La Banque Centrale de Tunisie, publiée en octobre 2024, analyse en profondeur les évolutions économiques et monétaires récentes, avec un focus sur les perspectives d’inflation. En examinant à la fois le contexte international et national, elle met en lumière les principaux moteurs de la croissance économique, les tendances inflationnistes, ainsi que l’évolution des échanges commerciaux et des politiques monétaires. La Tunisie, dans un environnement international marqué par une modération des prix et un ralentissement de l’inflation, poursuit ses efforts pour maintenir la stabilité économique, malgré les défis persistants liés à l’inflation et au déficit commercial.
Contexte international
En août 2024, les prix internationaux des principaux produits de base ont connu une baisse modérée, notamment dans les secteurs de l’énergie et des métaux. Cette baisse est en partie due à la lente reprise de la demande mondiale. Les économies majeures ont montré une certaine résilience, avec des taux de croissance en hausse au 2ème trimestre 2024, prévus pour se poursuivre au 3ème trimestre. Les banques centrales des grandes économies (FED, BCE, Banque d’Angleterre) ont ajusté leurs politiques monétaires en baissant leurs taux directeurs pour répondre à une inflation qui converge progressivement vers leurs objectifs respectifs. Aux États-Unis, la Fed a abaissé son taux de 50 points de base (pbs), et la BCE et la Banque d’Angleterre ont réduit leurs taux de 25 pbs.
Contexte national
La Tunisie a enregistré une amélioration modérée de son taux de croissance du PIB aux prix constants, passant de 0,3% au 1er trimestre 2024 à 1% au 2ème trimestre. L’inflation globale s’est stabilisée à 6,7% en septembre 2024, en baisse par rapport à des mois précédents. En parallèle, l’inflation sous-jacente, excluant les produits alimentaires frais et l’énergie, a continué de décélérer à 6,7%, contre 7% le mois précédent. Le déficit de la balance courante s’est réduit à -2.122 MDT (-1,3% du PIB) à fin septembre 2024, grâce à une amélioration des excédents dans les services et une diminution du déficit commercial. Toutefois, les avoirs en devises du pays sont restés stables à 25,5 milliards de dinars, représentant 115 jours d’importations.
Croissance économique
La croissance économique tunisienne a été principalement soutenue par la demande intérieure, qui a enregistré une hausse de 2,6% au 2ème trimestre 2024. Cependant, les exportations de biens et services ont reculé de -3,1% au même trimestre, impactant négativement la croissance. Du côté de l’offre, les services ont continué à jouer un rôle dominant, avec une contribution de 0,9 point de pourcentage à la croissance du PIB. La production agricole a affiché une solide reprise, compensant les contre-performances dans le secteur industriel, où la production a chuté, notamment dans la construction (-20,8% par rapport au niveau pré-pandémique) et les industries des matériaux de construction.
Secteur extérieur et balance commerciale
Les échanges commerciaux de la Tunisie ont été marqués par une légère hausse des exportations au mois de septembre 2024, tandis que les importations ont reculé de -2,1% en raison d’une baisse des importations de produits alimentaires et de matières premières. Le déficit commercial (FOB-CAF) s’est réduit à 13,5 milliards de dinars, contre 14 milliards un an auparavant. Cependant, le déficit de la balance énergétique a augmenté, atteignant 8,4 milliards de dinars à fin septembre 2024, par rapport à 7,6 milliards un an auparavant. Le secteur des services, notamment touristique, a montré des signes de redressement, avec des recettes cumulées atteignant 5.597 MDT au cours des neuf premiers mois de l’année, dépassant même les niveaux d’avant la pandémie.
Secteur financier
Le secteur bancaire a montré un redressement graduel des crédits, avec une augmentation de 3,9% en août 2024, contre 2,4% un an auparavant. Les crédits à moyen et long terme, principalement destinés à l’investissement, ont continué de croître. Cependant, on observe un ralentissement dans l’octroi de crédits à court terme, affectant notamment les secteurs de l’agriculture, des services et de l’industrie. Du côté des particuliers, la croissance des crédits a également ralenti, atteignant 2,3% en août 2024. Le taux moyen du marché monétaire (TMM) s’est stabilisé à 7,99% en septembre 2024, aligné sur le taux directeur de la Banque Centrale.
Inflation et dynamique des prix
L’inflation tunisienne s’est stabilisée à 6,7% en septembre 2024. Ce maintien est le résultat d’une accélération des prix des produits alimentaires frais, notamment les légumes frais (+13%) et la volaille (+12,2%), mais aussi d’une baisse des prix des œufs et de certaines viandes. En revanche, l’inflation sous-jacente a repris sa tendance baissière à 6,7%, en raison du ralentissement des prix des produits alimentaires transformés et des produits manufacturés libres. L’inflation des produits administrés a poursuivi sa modération, soutenue par le gel des prix de plusieurs produits de base.
Politique monétaire
Le volume global de refinancement a continué de diminuer en septembre 2024, atteignant 12.744 MDT. Les principales opérations de refinancement ont chuté à 3.710 MDT, tandis que les facilités de prêt marginal et de dépôt ont augmenté. La Banque Centrale de Tunisie a maintenu son taux directeur à 8% lors de sa réunion du 25 septembre 2024, dans le but de soutenir le processus désinflationniste en cours, en limitant les tensions inflationnistes internes et en stabilisant l’économie.
Perspectives de l’inflation
Les prévisions d’inflation anticipent une poursuite de la baisse graduelle, avec un taux de 6,5% prévu à la fin de 2024, et une baisse plus marquée à 5,1% en 2025. Cette trajectoire reflète les effets des baisses antérieures des prix internationaux et des mesures de gel des prix administrés. Néanmoins, des pressions à la hausse pourraient persister en raison de l’augmentation des coûts salariaux, de la demande résiliente et de l’impact continu des conditions climatiques défavorables sur l’offre alimentaire.
En Conclusion, La situation économique de la Tunisie en 2024 montre une amélioration modérée, soutenue par une croissance intérieure et une stabilisation de l’inflation. Néanmoins, des défis demeurent, notamment dans les secteurs de l’énergie et des importations alimentaires, qui continuent de peser sur la balance commerciale. La politique monétaire de la Banque Centrale reste prudente, avec un maintien du taux directeur à 8%, visant à consolider les gains désinflationnistes et stabiliser le système financier. À court et moyen terme, les perspectives d’inflation sont optimistes, avec une prévision de baisse progressive des prix, bien que les risques externes, notamment les coûts salariaux et les conditions climatiques, continuent d’alimenter certaines incertitudes.