Une des solutions que préconise Férid Belhaj consiste à engager les réformes «qu’on ne regrettera jamais», à savoir notamment l’instauration d’une dynamique de transparence des finances publiques, la mise en place de la justice économique
et l’amélioration de la gouvernance.
Intervenant lors du webinaire «La Tunisie au creux de la vague stratégie de sortie de crise : rigueur et relance inclusive», qui a été organisé mercredi 11 novembre 2020 par l’Institut des hautes études de Tunis, le vice-président de la Banque mondiale pour la région Mena, Férid Belhaj, a mis en avant les solutions qu’il préconise pour débloquer une situation économique «critique et en état de déliquescence». Un des éléments fondamentaux de sortie de crise, évoqués par M. Belhaj, figure la stabilité gouvernementale qui implique, selon lui, la stabilité des choix des politiques publiques. «On ne peut pas continuer à faire ce mouvement de balancier et de gouverner au jour le jour. Cela ne permet pas au choix de politique économique de prendre ancrage et empêche les investisseurs et les partenaires de la Tunisie d’avoir confiance», a-t-il affirmé. Le second élément mentionné par M. Belhaj est la volonté politique d’aller vers les réformes, «qu’on ne regrettera jamais», en l’occurrence l’instauration de la transparence, la contestabilité des marchés, la mise en place d’un système de justice économique et commerciale, et un meilleur dialogue avec les forces sociales. M. Belhaj a, par ailleurs, souligné l’importance de faire preuve de vision pour pouvoir sortir vers l’extérieur, en faisant référence aux investisseurs internationaux et aux «partenaires du pays».
Un appui budgétaire de 200 millions de dollars en suspens
Le vice-président de la BM pour la région Mena a fait savoir qu’une opération d’appui budgétaire de 200 millions de dollars au profit de la Tunisie n’est pas toujours entrée en vigueur «au moment où le pays a besoin d’argent frais», à cause d’un blocage au niveau des «déclencheurs». Il a cité, à cet égard, plusieurs exemples de déclencheurs, comme la non-gouvernance du Port de Radès, poumon économique du pays, et la question de la justice commerciale. «En 2003, nous avons approché le gouvernement tunisien pour un travail sur la justice commerciale qui ressemble à ce que nous avons fait au Maroc, au Jordanie, etc. pour créer des tribunaux du commerce qui permettent de donner un signal de transparence. «Ce projet n’a pas vu le jour», a-t-il indiqué. Et d’ajouter que la monopolisation du marché tunisien figure aussi parmi ces déclencheurs bloqués, «La question des intérêts tunisiens qui monopolisent de grands pans de l’économie tunisienne est une question soulevée par l’ambassadeur de l’Union européenne et qui a fait grand bruit. La contestabilité des marchés est fondamentale. Si vous avez des marchés monopolisés et qui n’offrent donc pas des possibilités de renouvellement des incitations de la recherche et du développement, ainsi que de la compétition et de la compétitivité, on continuerait dans des intérêts commerciaux, économiques, condamnés à rester petits et non performants», a-t-il souligné. Il a ajouté, dans ce même contexte, que le rôle de l’Etat dans l’économie est aussi une question à élucider: «Pour moi, l’Etat est en train de jouer un rôle qui n’est pas le sien. L’Etat doit permettre de faire avancer les choses, doit réguler et réglementer, il ne doit pas se substituer aux opérateurs commerciaux. Nous ne sommes pas en train de parler de privatisation, mais nous sommes en train de dire que là où la compétition apporte de la plus-value, l’Etat doit réglementer, encadrer et laisser le secteur privé faire son travail et créer de la richesse», a-t-il précisé.
Appétence des investisseurs en déclin
En réponse à une question qui a été posée sur les possibilités de financement d’un plan de sauvetage de l’économie tunisienne de court terme, le vice-président de la Banque mondiale pour la région Mena a affirmé que lors de l’avènement du gouvernement Fakhfakh, l’institution a proposé un white paper (une feuille blanche), un programme sur six mois, comportant les mesures urgentes qui peuvent permettre d’ouvrir la voie vers les réformes structurelles.
Interrogé sur les possibilités de doper l’économie, en vue de réduire le chômage et assainir l’environnement des affaires, M. Belhaj a répondu que les solutions de court terme ne sont pas radicales et qu’il «faut mettre en place des structures plus importantes et pérennes». «Je pense que la manière avec laquelle le dialogue entre la BCT et le ministère des Finances se fait est sereine. Je pense que ce que Marouen Abassi est en train de faire est sage. Il explique qu’on ne peut pas doper, qu’il faut savoir raison garder et que lorsqu’il y a une tension, il faut trouver l’équilibre», a-t-il précisé.
M. Belhaj a souligné que la question d’assainissement de l’environnement des affaires est importante. Le classement de la Tunisie dans le doing business dénote, en effet, du déclin de l’appétit des investisseurs étrangers et locaux qui puise son origine dans l’opacité dans les choix de politiques publiques. Par ailleurs, le vice-président de la Banque mondiale pour la région Mena a affirmé que «la gouvernance heure par heure», est le problème majeur auquel fait face le pays, précisant qu’il faut qu’il y ait une prévisibilité des politiques publiques.