La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva a affirmé dimanche, à Dubaï, que l’un des enjeux les plus urgents pour la région MENA, consiste à identifier les moyens de « renforcer la résilience des finances publiques pour protéger les populations, les économies et le climat ».
Georgieva a souligné, dans son discours à l’ouverture du 7ème forum fiscal arabe sur le thème « La viabilité budgétaire dans le monde arabe au-delà de la pandémie de covid 19: défis et opportunités » , l’importance de revoir la politique fiscale dans la région. Elle a mis l’accent sur l’importance de renforcer la coopération et la solidarité entre les pays de la région, pour faire face au risque de déstabilisation et à l’impact des changements climatiques.
Prennent part à ce forum qui précède le Sommet mondial des gouvernements (du 13 au 15 février à Dubaï, sous le slogan « Façonner les futurs gouvernements »), des ministres des finances des pays arabes et des gouverneurs des banques centrales dont Marouane Abassi, gouverneur de la BCT.
La directrice du FMI a assuré que seule la coopération multilatérale peut permettre de rétablir la viabilité de la dette dans certains pays de la région où « les autorités nationales ne peuvent tout simplement pas résoudre seules ce problème urgent ».
Et de rappeler les dernières projections économiques du FMI pour la région et dans le monde, rappelant qu’à mesure du ralentissement de l’économie mondiale, la croissance devrait aussi, chuter au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour passer de 5,4 % en 2022, à 2,9 % cette année, avant de remonter à 3,5 % en 2024. Les baisses de production décidées par l’OPEP+, pourraient réduire les recettes globales des pays exportateurs de pétrole. Quant aux pays importateurs de pétrole, ils pourraient se heurter à des difficultés persistantes.
Pour Georgieva, la dette publique est particulièrement préoccupante dans la région où plusieurs pays présentent des ratios dette/PIB élevés, dont certains avoisinent les 90 %. En outre, pour la quatrième année consécutive, le taux d’inflation « devrait dépasser les 10 % dans la région, au-dessus de la moyenne mondiale » (à l’exception des pays du Golfe) ».
« Pour ce qui est des pays émergents et des pays à faible revenu de la région, cette situation résulte des effets prolongés de la hausse des prix des denrées alimentaires et dans certains cas, de la dépréciation des monnaies nationales ».
Elle, cependant, affirmé que le Fonds s’attend à une réduction progressive de l’inflation à mesure que les prix des produits de base se stabilisent et que le durcissement des politiques monétaires et budgétaires porte ses fruits.
La directrice du FMI a exprimé son inquiétude quant au risque considérable de déstabilisation pesant sur la région, en raison de la guerre en Ukraine et des catastrophes climatiques et leur impact sur les catégories les plus fragiles de la société, à cause de l’aggravation possible des pénuries alimentaires et de la hausse du chômage notamment, chez les jeunes.
Le durcissement des conditions financières, aux niveaux national et international, pourrait entraîner une forte hausse des coûts de l’emprunt et, dans certains cas, l’assèchement des financements. Au niveau national, tout retard pris dans la mise en œuvre des réformes indispensables, risquerait de compromettre les perspectives économiques et les finances publiques des pays de la région, a-t-elle précisé.
En dépit de la nouvelle année difficile qui s’annonce, la directrice du FMI estime qu’il faut garder son optimisme, car des solutions existent. A ce propos, elle a assuré les pays de la région, de l’aide du FMI.
Trois principes directeurs sont mis en exergue par la responsable de l’institution de Bretton Woods, pour aider les pays de la région à renforcer leur résilience, en mobilisant leur politique budgétaire. Il s’agit d’abord, de se doter d’un cadre solide pour la conduite de la politique budgétaire et la gestion des risques budgétaires, face à la multiplicité des chocs et de l’incertitude dans le monde.
Le deuxième principe consiste à planifier et investir sur le long terme, pour surmonter les difficultés liées au changement climatique. A cet égard, elle a indiqué que les autorités des pays de la région ont chiffré à plus de 750 milliards de dollars, leurs besoins de financement pluriannuels en la matière. « De tels besoins ne seront satisfaits qu’à condition que des politiques publiques et des solutions financières judicieuses soient mises en place, pour instaurer un climat propice au financement privé de l’action climatique ».
Il est essentiel que les pays investissent dans des infrastructures résistantes aux effets du changement climatique et dans des systèmes d’alerte précoce. Les investissements dans les énergies renouvelables et la décarbonation de l’économie des pays de la région sont aussi indispensables, a-t-elle encore souligné.
Quant au troisième principe, il consiste à accroître les recettes fiscales. Dans les pays de la région, le ratio moyen impôts/PIB, hors recettes tirées des hydrocarbures, n’est encore qu’à environ 11 %, ce qui représente moins de la moitié des recettes fiscales potentielles ». Pour la première responsable du FMI, Il est possible d’obtenir de meilleurs résultats, en améliorant la conception des politiques fiscales et en mettant fin aux exonérations fiscales qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Elle a encore mis en exergue l’importance de moderniser l’administration fiscale, mettant à la disposition des pays de la région, des programmes de développement des capacités dans ce domaine.
Par ailleurs, « il est impératif d’approfondir la coopération internationale en matière de gestion de la dette » qui constitue «un problème commun à l’ensemble de la région et au monde entier ». Pour Georgieva, le moment est venu de passer aux actes, d’autant que le monde arabe dispose d’une solide expérience en matière de coopération.
Et de rappeler la mobilisation de ressources financières par les pays du Conseil de coopération du Golfe (dont 54 milliards de dollars de financement budgétaire et de la balance des paiements et allègement des dettes des pays à faible revenu et ou fragiles ou en proie à un conflit), notant que les pays donateurs peuvent également, contribuer à la stabilité et à la croissance économiques de la région, en participant à des initiatives multilatérales.
Avec les pays disposant de solides réserves, le FMI œuvre désormais, à la réaffectation des actifs ( dont la réaffectation des DTS) pour venir en aide aux pays dont les besoins sont plus importants, a-t-elle précisé, affirmant que le FMI est fier de la coopération établie avec les pays de la région.
A noter que le 7ème forum fiscal arabe, organisé par le Fonds monétaire arabe et son partenaire, le FMI, en collaboration avec le ministère des finances des Émirats arabes unis, traitera du financement des besoins budgétaires et des moyens de renforcer la mobilisation des recettes intérieures ainsi que de la gestion des risques budgétaires et climatiques et des politiques budgétaires. A l’ordre du jour également, des questions relatives à l’élargissement de l’assiette fiscale et au renforcement de l’adhésion des contribuables, à travers l’intégration du secteur informel.