Le directeur technique de la COTUSAL, Riadh Machta, a affirmé dans une déclaration à l’agence TAP, que « l’Etat Tunisien n’a pas résilié, en 2014, la convention permettant à cette Compagnie, dont le capital est à 65% étranger et à 35% tunisien, d’exploiter le domaine public maritime pour l’extraction du sel, ce qui a abouti au renouvellement automatique de cette convention datant de 1949, jusqu’à l’année 2029».
Cette convention organisant l’activité de la Compagnie Générale des Salines de Tunisie, depuis l’ère coloniale, a suscité une grande polémique après la révolution, du fait qu’elle permet à la COTUSAL, d’exploiter une richesse nationale (les salines) à un taux symbolique fixé, avant l’indépendance, à un franc français pour l’hectare et par an.
Déjà, le Journal Assabah avait, rapporté, dans un article publié le 10 décembre 2015, que « des experts en énergie et mines ont estimé que la production annuelle de la Compagnie s’élève à 4 millions de tonnes de sel, monopolisant ainsi 70% de la production nationale annuelle globale et causant, à l’Etat, des pertes dépassant les 4 mille milliards de millimes ».
La convention controversée n’a été ni amendée, ni résiliée depuis 60 ans, alors qu’elle laisse la latitude à l’Etat, de « récupérer ses terres à n’importe quel moment, sans avoir à verser des indemnités», selon le directeur technique de COTUSAL.
D’ailleurs, des organisations de la société civile et des députés ont soulevé le problème de l’exploitation des richesses nationales, à plusieurs reprises, appelant à renégocier les contrats d’exploitation dans ce domaine, afin de préserver la souveraineté du pays.
Machta a également expliqué, à l’occasion d’un séminaire sur «l’industrie des sels en Tunisie : réalités et perspectives», organisé, le 7 mars courant, par l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques, que » la COTUSAL avait demandé la révision de cette convention, en 2006, conformément au Code Minier promulgué en 2003, et réitéré sa demande en 2015, sauf que l’Etat n’a pas fait suite à ses demandes ».
«La Compagnie a ainsi, continué d’opérer en partie, conformément à une loi datant de l’ère beylical, alors qu’elle est soumise également en partie au Code minier», a-t-il poursuivi, estimant que « l’Etat doit promulguer une nouvelle loi ».
La convention entre la Tunisie et la France qui remonte au 3 octobre 1949, date de la création de la Compagnie, permet à cette dernière, l’extraction du sel marin dans le sud tunisien, durant 50 ans. Elle aurait du prendre fin en 1989. L’accord stipule également, le renouvellement automatique de cette convention, tous les 15 ans, depuis 1989. Sauf que l’Etat Tunisien n’a pas résilié cette convention, alors qu’elle peut être annulée, si une demande est adressée, dans ce sens, par l’une des parties contractantes, 10 ans avant la fin de la période de son renouvellement».
Le responsable de la COTUSAL a également, précisé que «la compagnie exploite, depuis 1949, en vertu du contrat de location, des terres blanches de l’Etat tunisien. Il s’agit des salines de Megrine, Sahline, Sfax et Thyna. Elle procède à l’extraction du sel de la mer, pour le sécher sur ces salines, sachant qu’un litre d’eau de la mer contient 30 grammes de sel »
« L’Etat a récupéré ultérieurement la saline de Megrine pour la réalisation du projet « Sama Dubai » qui n’a pas encore vu le jour », a-t-il dit.
Selon Machta, la « COTUSAL » produit essentiellement le sel marin et n’exploite pas les eaux des sabkhets et lacs salés ». Il a indiqué que « la convention ne concerne pas le cout d’exploitation des eaux de mer, et que la société profite des marais salants que tout le monde a droit à l’exploitation ».
La révision de l’article 11 de l’accord 1949 a été effectuée à trois reprises sans inclure le cout de location et les recettes financières de l’Etat. Le dernier amendement a porté en 1975 la signature de l’ancien gouverneur de la Banque Centrale Chadli Ayari, qui était à cette époque ministre de l’économie, selon le site « Nawat ».
Le directeur technique de la société a souligné que le chiffre d’affaires de la compagnie a atteint 35 mille dinars dont la part de l’Etat varie entre 1,600 et 1,700 million de dinars, entre les redevances et les taxes.
La société n’a, toutefois, pas honoré ses engagements fiscaux envers l’Etat tunisien, estimés à 5,7 millions de dinars, pour la période 2007-2012, selon un document envoyé par le ministère des Finances, en mai 2013, à l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (APAL) et cité par le site Nawat.
En Tunisie, la moyenne de la production annuelle de sel a atteint 1,4 million de tonnes, dont 90% destinées à l’exportation alors que le reste de la production est destiné à la consommation locale (sel industriel et alimentaire).
Le sel tunisien est exporté vers plusieurs pays, dont la Norvège, l’Italie, le Danemark, la Grèce et la Croatie. Selon les données du ministère du Commerce, les recettes provenant du sel en 2017, ont atteint 39 730 893 dinars contre 31 845 365 dinars en 2016.
Sur le marché local, la COTUSAL vend le kilogramme de sel emballé à 150 et 180 millimes (vendu aux consommateurs à 300m/kg) et le sel en vrac à 40 millimes.
Pour mémoire, l’ex-ministre de l’Industrie et des Mines, Zakaria Hamad avait annoncé lors des débats parlementaire sur le budget de son département pour l’exercice 2016, l’intention de résilier la convention régissant l’activité de la COTUSAL. Mais, ceci ne s’est pas concrétisé jusqu’à ce jour et un black out total entoure cette affaire jusqu’à aujourd’hui.
En effet, la COTUSAL, avait reconnu, dans un communiqué publié sur son site, en janvier 2014, en réaction à la polémique sur ladite convention qui régit son activité et qui remonte à l’époque de la colonisation, que « la convention de 1949 régissait la relation avec les domaines de l’Etat, est toujours en vigueur et nous appliquons la loi. Si demain la loi change, COTUSAL s’y soumettra. Toutes les extensions de l’entreprise se sont faites conformément à la législation en vigueur, au code minier de 2003 et non de la convention de 1949 ».
Selon le site « Nawat », « la société évoque la date de la signature de la convention de 1949, mais omet de parler des exploitations des salines tunisiennes par la France depuis le XIXème siècle ».
Le site indique également, que dans la version de la convention dont affirme en avoir une copie, « il n’y a pas la signature du Bey. Nous y trouvons seulement les noms de signataires français ».
Il est très probable que l’affaire de la COTUSAL refait surface actuellement à la suite des récentes déclarations de la présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), Sihem Ben Sedrine.
Ben Sedrine a annoncé, mardi, que l’IVD a réussi à accéder à des documents concernant des accords conclus depuis 1955 et autorisant à la France d’exploiter les richesses naturelles de la Tunisie, dont le pétrole, le sel, l’eau et les phosphates, faisant remarquer que ces accords sont encore en vigueur.
Elle a estimé, dans une déclaration à une radio locale, que « la Tunisie souffre encore de l’héritage colonial ».
A rappeler que la COTUSAL est une fusion de quatre sociétés qui exploitaient les salines de Khniss, Sidi Salem, Sfax (appelée alors Thyna) et de Mégrine, approuvée par le décret publié le 6 octobre 1949, mis en exécution par le Résident Général de la France à Tunis, Jean Mons et soumis à l’approbation du Bey.
TAP