L’agence de notation américaine Fitch Ratings a donné ses appréciations à propos des banques tunisiennes, estimant que la prolongation de la période de report des échéances de crédits accordés aux entreprises et aux professionnels jusqu’à fi n septembre 2021 va avoir pour conséquence un manque de transparence sur la qualité des actifs des banques tunisiennes.
L’agence Fitch retient bien les dates, puisqu’elle déclare que le 30 décembre 2020, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a invité les banques à reporter le remboursement des crédits contractés par les entreprises touchées par la pandémie du coronavirus sous réserve de leur approbation. La période est reportée au mois de septembre 2021 pour bénéficier de cette mesure.
Les banques ont été invitées à examiner favorablement les demandes de report de remboursement avec possibilité de rééchelonnement généralisé des échéances des prêts. Le but est de permettre aux emprunteurs d’effectuer des remboursements adaptés aux limites de trésorerie des sociétés en difficultés. La BCT autorise les banques à accorder aux entreprises touchées par la crise, jusqu’en décembre 2021, de nouveaux prêts d’une durée maximale de sept ans, assortie d’une période de grâce de deux ans.
La qualité des actifs déclarés
Les mesures prises par la BCT vont certainement alléger un tant soit peu la pression exercée sur les sociétés en difficultés qui sont tenues de préserver les postes d’emploi et de redémarrer leur activité avec le rythme habituel. Mais selon l’agence, une telle mesure va aussi impacter la transparence des rapports fi nanciers en faussant les données sur la qualité des actifs déclarés. « Les banques reporteront la classification des prêts comme douteux et ne procéderont pas à des dépréciations de prêts pendant la majeure partie de cette année, ce qui augmentera artificiellement leur rentabilité et leur capital », soutient Fitch Ratings.
Les perspectives de Fitch pour le secteur bancaire tunisien sont négatives. L’extension des mesures d’abstention réglementaire, précise l’agence de notation, apportera un certain soulagement immédiat aux banques, mais les effets persistants des retombées liées au coronavirus sur l’économie tunisienne risquent de provoquer des tensions sur les crédits à plus long terme, soit au-delà de septembre 2021.
La situation se caractérise aussi par la chute des recettes touristiques, ce qui a causé un déséquilibre fi nancier et une diminution des recettes en devises. D’ailleurs, l’agence Fitch
estime que la baisse des taux d’intérêt continuera à peser sur la rentabilité des banques et pourrait mettre à mal leurs réserves de capitaux déjà faibles, en particulier dans les banques dont la rentabilité de base est faible. La fin des mesures de soutien en septembre 2021 sera suivie par le passage des banques tunisiennes à la nouvelle norme comptable IFRS 9 à la fin de l’année 2021.
La transition risque d’affaiblir davantage les mesures de la qualité des actifs déclarés et de forcer les banques à augmenter leurs provisions étant donné l’approche plus prospective adoptée pour déterminer et provisionner les pertes de crédit attendues, de l’avis de Fitch Ratings. Malgré ces difficultés, l’agence de notation américaine prévoit que l’économie tunisienne croîtra de 4 % en 2021 avec des risques de baisse si l’on prend en considération les tensions sociales, les grèves, l’instabilité politique et la possibilité de prendre de nouvelles mesures rigoureuses si la pandémie poursuit son bonhomme de chemin.