L’approbation par le Conseil d’administration du FMI de l’accord trouvé avec la Tunisie, se fera en décembre 2022, compte tenu du programme chargé du Conseil, a indiqué le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds monétaire international, Jihad Azour.
Dans une interview accordée à l’agence TAP, à l’occasion de la publication, lundi, 31 octobre 2022, du rapport du FMI « Perspectives économiques régionales Moyen-Orient et Asie centrale : Des défis croissants à un moment charnière », il a souligné que l’accord au titre du mécanisme élargi de crédit entre le FMI et la Tunisie sera publié dès son approbation par le Conseil d’administration du Fonds.
S’agissant de la question de privatisation des entreprises publiques, le responsable a précisé que le gouvernement tunisien a mis en place un mécanisme permettant le traitement au cas par cas des entreprises selon leur situation financière et compte tenu de leurs productivité et performance.
TAP – L’approbation par le conseil d’administration du FMI de l’accord final sur le programme entre la Tunisie et le Fonds n’interviendrait qu’en décembre 2022, pourquoi cette date ? Le contenu de cet accord sera-t-il publié une fois approuvé ?
Jihad Azour – Les services du FMI et les autorités tunisiennes sont parvenus à un accord au niveau des services pour appuyer les politiques économiques de la Tunisie, mais l’accord final sur le programme sera soumis à l’approbation du Conseil d’Administration du FMI, qui devrait examiner la demande de la Tunisie en décembre 2022, compte tenu de son programme chargé.
Les programmes du Fonds ont toujours été conclus dans la plus grande transparence et dès que ce programme sera approuvé il sera publié sur le site du FMI avec le calendrier des revues périodiques.
TAP – Quel calendrier a été retenu pour l’implémentation des réformes ? Et quelles sont les réformes prioritaires ?
Jihad Azour – Le programme entre le FMI et la Tunisie entrera en vigueur dès son approbation par le conseil d’administration du Fonds en décembre prochain. Il s’agit d’un programme basé sur un partenariat entre la Tunisie et le FMI et qui comporte une série de mesures et de réformes qui seront mises en œuvre d’une manière progressive, en fonction des évolutions de l’économie tunsienne.
Les négociations ont pris suffisamment de temps pour pouvoir s’accorder sur un programme à même de booster la croissance, atténuer les risques financiers, réduire le déficit, résoudre la problématique de la dette, mais également de renforcer la protection sociale à travers des politiques sociales mieux ciblées.
TAP – Dans le cadre de la nouvelle politique de subvention, ce programme prévoit des transferts sociaux pour les catégories vulnérables, mais aucune mesure n’est mentionnée au profit de la classe moyenne face à la levée attendue des subventions des produits de base et des hydrocarbures. Qu’en pensez-vous ?
Jihad Azour – Le gouvernement tunisien a mis en place un programme complet pour faire sortir le pays de la crise aigue qu’il traverse.
Les services du FMI et les autorités tunisiennes sont parvenus, le 15 octobre 2022, à un accord au niveau des services pour appuyer les politiques économiques de la Tunisie par un accord au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) d’une durée de 48 mois et pour un montant d’environ 1,9 milliard de dollars.
A travers cet accord, le FMI appuiera le gouvernement tunisien dans la mise en œuvre de son programme qui a été conçu avec la participation de cadres de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et après consultation avec les partenaires sociaux dans l’objectif de renforcer la confiance et de favoriser le soutien extérieur à la Tunisie, dans cette phase délicate.
Ce programme vise à préserver la stabilité du pays à travers la réduction du déficit et une politique de subvention mieux ciblée afin d’alléger le poids de la hausse des prix sur les catégories les plus vulnérables, pour une meilleure justice sociale.
Le programme entre la Tunisie et le FMI a également pour objectifs de développer la politique fiscale pour favoriser une meilleure justice fiscale et de réformer les entreprises publiques qui traversent des difficultés financières et trouvent du mal à innover afin de renforcer leur contribution au redémarrage de la machine économique.
Le programme ambitionne aussi de soutenir le secteur privé afin de favoriser la création d’emplois qui constitue l’une des priorités de la Tunisie, face à la montée des taux de chômage à cause de la pandémie du Covid-19.
TAP – Pouvez-vous nous donner plus de détails sur le processus de privatisation des entreprises publiques proposé par le gouvernement tunisien dans le cadre de l’accord avec le FMI et aussi sur le traitement de la question de la dette ?
