Bilan du soutien européen temporaire aux exportations d’huile d’olive tunisienne


Afin de soutenir l’économie tunisienne suite à l’attentat de Sousse du 26 Juin 2015, l’Union Européenne (UE) a décidé d’augmenter temporairement la quantité d’huile d’olive tunisienne dédouanée et exportée vers l’UE. Ce soutien est limité sur une période de deux ans à partir de 2016 et a pris fin le 31 Décembre 2017. L’objectif de cet article est d’évaluer l’impact de ce soutien sur les exportations d’huile d’olive tunisienne vers l’UE.

L’évolution du cadre réglementaire
Avant d’évaluer l’impact du soutien temporaire de l’UE à la Tunisie, il est nécessaire de revenir sur le cadre réglementaire qui régit les exonérations de douanes pour l’exportation d’huile d’olive tunisienne. Cette exonération est ancienne et remonte aux années 70 dans le cadre du partenariat entre la CEE et la Tunisie. Cependant, l’exonération en cours s’inscrit dans le cadre plus récent de l’accord euroméditerranéen signé en 1998 et notamment de l’article 3 du protocole n°1. C’est le règlement européen n° 1918/2006 du 20 Décembre 2006 qui régit aujourd’hui le dédouanement de l’exportation d’huile d’olive originaire de Tunisie à destination de l’Union Européenne. Ce règlement octroie à la Tunisie un contingent dédouané de 56700 tonnes par an d’huile d’olive vierge relevant des codes NC 1509 10 et 1509 90. En 2018, pour ces produits, les droits de douanes sont estimés environ à 127 EUR/100 Kg en moyenne. Les certificats d’importations nécessaires au dédouanement sontoctroyés sur une base mensuelle (art. 2.2) avec des plafonds répartis comme suit :

  • 1000 tonnes pour chacun des mois de janvier et février
  • 4000 tonnes pour le mois de mars
  • 8000 tonnes pour le mois d’avril
  • 10000 tonnes pour chacun des mois de mai à octobre.

Ainsi, les exportateurs tunisiens ne peuvent utiliser ces certificats que pour le mois octroyé avec une possibilité de report seulement sur le mois suivant en cas de non utilisation des certificats octroyés dans les limites ci-dessus. La Figure 1 illustre le fonctionnement du système mis en place par le règlement 1918/2006 avec la comparaison entre le nombre de demandes de certificats de la part de la Tunisie, le nombre de certificats effectivement octroyés, la quantité d’huile d’olive vierge exportée ainsi que les limites mensuelles instaurées par le règlement.

Avant d’octroyer un quota dédouané supplémentaire pour la Tunisie en 2016, l’Union Européenne a modifié à deux reprises le règlement 1918/2006. En Janvier 2015, elle a modifié les quotas mensuels, sans modifier le quota annuel de 56700, comme suit :

  • 9000 tonnes pour chacun des mois de février et de mars
  • 8000 tonnes pour chacun des mois d’avril à octobre.

L’Union Européenne a par la suite amendé le règlement d’une manière significative en Novembre 2015. En effet, à travers le règlement d’exécution 2015/2031, l’UE a décidé « de supprimer les plafonds mensuels » et ce afin « de faciliter le commerce de l’huile d’olive entre l’Union et la Tunisie en réduisant la charge administrative pour la gestion des contingents tarifaires ». Cette dérégulation des contingents a entrainé une grande opacité dans l’octroi des certificats d’importation et de leur utilisation effective. En effet, alors que jusqu’en 2015 le site de la Commission Européenne publiait (voir figure 1) le nombre de licences demandées par la partie tunisienne, le nombre de licences effectivement accordées par l’UE et celles effectivement utilisées par la partie tunisienne mois par mois, depuis cette dérégulation, le site ne publie plus le nombre de licences demandées ni la quantité d’huile d’olive effectivement dédouanée.

