La Tunisie, qui planifie d’intégrer 35% d’énergies renouvelables dans le mix électrique national en 2030 et d’ancrer les principes de l’efficacité énergétique, gagnerait à préparer, dès aujourd’hui, l’infrastructure nécessaire pour le stockage d’énergie.
Les systèmes de stockage d’énergie par batteries et autres, pourraient contribuer à relever les principaux défis techniques et économiques liés à l’intégration cruciale des ER pour réaliser la transition énergétique espérée, ont souligné des experts dans ce domaine, lors de leurs interventions au salon de la transition énergétique (SITE 2023).
Intégrer 35% d’énergie renouvelable au réseau national d’électricité nécessite des services et des systèmes de stockage qui aident à gérer la variabilité et l’incertitude de l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne introduite dans le réseau électrique, ont affirmé ces experts, appelant les autorités à se préparer, dès aujourd’hui, en identifiant et en introduisant les technologies de stockage de l’énergie appropriées.
Selon le directeur central stratégie et planification à la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG), Jomaa Souissi, les systèmes de stockage de l’énergie qui constituent un moyen d’aligner l’offre et la demande en électricité solaire (stockage de surplus de l’énergie pour approvisionner les charges critiques, entraînant une augmentation de l’efficacité et une diminution du gaspillage), devraient être gérés d’abord, par le gestionnaire de réseau qui est la STEG, pour stabiliser le système d’offre et de demande, réguler les fréquences et assurer la fluidité dans l’intégration des énergies renouvelables.
« La STEG pourrait, ensuite, donner des autorisations pour gérer le stockage, mais il faut d’abord qu’elle le gère elle-même et il faut un cadre règlementaire bien déterminé pour cela », a relevé le responsable.
Des études ont montré que la technologie de stockage de l’énergie, déjà adoptée par plusieurs pays européens et autres, serait maîtrisée en Tunisie à partir de 2030-2032, selon Souissi.
La Tunisie envisage de se lancer dans la technique de transfert d’énergie par pompage hydraulique, perçue comme la plus mature des techniques de stockage stationnaire de l’énergie, mais aussi la plus coûteuse. C’est ainsi qu’un projet de création de la station de transfert d’énergie de pompage (STEP) pour la production d’hydroélectricité a été lancé à Tabarka. Cette STEP sera opérationnelle d’ici 2029, sur l’Oued El Melah, pour la production de 400 à 600 MW d’hydroélectricité.
Une fois mise en service, cette station permettra d’économiser 250 Ktep de carburant par an et d’éviter 525 000 tonnes de CO2 par an. Le projet répondra, selon la STEG, aux besoins futurs de fonctionnement du réseau électrique national, en permettant la stabilisation de l’offre et de la demande et en facilitant l’intégration des énergies renouvelables dans la production intermittente des centrales.
Actuellement, le stockage constitue un coût supplémentaire pour les industriels, d’après le responsable de la STEG, qui plaide en faveur de la préparation, par l’Etat, le plus rapide possible, d’une infrastructure de stockage d’énergie pour permettre, dans quelques années, de déployer des batteries et d’autres technologies en cas de baisse de leurs prix.
D’autres experts estiment, toutefois, qu’il ne faut plus tarder à préparer les infrastructures nécessaires au stockage, surtout avec la baisse rapide des coûts des technologies de l’énergie solaire et éolienne.
Paolo Cutrone, responsable du programme « Solutions d’énergie renouvelable pour l’Afrique » (RES4Africa), a estimé qu’il faut « trouver une solution de stockage adaptée au contexte tunisien ». « Quand on envisage d’intégrer des énergies renouvelables au réseau, il faut s’attendre à des problèmes de réglage de la fréquence et s’assurer que les services fournis par les systèmes de stockage de l’énergie soient correctement évalués ou reconnus dans le cadre des réglementations existantes du marché de l’énergie. Pour cela, il faut préparer un cadre règlementaire adéquat et clair pour attirer les investisseurs privés et considérer le facteur temps ».
D’après lui, le système de stockage le plus efficace pour la Tunisie, du point de vue coût, est actuellement les batteries. « Le stockage de l’électricité par batteries est une technologie clé dans la transition énergétique en Tunisie. Les systèmes de batteries sont plus faciles à déployer pour ce qui est de la capacité de créer des réserves, de la capacité de démarrage automatique du système et d’autres services de réseau, allant du stockage de l’énergie dans des véhicules électriques au fonctionnement des mini-réseaux et au soutien de l’autoconsommation d’énergie ».
Par ailleur, le rapport de « RES4Africa » sur les « Systèmes de stockage d’énergie par batterie en Tunisie », affirme que le stockage de l’énergie est un outil essentiel pour permettre l’intégration efficace des énergies renouvelables et libérer les avantages de la production locale et d’un approvisionnement en énergie propre et résiliente.
« Choisir la bonne application, combiner les utilisations et optimiser le contrôle et la taille d’un système de stockage d’énergie par batterie sont des étapes importantes pour réduire l’incertitude et augmenter le retour sur investissement », d’après ce rapport.
La Tunisie projette d’installer environ 4 GW (4440 MW) d’énergie renouvelable, d’ici 2030. À ce jour, le pays est encore loin d’atteindre cet objectif. Environ 400 MW de capacité d’énergie renouvelable seulement, a été installée jusqu’à 2020, dont environ 250 MW d’énergie éolienne, 90 MW d’énergie solaire et 60 MW d’énergie hydroélectrique.