La ville côtière Bizerte (Nord de la Tunisie) accueille le 3 septembre 2022 l’équipe de la première mission internationale en son genre pour la protection du patrimoine culturel subaquatique au Banc Skerki, en mer Méditerranée centrale. La mission d’archéologues subaquatiques à bord du navire français de recherche sous-marine Alfred Merlin qui a quitté le 21 août dernier le port de de La Seyne-sur-Mer dans le Var (France) en direction du Banc Skerki qui se situe à 90 km au large du littoral de la Tunisie septentrionale, est attendue le 3 septembre prochain pour présenter le bilan de cette première mission qui se poursuit jusqu’au 2 septembre 2022.
Une première pour inventorier ce que renferme le Banc Skerki en mer Méditerranée à bord du navire français Alfred Merlin
Dans le cadre du projet de coopération internationale pour la protection du patrimoine culturel subaquatique, cette première mission internationale pilotée par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco), est appelée à faire des prospections géophysiques de cette importante zone archéologique dans les eaux internationales entre la Tunisie, la Sicile et la Sardaigne (Italie), et ce, en ayant recours à la haute technologie. Placé sous l’égide de l’Unesco, cet événement sans précédent dans l’histoire de l’archéologie sous-marine est organisé du côté tunisien, par le Ministère des Affaires Culturelles avec le concours logistique du Ministère de la Défense nationale.
D’une longueur de 46 mètres, le navire, portant le nom de l’archéologue français, pionnier et fondateur de l’archéologie sous-marine Alfred Merlin (1876-1965), est équipé de technologies de pointe pour la détection géophysique et les fouille des épaves capables d’atteindre une profondeur de 2500 mètres. Entré au littoral tunisien le 27 août dernier, il a pour mission la réalisation des toutes premières prospections qui visent à tracer la cartographie des sites du patrimoine culturel subaquatique dans cette zone. En effet, cette mission de recherche vise de prime abord à cartographier le secteur en dressant un inventaire de ce que renferme le Banc Skerki, qui se trouve à plus de 200 mètres de profondeur et s’étend sur plus de 700 km2.
Cette opération constitue la première initiative de coopération entre les Etats membres représentés par une équipe d’experts, pour une prospection géophysique sous-marine de l’emplacement des navires échoués au Banc Skerki. Les détails sur cette mission d’exploration et de recherches scientifiques réalisées par l’équipe de spécialistes représentants des pays partenaires seront donnés notamment lors d’une conférence de presse le 3 septembre à Marina Bizerte et ce sous la supervision du Ministère des Affaires Culturelles, en collaboration avec l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle (AMVPPC) et de l’Institut National du Patrimoine (INP).
Un premier modèle en matière de protection du patrimoine culturel subaquatique dans les eaux territoriales
Premier modèle de protection du patrimoine culturel subaquatique servant à donner un exemple de bonnes pratiques sur la manière de coopérer pour atteindre un objectif commun de protection dans les eaux internationales, le projet de coopération internationale pour la protection du patrimoine culturel subaquatique au Banc Skerki s’inscrit dans le cadre du renforcement du partenariat entre les Etats ayant ratifié la Convention 2001 de l’Unesco qui a prévu un système de coopération internationale inédit en haute mer sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. En effet, ce projet d’envergure internationale rassemble huit pays des deux rives de la Méditerranée : l’Espagne, l’Italie, l’Algérie, la France, la Croatie, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, pays coordinateur. Ce projet de coopération internationale alimente et développe le partage d’informations entre les pays en plus de la concrétisation d’un système de coopération pour la protection du patrimoine culturel subaquatique.
Cette expérience pilote vise la protection des vestiges archéologiques submergés découverts sur les bancs de Skerki qui regorge notamment d’épaves de navires datant de différentes époques et civilisations.
Le Banc Skerki : une richesse historique et marine
Théâtre d’anciennes batailles navales pendant la 2ème Guerre mondiale (décembre 1942), le Banc Skerki, situé en face de la côte nord tunisienne (La plus grande partie s’étend sur le récif continental tunisien ) et du nord-ouest du Canal de Sicile, occupe une position stratégique à l’intérieur de la mer méditerranée ; ce qu’il en a fait un lieu de passage des navires et un centre d’échanges commerciaux depuis des milliers d’années.
Cette région est de ce fait riche d’épaves datant de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale. Selon les données fournies par les experts, les chercheurs et les historiens , le Banc Skerki recèle de nombreuses découvertes archéologiques d’une valeur historique et culturelle inestimable, notamment cinq épaves romaines – datant du 1er siècle avant J.-C. au 4e siècle après J.-C. et mesurant jusqu’à 30 mètres de long -, des amphores, des vases, des ustensiles en verre et en bronze.
En ce qui concerne son fonds marin, le Banc Skerki où l’activité maritime dans cette région est réputée très dangereuses depuis les époques anciennes, est considéré aujourd’hui l’un des endroits les plus préservés de la Méditerranée. Cette région se compose notamment de récifs de corail qui s’étendent sur plusieurs kilomètres.
Selon Kawa News, les incroyables fonds marins, autrefois pillés par les chercheurs de coraux, abritent de nombreuses grottes et parois tapissées de gorgones et peuplées de colonies de langoustes. On peut y observer des bancs de barracudas, de sérioles, de vivaneaux et de gros mérous, ainsi que des dauphins, des globicéphales, des thons et des tortues ; c’est également un milieu idéal pour la reproduction du requin.
Ces lieux sont considérés comme les principaux points chauds de la biodiversité en Méditerranée, représentant également de véritables « points de rencontre » en haute mer pour de nombreuses espèces.
La découverte du site Skerki notifiée à l’Unesco par l’Italie début 2018
Pour rappel historique, la découverte du site du Banc Skerki a été notifiée à l’UNESCO par l’Italie début 2018, ce qui a lancé le processus de coopération internationale dans les eaux internationales dans le cadre de la Convention. Quatre Etats parties à la Convention, l’Italie, l’Espagne, la France et la Tunisie, ont manifesté l’intérêt d’être consultés sur les moyens d’assurer une protection efficace du site. La Tunisie a annoncé être Etat coordonnateur dans la mesure où les éléments archéologiques submergés se situent sur le plateau continental tunisien. Les 5 et 6 mai 2022, la Tunisie a abrité la première des deux réunions scientifiques et techniques sur le patrimoine subaquatique, organisée sous l’égide de l’UNESCO.
Au cours de la première réunion, qui a été consacrée au projet de coopération internationale pour la protection du patrimoine culturel subaquatique au Banc Skerki, l’accent a été mis sur le projet de feuille de route de la mission d’exploration archéologique subaquatique.
L’intérêt que porte la Tunisie pour prendre part aux consultations portant sur les moyens d’assurer une protection efficace du site réside du fait que le pays a auparavant annoncé être un pays coordonnateur étant donné que les éléments archéologiques submergés sont présents sur le plateau continental tunisien.