solaire hors réseau, les paiements dématérialisés et les solutions mobiles de paiement sans engagement permettent d’avoir accès à des infrastructures vitales.
Coordonner les stratégies nationales d’inclusion financière
Grâce à un soutien affirmé du pouvoir central, des ressources dédiées et la coordination avec le secteur privé, les décideurs ont commencé à renforcer leurs investissements dans la collecte de données et le travail d’enquête ainsi que dans les stratégies d’inclusion financière (a).
Pendant la conférence, le Maroc a ainsi annoncé vouloir actualiser les données du rapport Findex 2011 avec un nouvel échantillon de 5 000 personnes, afin de disposer d’une solide base analytique pour étayer sa future stratégie d’inclusion financière. Le Qatar vient d’achever une enquête nationale représentative sur la demande tandis que l’Autorité palestinienne, le Maroc et le Liban ont annoncé leurs plans stratégiques. Enfin, cette semaine, la Jordanie a lancé sa propre stratégie (a) axée sur les petites et moyennes entreprises, les paiements dématérialisés et les femmes.
Les plateformes régionales gagnent elles aussi en importance : le groupe régional de travail sur l’inclusion financière du Fonds monétaire arabe (a), constitué en 2012, a intensifié ses activités au cours de l’année écoulée, misant avant tout sur le renforcement des investissements dans la collecte de données et le travail d’enquête, l’optimisation des instruments nationaux de protection des consommateurs et l’adaptation des cadres stratégiques élaborés par les instances normatives mondiales (a).
Les groupes vulnérables, nouvelle priorité des politiques
Les décideurs cherchent comment promouvoir les services financiers parmi les groupes vulnérables. Pour accéder aux services financiers formels, les femmes, qui ont moitié moins de chances (a) que les hommes de posséder un compte bancaire, se heurtent à des barrières structurelles (y compris des restrictions juridiques), des obstacles réglementaires (règles trop rigides en matière de connaissance du client) et des difficultés commerciales (produits inadaptés ou circuits de distribution inaccessibles). Pendant la conférence, la Banque centrale du Liban a présenté un document stratégique sur le développement d’un secteur financier respectueux de l’égalité hommes-femmes.
Les ONG intervenant dans la région — comme Child & Youth Finance International (a) — ont également présenté leurs programmes d’éducation financière pour les jeunes : les pays MENA détiennent en la matière un record mondial, avec 93 % des 15-24 ans qui n’ont pas accès à un établissement financier formel. Les intervenants ont plaidé pour l’intégration de l’éducation financière dans les cursus scolaires, face entre autres à l’augmentation des risques financiers et la sophistication croissante des produits.
Les partenaires financiers et les facilitateurs de marché, comme GIZ (a), Accion (a) et l’OIT (a), ont présenté les premiers résultats de leurs programmes d’éducation financière pour aider les réfugiés et les victimes de crises humanitaires.
Les programmes qui œuvrent pour l’insertion socioéconomique des communautés affectées, à travers une formation à l’éducation financière, et qui promeuvent l’accès aux services financiers (en particulier paiement, épargne et assurance) parviennent à réduire la vulnérabilité.
Technologie
Les services financiers dématérialisés se banalisent dans la région. Les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile se sont associés aux banques pour proposer des services de transfert, de paiement et, dans certains cas, de crédit. Selon la Banque centrale égyptienne, 3,8 millions de portemonnaies mobiles ont permis de mener à bien 6,7 millions de transactions en 2015. Au Maroc et en Jordanie, des amendements réglementaires récents autorisent les sociétés de services de paiement autres que les banques. Au Maroc, en Égypte et en Jordanie, les organismes de réglementation planchent sur l’amélioration de la qualité, de l’efficacité et de l’interopérabilité des commutateurs numériques.
Un certain nombre de défis majeurs peuvent freiner l’essor des services financiers dématérialisés (a). Il convient donc d’adapter les régimes réglementaires pour permettre une supervision adéquate, assurer la coopération technique des différents acteurs du marché (entreprises de télécommunication, établissements de crédit et de paiement, agents) et favoriser l’entrée de prestataires non bancaires.
Perspectives
Dans son allocution de conclusion, Philippe de Meneval, chef de programme Croissance équitable, finance et institutions, a récapitulé les axes à privilégier pour aller de l’avant :
- accorder davantage d’attention aux évaluations fondées sur des données probantes, y compris pour les plateformes numériques et la programmation, en s’appuyant sur les textes consacrés à la finance comportementale sachant, qu’à ce jour, aucune évaluation rigoureuse des programmes d’éducation financière n’a été réalisée dans la région ;
- étayer les stratégies nationales par des programmes bien ciblés de renforcement des capacités financières, notamment en faveur des groupes vulnérables, y compris les femmes ;
- adapter les programmes à la spécificité des contextes nationaux. Dans les pays les plus pauvres, il faut concevoir de vastes campagnes d’éducation pour présenter les services financiers de base (y compris les règles minimum en matière de connaissance du client). Dans les pays du Golfe et les économies plus avancées, il s’agit plutôt de promouvoir les technologies financières ou la gestion de l’atténuation des risques dans les rapports avec les correspondants bancaires ;
- investir davantage dans des mécanismes optimaux de protection des consommateurs, surtout face aux nouveaux produits et modèles d’affaires (portemonnaies mobiles, crédit dématérialisé, plateformes de paiement entre pairs, etc.) ;
- revoir les programmes d’inclusion financière à la lumière des dispositifs de subvention en vigueur, surtout lorsqu’ils sont gérés par les pouvoirs publics, pour l’accès des PME au crédit, sans oublier les systèmes de récépissés d’entrepôt et les mécanismes de financement des chaînes de valeur.