Face au nouvel ordre mondial, la Tunisie devrait repenser ses relations avec son premier partenaire commercial qu’est l’Union européenne. Il convient de repenser également les relations avec le voisinage proche, particulièrement l’Algérie et la Libye, selon une approche plus pragmatique aussi bien sur le plan économique que politique.
Pour faire face au nouveau choc d’approvisionnement en matières premières, notamment les céréales et l’énergie, provoqué par le conflit russo-ukrainien, la voie de sortie pour la Tunisie, qui subit des pressions budgétaires et ne dispose pas de ressources supplémentaires pour des programmes de résilience ambitieux, réside dans une meilleure coordination nationale et dans l’élaboration de programmes régionaux.
Le pays pourrait, en ce qui concerne le gaz, bénéficier de l’augmentation de l’exportation algérienne à travers le territoire national et la hausse de la production de gaz liquéfié durant les prochaines années, indique une note de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace), rendue publique jeudi, 13 avril 2022.
«La Tunisie devrait se concentrer sur la préparation de la nouvelle saison céréalière par l’encouragement des agriculteurs en doublant les prix à l’achat pour la saison à venir et la mise en place d’une ligne de crédit de 100 MD pour les cultures céréalières», recommande l’Iace, dans cette note qui évoque quatre tendances de l’après-conflit:
le réchauffement de la stagflation, le nouvel ordre mondial, une nouvelle mondialisation et la résilience inclusive. «Ces efforts devront s’accompagner d’une assistance technique destinée principalement aux petits agriculteurs ainsi que la mise à disposition des semences adéquates». Intitulée «L’après-guerre, les nouvelles tendances», cette note a fait valoir qu’à défaut d’un soutien direct du gouvernement aux entreprises pour sécuriser leurs approvisionnements, les entreprises tunisiennes devraient explorer de nouveaux modes d’organisation, et de regroupement sous forme de centrales d’achat, etc., afin de consolider leurs positions et atténuer l’impact de la crise.
«Parallèlement, il importe d’adopter les mesures à même d’améliorer davantage le climat des affaires et de réduire les distorsions et les obstacles ; il s’agit particulièrement de la réduction des coûts liés à la logistique (portuaire…), la simplification des procédures administratives, l’accélération des procédures douanières, l’amélioration de l’accès au financement».
Pour la Tunisie, la résilience ne peut pas être gérée ou assurée uniquement par les interventions de l’Etat. Elle passera certainement par une réadaptation des chaînes de production, une réduction de la dépendance étrangère et une recherche de solutions de substitution en termes de consommation, de capacités et procédés de production. L’Iace rappelle à cet effet que concernant les produits alimentaires, la Russie et l’Ukraine sont respectivement le premier et le cinquième exportateur de blé au monde. Les deux pays figurent également parmi les cinq plus grands exportateurs de céréales dans le monde.
Selon une note de la FAO, les prix augmenteraient de 8,7 % dans un scénario modéré et de 21,5 % dans un scénario pessimiste.
La flambée des prix pourrait impacter plusieurs pays
En effet, plus de 30 économies dans le monde dépendent des exportations russes et ukrainiennes qui représentent près de 30 % de leurs besoins d’importation de blé. Une approche plus pragmatique est donc recommandée. L’économie tunisienne est fortement dépendante de son environnement extérieur soit du côté de l’approvisionnement soit au regard des exportations. Et ce, en raison d’un écosystème faiblement intégré.
Face à ce nouvel ordre mondial, la Tunisie devrait, selon la note de l’Iace, repenser ses relations avec son premier partenaire commercial qu’est l’Union européenne. Il convient de repenser également les relations avec le voisinage proche, particulièrement l’Algérie et la Libye, selon une approche plus pragmatique aussi bien sur le plan économique que politique.
Le défi pour la Tunisie est la réingénierie des accords commerciaux en vigueur, notamment avec l’Europe, l’Algérie, la Chine, les Etats-Unis et la Turquie avec comme objectif le renforcement de l’intégration régionale.
La Banque centrale de Tunisie (BCT) pourrait envisager d’inclure le Rouble et le Yuan dans son panier de devises, permettant ainsi aux opérateurs tunisiens, principalement du secteur touristique, d’accepter les paiements dans ces deux monnaies.
«Ces fonds permettront le paiement de nos achats de matières premières en provenance de la Russie et la Chine, afin d’attirer les touristes originaires de ces deux pays dont les destinations à l’étranger sont de plus en plus limitées».
Une résilience inclusive
En Tunisie, le lancement du dialogue social multipartite et la mise en place du Conseil supérieur du développement social représentent des atouts pour une meilleure résilience inclusive. Et, grâce au dynamisme de sa société civile, la Tunisie pourrait prétendre à un avenir meilleur. Toujours selon la note de l’Iace, les objectifs en termes de développement durable, de l’environnement, d’écologie feront objet de controverses. «Bien que l’orientation vers les énergies renouvelables soit importante, la priorité reste pour l’augmentation de la production agricole et assurer la sécurité alimentaire».
La gouvernance des ressources hydriques et l’utilisation des terres arables seront certainement revues pour assurer leur optimisation avec une exploitation maximale. «La Tunisie est parmi les premiers pays concernés par l’optimisation de ses ressources et l’utilisation des terres agricoles qui sont pour l’heure inexploitées. En cause, des considérations administratives et légales», estiment les auteurs du document