Le 19 Avril 2016, le Parlement européen a adopté le règlement 2016/580 octroyant un quota supplémentaire dédouané de 35000 tonnes annuels d’huile d’olive vierge dans une période limitée à 2016 et 2017. Ce quota supplémentaire a été octroyé à la suite de l’attentat terroriste du 16 Juin 2015 pour soutenir l’économie tunisienne. Il est à noter également qu’au même moment avait lieu le premier round de négociation pour un Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) entre l’UE et la Tunisie du 18 au 21 Avril 2016. Sur deux ans, l’Union Européenne offre ainsi à la Tunisie un quota potentiel de 70000 tonnes d’huile d’olive dédouanées. Cependant, et afin de « maintenir la stabilité du marché de l’huile d’olive dans l’Union », ces quotas supplémentaires ne peuvent être utilisés qu’après que la partie tunisienne épuise le volume de quota exonéré par le règlement 1918/2006, c’est-à-dire après épuisement du quota de 56700 tonnes. De plus, et afin de rassurer les appréhensions des oléiculteurs européens, le règlement 2016/580 introduit la nécessité d’un rapport à mi-parcours afin d’évaluer l’impact de ce quota supplémentaire avec possibilité de suspendre ou corriger ce dernier si « le marché de l’huile d’olive de l’Union est affecté».

Figure 2 Licences accordées par l’Union Européenne à la Tunisie. 2016-2017 Sources : CE DG AGRI

Comme le montre la figure 2, suite à la suppression des quotas mensuels, l’Union Européenne a octroyé la totalité du quota annuel de 56700 tonnes dès le mois de Janvier 2016. Ce quota étant épuisé, cela a ouvert la porte à l’utilisation du quota supplémentaire de 35000 tonnes après son adoption par le Parlement européen en Avril 2016. Nous observons que juste après son adoption, l’UE a octroyé environ 9000 tonnes de licences de dédouanement en Mai 2016, puis des sommes assez négligeables par la suite. Sur les 35000 tonnes potentielles, l’UE n’a octroyé que 10349 tonnes sur l’année 2016. Sur l’année 2017, les licences octroyées par l’UE dans le cadre du règlement 1918/2006 n’ont pas été toutes octroyées en Janvier comme en 2016 mais ont plutôt été étalées sur toute l’année de telle sorte qu’à la fin de l’année 2017 seulement 55994 sur 56700 tonnes ont été octroyées à la Tunisie. De cette façon, l’Union Européenne n’a pas permis à la Tunisie de profiter du quota supplémentaire de 35000 tonnes pour l’année 2017.

Tableau 1 : Bilan du quota supplémentaire de 35000 tonnes

Ainsi, en ce qui concerne le soutien temporaire dans le cadre du règlement 2016/580, il faut noter que le nombre de licences accordées par l’Union Européenne ne correspond pas à la quantité d’huile d’olive de Tunisie exportée effectivement exonérée de douanes. En effet, et étant donné que l’amendement de Novembre 2015 ne permet plus de suivre mois par mois la quantité d’huile d’olive exonérée, nous devons reprendre les éléments chiffrés du rapport de suivi pour l’année 2016 effectué par la Commission Européenne en décembre 2016. En effet, selon ce rapport seules 2557 tonnes ont effectivement été utilisées pour l’exonération de l’exportation de l’huile d’olive en 2016 dans le cadre du règlement d’exécution 2016/605. Comme le montre le tableau 1, seulement 7,3% du quota promis de 35000 tonnées a effectivement été utilisé en 2016 et 0% en 2017. En cumulé sur la période de soutien de deux ans (2016 et 2017), la Tunisie n’a finalement pu profiter que de 2557 tonnes de licences de dédouanement sur les 70000 promises soit 3,7% du soutien économique promis.

En conclusion, il apparaît que le soutien exceptionnel sur deux années que l’Union Européenne avait promis à la Tunisie dans le secteur de l’huile d’olive n’a pas été à la hauteur des promesses avec un taux de réalisation de 3,7% sur les deux ans par rapport aux quotas promis. En parallèle, la dérégulation des contingents mensuels a rendu plus opaque et moins prévisible l’utilisation effective des licences pour que la partie tunisienne puisse exporter sans droit de douanes sur le marché européen.