Le Conseil d’Administration de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a annoncé, ce samedi, le maintien inchangé de son taux directeur à 8%. Cette décision, communiquée via le site officiel de l’institution à l’issue de sa réunion, reflète une volonté de poursuivre une politique monétaire prudente face aux risques persistants entourant la trajectoire de l’inflation. Le Conseil a examiné attentivement les développements économiques et financiers, tant sur le plan international que national, pour justifier cette orientation.
Contexte international : une prudence monétaire persistante
L’année 2024 a été marquée par des progrès significatifs des banques centrales dans leur lutte contre l’inflation, avec un retour vers les cibles dans de nombreux pays. Cependant, la persistance de l’inflation sous-jacente continue de limiter l’ampleur des assouplissements monétaires. Face à cette situation, de nombreuses banques centrales privilégient une approche prudente dans l’ajustement de leurs taux directeurs, cherchant à garantir une dissipation durable des tensions inflationnistes et une convergence stable vers les objectifs fixés. L’apaisement progressif des pressions inflationnistes et un éventuel assouplissement monétaire dans les principales économies devraient soutenir une croissance économique qui, malgré un contexte international incertain et risqué, affiche une certaine résilience.
Situation économique nationale : une croissance en consolidation
Sur le plan national, l’économie tunisienne a enregistré une croissance soutenue au troisième trimestre 2024, avec un taux de 1,8% en glissement annuel, contre 1% au trimestre précédent. Cette performance est principalement attribuable à une progression notable de la demande intérieure, qui a atteint 4,1%, contre 2,6% au deuxième trimestre 2024. Les données conjoncturelles disponibles laissent entrevoir une poursuite de cette dynamique de croissance au dernier trimestre de l’année.
Le secteur extérieur a également montré des signes d’amélioration, avec une réduction du déficit courant à 2.611 millions de dinars (MDT), soit 1,6% du PIB, au cours des onze premiers mois de 2024, contre 3.464 MDT (2,3% du PIB) un an auparavant. Cette amélioration est le résultat d’une consolidation notable des revenus du travail et des recettes touristiques, compensant une légère détérioration du solde commercial. L’amélioration du déficit courant et l’atténuation des pressions sur le taux de change du dinar ont favorisé la reconstitution des réserves de change, malgré des dépenses importantes liées au service de la dette extérieure. Les avoirs nets en devises ont ainsi atteint 25,6 milliards de dinars (115 jours d’importations) au 26 décembre 2024, contre 26,4 milliards (120 jours) à fin décembre 2023.
Inflation : une tendance baissière graduelle, mais des risques persistent
Concernant les prix à la consommation, après une stabilité à 6,7% pendant trois mois consécutifs, le taux d’inflation a repris une tendance baissière graduelle en novembre 2024, s’établissant à 6,6%. Cette légère détente est notamment due à la baisse de l’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés), qui est passée de 6,4% en octobre à 5,8% en novembre 2024, grâce notamment à une baisse notable des prix de l’huile d’olive (-3,1% contre +16% le mois précédent). En revanche, l’inflation des produits alimentaires frais a augmenté à 14,1% en novembre, contre 13% en octobre, et celle des produits à prix administrés a atteint 3,7%, contre 3,5% le mois précédent, en raison de l’augmentation des prix des services de café. Hors alimentation et énergie, le taux d’inflation est resté stable à 6,3% pour le deuxième mois consécutif.
Les prévisions actuelles tablent sur une poursuite de la baisse graduelle de l’inflation, bien qu’à un rythme plus lent que prévu initialement. Les hausses salariales attendues dans les secteurs public et privé devraient ralentir cette baisse à court terme, exerçant des pressions sur les coûts de production et stimulant la demande dans un contexte de faible dynamisme des capacités de production. En moyenne annuelle, le taux d’inflation devrait se situer à 7% pour 2024, avant de revenir à 6,2% en 2025.
Une vigilance maintenue face aux risques inflationnistes
La trajectoire future de l’inflation reste sujette à plusieurs risques haussiers, notamment l’évolution des prix internationaux des produits de base et des matières premières, ainsi que la capacité à gérer les déséquilibres des finances publiques. Le Conseil de la BCT estime que la persistance d’une inflation relativement élevée et la présence de risques haussiers importants à court et moyen terme pourraient altérer la stabilité des prix et entraver la consolidation des capacités économiques et financières du pays. C’est dans ce contexte que la décision de maintenir le taux directeur à 8% et de poursuivre une politique monétaire prudente prend tout son sens.