La 36ème édition des journées de l’Entreprise sur « L’entreprise et la sécurité: Liberté et souveraineté », évènement annuel de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), se tiennent, cette année, dans un contexte spécial marqué par une crise énergétique et un dysfonctionnement des chaînes d’approvisionnement alimentaire à l’échelle mondiale, à cause de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.
Pour cette raison, l’IACE a choisi de concentrer les débats de ces journées, qui se tiendront à Sousse, les 8,9 et 10 décembre 2022, sur les questions de la sécurité énergétique, alimentaire et hydrique et aussi la sécurité cybernétique.
C’est que les entrepreneurs se trouvent désormais, contraints d’opérer dans un climat de pression (sociale, économique et financière) et doivent traiter avec une nouvelle réalité économique de récession, de changement de comportements des consommateurs, de rareté et de renchérissement des matières premières sur les marchés national et international.
Pour la Tunisie, ces questions de sécurité énergétique, alimentaire et hydrique sont les défis majeurs pour le gouvernement et le milieu des affaires. En effet, le pays ne cesse de voir le déficit de la balance commerciale énergétique s’aggraver. Il a dépassé les 7 milliards de dinars, à fin septembre 2022, en hausse de 84%, par rapport à la même période de 2021, et ce, en raison d’une hausse en valeur des importations énergétiques à environ 11 milliards de dinars (+77%).
Aussi, la Tunisie est l’un des pays de la Méditerranée les moins pourvus en ressources hydrauliques et les plus exposés aux effets des changements climatiques. Son potentiel mobilisable est estimé à 4,6 milliards / m3 et le volume actuellement disponible par habitant et par an, est de 450 m3, un quota qui correspond au seuil de pauvreté hydrique défini par l’ONU.
Les secteurs économiques sont concernés par cette question de l’eau et devraient explorer de nouvelles pistes pour économiser les ressources en eau indispensables pour le fonctionnement des systèmes de production. Actuellement, l’agriculture est le principal secteur consommateur, accaparant près de 80 % du volume global mobilisé. Mais la pression exercée par les villes et les secteurs non agricoles sur les ressources disponibles, se fait aussi de plus en plus forte par d’autres secteurs, outre les ménages, dont le tourisme qui consomme 560 litres / jour par lit occupé, contre une consommation de 100 litres / jour / personne pour les ménages selon l’ouvrage « Eau et environnement, Tunisie et milieux méditerranéens », publié en 2014, par des climatologues, hydrologues et biogéographes tunisiens et français. L’industrie consomme moins de ressources en eau, mais elle est la filière qui est la plus concernée par l’exploration de nouvelles démarches d’exploitation de ressources alternatives (eaux usées, dessalement).
Pour les entreprises de l’agroalimentaire en Tunisie, les questions de la sécurité alimentaire et des matières premières comptent plus que jamais. Nous avons été l’un des pays les plus impactés par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, deux principaux fournisseurs de céréales dans le monde.
D’après une étude de la CNUCED, plus de 5% en moyenne, du panier d’importation des pays les plus pauvres sont des produits susceptibles de faire face à une hausse des prix résultant de la guerre en cours en Ukraine. Ce taux est inférieur à 1% pour les pays plus riches. D’après les données publiées par la CNUCED, 55% du blé importé par la Tunisie est originaire de ces deux pays, l’Ukraine délivrant 46% de nos achats de cette céréale. https://unctad.org/webflyer/impact-trade-and-development-war-ukraine.
« Ces défis ont certes leurs impacts sur le climat social dans lequel opèrent les entreprises en période de stagnation et d’inflation, sur la rémunération du capital, sur les sources de financement, mais aussi sur les nouvelles solutions et défis qui émergent tels que les énergies renouvelables, l’économie circulaire », indique l’IACE dans sa note conceptuelle sur les Journées de l’Entreprise.
Les chefs d’entreprises, les cercles économiques et les experts vont débattre, durant trois jours, des solutions économiques pour rompre avec la récession et contenir les effets inflationnistes engendrés par les évènements sur la scène internationale. L’IACE est allé jusqu’à dire que « de nouveaux risques vont émerger, tels que les guerres économiques que vont se mener des entreprises voire des pays, en profitant de la situation de vulnérabilité ».
C’est dans cette optique que les débats vont être axés sur la souveraineté économique et la sécurité énergétique et alimentaire dans le cadre de panels sur les thématiques « l’organisation et la régulation des marchés, liberté et sécurité », « Souveraineté économique : Priorités et Exigences »,et «Cybersécurité ».
Sur un autre volet, lié plutôt à la finance, les conférenciers et les experts invités vont discuter dans le cadre d’un panel sur « la souveraineté budgétaire et sécurité des paiements », de l’augmentation soutenue des taux directeurs ainsi que la volatilité des principales monnaies, lesquelles soulèvent la question de l’indépendance de la politique monétaire et sa relation étroite avec le financement du déficit budgétaire.
Dans une déclaration à l’agence TAP, le président de la Chambre syndicale des intégrateurs en photovoltaïque “CSPV”, relevant de l’UTICA, a indiqué qu’aujourd’hui « la souveraineté d’un pays dépend de son indépendance énergétique et alimentaire. En Tunisie, nous sommes en train de perdre cette indépendance, avec une consommation croissante et des ressources limitées, que ce soit alimentaires (notamment les céréales) ou énergétiques ».
« 97% de l’électricité en Tunisie est produite à partir du gaz naturel, importé à hauteur de 65% de l’Algérie, ce qui coûte cher à l’Etat, alors que nous disposons d’un taux d’ensoleillement parmi les plus élevés à travers le monde, ce qui nous permet de produire de l’électricité propre, à un coût minime », a-t-il dit.