Depuis un certain nombre d’années déjà, le Crowdfunding, ou Financement participatif, occupe un rôle croissant dans le monde de l’économie collaborative. Initialement un mode de financement reposant sur le don, avec ou sans contrepartie, la pratique s’est depuis diversifiée pour offrir des solutions de financement alternatives : par prêt, le Crowdlending, et par investissement en capital, l’Equity Crowdfunding. Aujourd’hui, ces nouvelles pratiques occupent une place à part entière sur les marchés non cotés. L’Equity Crowdfunding, en particulier, apporte un ensemble de pratiques innovantes dans un secteur jusque-là très fermé : le Private Equity. Point sur la situation.
Le Private Equity, état et enjeux
Le Private Equity, ou capital‐investissement, désigne une forme spécifique d’investissement institutionnel dans des entreprises privées, avec comme objectif de financer leur développement, leur transformation et leur expansion. Cette activité consiste pour un investisseur à apporter des fonds propres à une entreprise non-cotée, en échange d’une prise de participation dans son capital. Pour effectuer cette opération, les investisseurs peuvent soit acheter des titres existants auprès d’actionnaires, soit des titres nouveaux, émis lors d’une augmentation de capital (éventuellement par l’intermédiaire d’obligations ou de produits dérivés tels que des options ou des bons de souscription).
Ce type d’investissement est risqué mais repose sur une espérance de croissance supérieure à celle des marchés financiers. Sur les 10 dernières années, le capital-investissement a surperformé toutes les autres grandes classes d’actifs, avec un TRI sur 10 ans de 8,7%, contre 3,0% pour le CAC 40. Aujourd’hui, la majorité de ces opérations se font par l’intermédiaire de fonds de Private Equity, dont les investisseurs sont généralement des investisseurs institutionnels spécialisés, comme les banques, les assurances, les fonds de pension, les fondations, les fonds de dette souveraine et les particuliers disposant de très hauts revenus.
Le Private Equity joue aujourd’hui un rôle important et croissant dans le financement des entreprises. La nécessité pour les banques de maîtriser leur exposition aux risques, combiné à l’extrême volatilité des marchés conduit aujourd’hui à une situation dans laquelle bon nombres de petites et moyennes entreprises ont du mal à se financer. Aujourd’hui, on constate une recrudescence des tiers de garantie ayant pour rôle de mitiger les risques pour faciliter à ces entreprises l’accès à l’emprunt bancaire, principalement dans les régions du monde en difficulté. Pourtant la demande en financement auprès de ces organismes reste aujourd’hui bien supérieure à l’offre.
Le Private Equity représente donc une source de financement nécessaire et complémentaire au financement bancaire des entreprises. Elle permet en effet aux entrepreneurs de disposer de capitaux plus durables (à l’inverse de la dette) pour financer le développement de leur entreprise. Cependant, certains défis restent encore à relever. Il existe aujourd’hui peu de fonds d’investissement qui s’engagent sur des segments inférieurs à 2 millions d’euros, segment pourtant décisif pour permettre aux jeunes entreprises de développer leurs activités et atteindre un niveau de solidité financière nécessaire pour prétendre à d’autres sources de financement comme la dette.
Vers de nouvelles pratiques complémentaires : L’Equity Crowdfunding
Les investissements réalisés dans le cadre du Private Equity interviennent à des étapes différentes du développement des entreprises. Elles permettent ainsi de financer graduellement la croissance de ces entreprises. On décompose généralement le capital-investissement en 3 grandes familles :
- Le capital innovation (ou capital risque)
- Le capital développement
- Le capital transmission (aujourd’hui essentiellement des opérations de LBO)
Le faible positionnement des différents acteurs du capital investissement sur les segments inférieurs à 2 millions d’euros s’explique notamment par le risque accru et les coûts opérationnels importants de sourcing et de suivi du portefeuille d’investissement. Il est évident que du point de vue des perspectives, investir dans une jeune entreprise est une opération plus risquée que d’investir dans une entreprise mature qui a déjà fait ses preuves. Du point de vue de la performance des investissements, même si les TRI potentiels restent plus élevés, les coûts opérationnels et de gestion diminuent la rentabilité de manière non négligeable : il est généralement plus optimal d’un point de vue de gestion d’effectuer un deal à 5 millions d’euros, que 5 deals à 1 million d’euro.
Il existe des solutions alternatives sur ces segments, le recours aux Business Angels par exemple, ou même le financement public dans certains cas particuliers. Cependant, ces solutions ne couvrent que partiellement les besoins des entrepreneurs, et dans des volumes très insuffisants : on parle d’Equity Gap. L’émergence de l’Equity Crowdfunding a en partie vocation à venir couvrir ce gap, en utilisant les méthodes du Private Equity, et en s’appuyant sur la puissance des outils digitaux.
L’Equity Crowdfunding est une pratique émergente qui permet à des investisseurs de financer le développement d’une entreprise par la prise de participation dans son capital. Aujourd’hui, cette pratique est réglementée dans plusieurs pays d’Europe, d’Amérique et d’Asie mais la réglementation reste un frein pour son développement dans les pays émergents et notamment en Afrique.
