L’heure est au dialogue national pour espérer une sortie de crise. Pour réussir, ce dialogue doit être nécessairement séparé du politique, afin d’éviter de refaire l’erreur du pacte de Carthage 2, lancé en 2018 par le défunt président de la République, Béji Caïd Essebsi, a estimé Chkandali.
L’économiste Ridha Chkandali a plaidé, récemment, en faveur d’un dialogue national socioéconomique élargi, rassemblant toutes les forces vives du pays, pour pouvoir reprendre rapidement les négociations avec le Fonds monétaire international et sortir ainsi de la crise actuelle. Revenant sur la décision d’activer l’article 80 de la Constitution annoncée le 25 juillet dernier, par le Président de la République, Kaïs Saïed, l’expert a souligné, dans un entretien accordé à l’agence TAP, que « tout peut attendre actuellement en Tunisie, sauf la situation économique et financière ». «Nous avons des engagements à honorer et des prêts qui arriveront bientôt à échéance. Le 5 août, la Tunisie est appelée à rembourser un autre emprunt obligataire de 500 millions de dollars ». «La mise en place de la Cour constitutionnelle, la réforme de la loi électorale et du régime politique sont certes cruciales, mais ce n’est pas le plus important. L’heure est au dialogue national pour espérer une sortie de crise «, a-t-il estimé. «Pour réussir, ce dialogue doit être nécessairement séparé du politique, afin d’éviter de refaire l’erreur du pacte de Carthage 2, lancé en 2018 par le défunt président de la République, Béji Caïd Essebsi. En effet, tous les points socioéconomiques de cet accord ont été approuvés par ses signataires (partis politiques et organisations nationales) à l’exception d’un seul point politique qui portait sur le maintien ou le départ du gouvernement Youssef Chahed».
Nécessité de rompre avec les anciennes politiques monétaires Selon Chkandali, ce dialogue, qui ne doit pas dépasser dix jours, a pour finalité d’aboutir à un programme de réformes socioéconomiques afin d’engager de nouvelles négociations avec le FMI et signer un accord de financement. « La prochaine équipe gouvernementale doit engager des négociations avec le FMI autour des réformes et pas uniquement autour du financement, comme c’était le cas depuis la révolution ». D’après lui, si «les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution avaient adopté les réformes proposées par le Fonds monétaire international, la Tunisie n’en serait pas là aujourd’hui ». S’agissant du programme de réformes envisagé avec le FMI, l’expert a soutenu qu’il doit impérativement rompre avec les anciennes politiques monétaires qui se sont articulées autour de l’augmentation du taux d’intérêt et les politiques de change, lesquelles ont entraîné une dépréciation accrue du dinar et une exacerbation de l’inflation.»
Les axes de ce programme doivent inclure la lutte contre la corruption dans les administrations et au niveau des marchés publics», a t-il souligné, saluant l’appel lancé par le Président de la République aux hommes d’affaires ayant spolié l’argent public, pour la réalisation de projets de développement dans les régions marginalisées, dans le cadre d’une réconciliation pénale. L’économiste a estimé qu’il s’agit là « d’une excellente idée», mais qui nécessite beaucoup de temps. «Cette mesure permettrait de réduire les dépenses de développement et de leur consacrer un budget de 7,4 milliards de dinars». Il a, par ailleurs, mis l’accent sur la nécessité d’alléger les démarches bureaucratiques pour les entrepreneurs. En mai dernier, une délégation tunisienne conduite par l’ancien ministre des Finances, Ali Kooli, s’est rendue à Washington pour relancer les négociations avec le FMI dans l’espoir d’obtenir un nouvel accord de financement, en présentant un programme de réforme qui prévoit, notamment, la lutte contre la corruption, la promotion de l’investissement, la révision de la subvention et la réduction de la masse salariale.
Selon l’agence de notation Moody’s, ces négociations pourraient connaître une perturbation en raison de la crise politique prolongée. Dans un rapport publié le 26 juillet dernier, l’agence de notation américaine a estimé que l’absence d’une Cour constitutionnelle est de nature à prolonger la crise politique que traverse actuellement la Tunisie, ce qui pourrait ralentir davantage la mise en oeuvre des réformes économiques et par conséquent les négociations avec le FMI. D’après Moody’s, il est peu probable que le FMI souscrive à un nouveau programme « déjà au point mort », et ce, en raison de désaccords déjà existants avec le gouvernement, qui concernent notamment la réduction de la masse salariale de la fonction publique, la réforme des subventions et le rôle des entreprises dans l’économie. Il faudrait, selon l’agence, mettre en place un train de réformes global, dans le cadre d’un « pacte social » rassemblant toutes les composantes nationales (syndicat, patronat, société civile…).