L’économie française s’est montrée résiliente en 2021, signe de l’adaptation des ménages et des entreprises au contexte sanitaire et de l’impact positif des mesures d’urgence gouvernementales. Mais à plus long terme, il est encore incertain que le redémarrage vif que connaît l’économie cette année se transforme en reprise dynamique. Le retrait des mesures de soutien temporaires du gouvernement, les effets de la crise en termes de pertes d’emplois et l’endettement des entreprises sont susceptibles d’affaiblir la croissance. Ainsi, le rattrapage devrait se poursuivre en 2022 et en 2023, mais à un rythme plus modeste, certainement inférieur aux attentes du consensus. Le niveau d’activité de 2019 serait malgré tout retrouvé en 2022, mais l’écart avec le PIB potentiel restera important à l’horizon de prévision. Dans le scénario de risque d’une crise sanitaire prolongée, avec de nouveaux blocages sévères fin 2021 et début 2022, la convergence du PIB serait beaucoup plus lente.
La pandémie continuera à peser sur la dynamique du commerce extérieur. En effet, les exportations françaises dépendent fortement des perspectives dans l’aéronautique et le tourisme, deux secteurs particulièrement vulnérables à l’évolution du risque sanitaire. Avec le reflux certainement inégal et haché de la pandémie à l’échelle globale, le rattrapage des exportations sera donc graduel et la résorption du déficit courant progressive sur l’horizon de prévision.
Du côté des entreprises, les revenus d’exploitation auront retrouvé leur niveau de 2019 d’ici à la fin de l’année grâce au rebond de l’activité et aux différentes aides publiques, particulièrement les subventions du Fonds de Solidarité. L’investissement productif a pour l’heure bien résisté à la crise et a déjà retrouvé son niveau de 2019. Mais sa croissance risque d’être plus modeste à moyen terme. Au pic de la crise en 2020, l’impact sur la liquidité des pertes opérationnelles a largement été compensé par un recours conséquent à l’emprunt, et les ratios d’endettement brut, déjà élevés avant la crise, se sont sensiblement dégradés. Avec le débouclage des aides et le début du remboursement des prêts garantis par l’État, une remonté modérée des défauts de paiement n’est pas un scénario à exclure, notamment dans les secteurs qui ont été les plus affectés par la crise. Auquel cas, le financement des entreprises risque de devenir moins abondant et plus sélectif.
En outre, les entreprises les plus endettées seront contraintes de reporter en partie leurs investissements pour accroître leurs capacités de financement et stabiliser les ratios d’endettement, dans un contexte où les taux remonteront modérément. Du côté des ménages, la diminution du taux d’épargne, qui a fortement augmenté en 2020, sera graduelle.
La normalisation du marché du travail, avec la fin du régime exceptionnel de chômage partiel et l’augmentation de la participation, s’accompagnera d’une remontée modérée du chômage. Les consommateurs se montreront donc certainement prudents sur l’horizon de prévision. Quant à « l’excès » d’épargne accumulé par les ménages en 2020, il est surtout le fait des ménages les plus aisés, qui disposent une propension à consommer plus faible. L’investissement résidentiel, qui a bien résisté à la crise, se tassera légèrement sous l’effet du durcissement modéré des conditions de crédit en lien avec la remontée du chômage. Les effets de base favorables sur les prix énergétiques et une légère accélération de l’inflation sous-jacente ramèneront cette année l’inflation totale à des niveaux proches de 2 %. À partir de 2022, la disparition de ces effets de base et le recul anticipé des prix du pétrole en 2023 contribueront au ralentissement de l’inflation. L’inflation sous-jacente restera par ailleurs modérée avec la remontée du chômage. La demande publique aura été vive en 2020 et en 2021, soutenue par les mesures d’urgence et la relance budgétaire.
À partir de 2022, le débouclage du « quoi qu’il en coûte » et des principales mesures de relance viendront réduire le déficit public (de 3 points de PIB à 6 %). À moyen terme, le gouvernement anticipe une consolidation progressive des finances publiques. Le ratio d’endettement public dépasserait 125 % du PIB en 2023, soit presque 25 points de PIB au-dessus de son niveau de 2019. La balance des risques entourant notre scénario de croissance est globalement équilibrée. D’un côté, une diminution plus rapide du taux d’épargne et une politique plus active du gouvernement concernant le renforcement des fonds propres des entreprises soutiendraient davantage la croissance. À l’inverse, une consolidation budgétaire trop agressive, de nouveaux mouvements sociaux et l’incertitude que pourraient générer les échéances électorales de 2022 pourraient affecter la reprise.