Pour l’économiste Fatma Marrakchi Charfi, la sortie de crise passe par la relance de l’investissement public parce que c’est un levier de la croissance et un déterminant de l’investissement privé. La professeure universitaire d’économie a mis à plat la situation économique du pays.
Elle a rappelé que la Tunisie fait face aux déficits jumeaux, et ce, en raison de l’aggravation du déficit courant qui est induit par un déficit commercial très important mais aussi à cause de l’accumulation des déficits budgétaires qui a mené le pays vers un endettement important. “Le déficit du budget n’est que le résultat des différents choix qui ont été faits au cours des années passées”, a-t-elle souligné. Revenant sur les causes de l’aggravation du déficit budgétaire au cours des dernières années, Marrakchi a fait savoir que mécaniquement, s’il n’y a pas de croissance, les recettes fiscales et non fiscales de l’Etat vont décroître. De l’autre côté, l’impossibilité de compresser les dépenses (masse salariale qui représente 40% des dépenses budgétaires, système de compensation tributaire des cours internationaux, déficit des caisses sociales, etc.) à laquelle s’ajoute un système fiscal inégalitaire a provoqué des dérives budgétaires. “Le côté des dépenses, quand il est mal géré, nécessite des réformes pour couper avec cette répartition budgétaire”, a-t-elle expliqué. Marrakchi a souligné que si on met en œuvre les réformes budgétaires, notamment, au niveau de la subvention et de la fonction publique, on pourrait dégager un espace fiscal. Cependant, cet espace fiscal ne serait pas suffisant pour booster l’investissement public. “Le déficit budgétaire n’est que la partie émergée de l’Iceberg, parce que si on fait plus de croissance, tous les ratios s’améliorent, le PIB croît et si on fait plus de croissance, on répartirait un plus grand gâteau sur tout le monde. L’enjeu c’est comment booster la croissance. Je pense que le volet de l’investissement est hyper-important”, a précisé la professeure.
GARE À UNE CROISSANCE POTENTIELLE NÉGATIVE !
Faisant le parallèle avec des économies similaires mais aussi avec des économies plus développées telles que l’Europe et les Etats-Unis, Marrakchi a souligné qu’après la crise covid, différents pays se sont rattrapés et ont enregistré un rebond de la croissance alors, qu’en Tunisie, le rebond était très faible. En se basant sur les statistiques, elle a estimé que la croissance potentielle de la Tunisie est nulle sinon négative. “C’est grave. Cela veut dire qu’il y a un problème au niveau des facteurs de production (travail et capital). Etant donné que l’investissement a été toujours la variable d’ajustement que ce soit pour l’investissement public (variable d’ajustement du budget de l’Etat) ou investissement privé. On constate aujourd’hui qu’il y a un problème au niveau du capital. On est en train de ronger l’os, non seulement au niveau du capital, mais aussi au niveau du travail en raison de la migration des compétences. Si on n’a pas un facteur travail et un facteur capital sous-utilisés, là se pose le problème de la croissance potentielle”, a-t-elle indiqué.
Face à cette situation très difficile, Marrakchi estime que l’investissement est le défi essentiel et est la clé de voûte qui va permettre de sortir le pays de la crise. Pour pouvoir atteindre les objectifs d’investissement public, il faut, avant tout, chercher à dégager un espace budgétaire à travers la concrétisation et la mise en œuvre des réformes budgétaires. Au niveau de l’investissement privé, il faut chercher les moyens de sa dynamisation, notamment à travers l’amélioration du climat des affaires et de l’accès au marché. “Il faut booster l’investissement public dans l’objectif de dynamiser la croissance mais aussi parce que c’est un déterminant de l’investissement privé. Cela est prouvé empiriquement par les des études qui sont réalisées sur la Tunisie”, a conclu l’économiste.