Jihad Azour – Certaines entreprises publiques souffrent de problèmes financiers qui sont lourdement supportés par les contribuables. Ces entreprises doivent être réformées pour améliorer leur situation financière et alléger leurs charges sur le budget de l’Etat, car les entreprises publiques doivent être de vraies locomotives de l’économie du pays et contribuer à renforcer la concurrence et à améliorer le climat des affaires.
A ce titre, le gouvernement tunisien a mis en place un programme de réformes visant le traitement au cas par cas de ses entreprises en fonction de leur situation financière et de leurs niveaux de performances et de rentabilité.
Ce programme de réformes prendra en considération les priorités et les stratégies de ces entreprises et visera à améliorer leurs performances en améliorant leur gouvernance, y compris dans le cadre d’un partenariat public-privé. L’objectif étant de renforcer la productivité de l’économie, d’améliorer les capacités financières de l’Etat et de donner la chance au secteur privé d’être une locomotive de l’économie.
Sur un autre plan, il va falloir alléger les risques de la dette sur l’économie à travers une réforme financière progressive qui prend en compte les différentes variables et l’impact social des réformes.
Dans ce cadre, il est nécessaire de mettre en œuvre une série de réformes fiscales afin de renforcer la justice fiscale et de favoriser la solidarité sociale. Il va falloir également mettre en place une politique de subvention mieux ciblée et redémarrer les moteurs de la croissance pour alléger le poids de la dette sur l’économie.
TAP – Quels sont les principales conclusions du nouveau rapport du FMI sur les Perspectives économiques régionales pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et quels sont les pays qui ont réussi, mieux que les autres, à surmonter les répercussions de la pandémie et du conflit russo-ukrainien ?
Jihad Azour – L’année 2022 a été marquée par des transformations économiques importantes et des chocs externes qui ont impacté les économies de la région à cause de la crise alimentaire et la montée des prix des produits alimentaires et de l’énergie dues au conflit russo-ukrainien, ayant intervenu à un moment où les pays confrontent déjà les répercussions de la pandémie.
Des écarts ont été constatés entre les pays importateurs et exportateurs de pétrole. Ceux exportateurs ont profité de la montée des prix de l’énergie à l’échelle internationale pour améliorer leurs assises financières et renforcer leurs réserves.
Pour les pays importateurs, la croissance du PIB réel des pays émergents et des pays à revenu intermédiaire, (PE&PRI), devrait atteindre 4,9 % en 2022, ce qui constitue un niveau acceptable par rapport à la croissance de l’économie mondiale.
S’agissant des pays à faible revenu (PFR), la croissance devrait rester atone, le PIB ne progressant que de 0,8 % en 2022 (soit 0,3 point de pourcentage de moins que prévu en avril dernier), en raison de fragilités nationales et des répercussions du niveau élevé des produits de base.
L’inflation globale dans la région MOAN (hors Soudan) devrait afficher un taux à deux chiffres en 2023 pour la troisième année consécutive, ce qui a induit une cherté de la vie dans les pays impactés par ces tensions inflationnistes.
On pourrait dire que l’année 2022 a été globalement acceptable économiquement mais que des défis économiques sont à relever dans l’avenir en relation notamment avec l’inflation dont les conséquences sont lourdes sur les personnes à faibles revenus.
Les pays affichant des niveaux d’endettement élevés doivent également adopter des politiques financières dans le sens de préserver leur stabilité financière en accélérant le rythme des réformes afin de contrebalancer les effets de la crise sanitaire et de la crise économique mondiale.
TAP – Le FMI a-t-il prévu un nouvel appui financier aux pays les plus touchés par les crises successives ?
Depuis le début de la pandémie en 2020, le FMI a œuvré à soutenir les pays les plus touchés. Les pays de la région MENA ont bénéficié d’un appui de l’ordre de 20 milliards de dollars, outre les 45 milliards de dollars de Droits de tirage spéciaux, alloués à la région l’année dernière.
Le Fonds œuvre également à appuyer les programmes d’adaptation aux changements climatiques et d’amélioration de la sécurité alimentaire des pays de la région et restera un partenaire essentiel de ces pays dans leurs stratégies de réformes économiques, à travers l’assistance technique et les programmes d’appui aux politiques économiques.