L’Equity crowdfunding propose, par l’intermédiaire de plateformes en ligne, des opportunités d’investissement qualifiées à une communauté d’investisseurs professionnels ou non. Il constitue dès lors un prolongement des activités du capital investissement, adapté aux besoins des entreprises et aux pratiques modernes et contemporaines des investisseurs.
L’activité des gérants de fonds et celle des gérants de plateforme d’Equity Crowdfunding se rejoignent sur de nombreux points. Les pratiques liées aux opérations de financement, notamment la construction des termsheets, les due diligence et les procédés de valorisation des entreprises se déroulent globalement de la même manière, encore que certaines techniques diffèrent dans le cas d’entreprises très jeunes. La divergence entre ces deux pratiques ne se situe pas sur le fond, mais plutôt sur la forme et le déroulement de l’opération d’investissement.
L’activité des fonds d’investissement consiste à gérer l’argent de ses investisseurs, qui de fait sont exposés à un portefeuille d’actifs qui dépend de la stratégie du fonds. L’Equity Crowdfunding, en revanche, permet aux investisseurs de choisir les projets dans lesquels ils souhaitent investir , et par la même occasion de donner du sens à leur épargne, de s’engager. L’Equity Crowdfunding présente également l’avantage de rendre le capital-investissement accessible aux non-initiés et aux portefeuilles plus modestes, en leur proposant des opportunités qualifiées et pour des montants à partir de quelques centaines d’euros. Ils peuvent ainsi investir dans les mêmes conditions que des investisseurs professionnels.
L’Equity Crowdfunding vient donc en quelque sorte compléter la palette d’outils du Capital Investissement en proposant à la fois une approche différente mais complémentaire. Elle répond à une évolution logique des pratiques financières alternatives, orientée vers l’économie collaborative.
Les enjeux des nouvelles pratiques
En France, l’Equity Crowdfunding est une pratique en pleine expansion depuis qu’elle a été réglementée en 2014. Les investissements réalisés par l’intermédiaire de l’Equity Crowdfunding en France ont totalisé 32 millions d’Euros au S1 2017, soit 15% de plus qu’au S1 2016. Les investissements avaient déjà progressé de 36% entre 2015 et 2016, pour un total de 68,6 millions d’euros, signe d’un engouement croissant pour la pratique de la part des investisseurs. (Source Baromètre du FPF)
On assiste aujourd’hui à une croissance forte du développement de l’Equity Crowdfunding. Cette croissance est soutenue d’une part par l’émergence de nouveaux investisseurs à la recherche de nouvelles pratiques financières et d’autre part par l’évolution des pratiques des Business Angels, qui se tournent de plus en plus vers les plateformes d’Equity Crowdfunding. L’enjeu est réel, car le volume important d’investisseurs sollicité par les pratiques de Crowdfunding constitue un levier financier très conséquent.
Pour illustrer le potentiel que pourrait représenter l’Equity crowdfunding en France, supposons que l’ensemble des détenteurs d’actions en France, soit 3,67 millions de personnes en Mars 2017 (source Kantar TNS pour l’AMF), décidaient d’investir 100 euros via une plateforme d’Equity crowdfunding. Cela pourrait représenter plus de 20% des 1648 millions d’euros levés par le capital innovation en France en 2016 !
Dans les pays émergents, les solutions proposées par ces nouvelles pratiques sont à mettre en relation avec la situation actuelle du marché. En Afrique, par exemple, le segment du capital innovation est aujourd’hui quasi-inexistant. Le financement des startups et PME se heurte à de nombreux problèmes : Le faible volume de capitaux locaux, l’absence quasi-totale des investissements à destination des entreprises en phase de création , et la réticence des banques à financer les entreprises de petite taille. Par exemple, en Afrique les entrepreneurs sont 19% moins susceptibles d’obtenir un crédit que dans les autres régions en développement du monde.
Et pourtant, les besoins et les opportunités dans ses régions sont réelles ! Avec un taux d’entreprenariat de 22% par rapport à la population en âge de travailler, l’Afrique est en pôle position. Avec 44% des entrepreneurs qui se lancent pour saisir une opportunité de marché et 20% d’entre eux qui introduisent un nouveau produit ou service, le dynamisme entrepreneurial du continent n’est plus à prouver. Le secteur des nouvelles technologies n’est pas en reste non plus! Avec une classe moyenne de plus de 350 millions de personnes, un taux de pénétration mobile supérieur à 100% dans certains pays et 220 millions de comptes Mobile Banking, l’Afrique est plus que jamais une terre d’opportunités. (Source OCDE 2017)
En sélectionnant les opportunités d’investissement en en collaborant directement avec les entrepreneurs des pays émergents, les plateformes d’Equity Crowdfunding peuvent dès lors se positionner comme un intermédiaire privilégié entre des investisseurs, souhaitant faire fructifier leur épargne et lui donner un sens, et des entrepreneurs ambitieux à la recherche de partenaires financiers pour développer leur entreprise et générer des impacts positifs favorisant la croissance inclusive dans ces régions.
En conclusion, l’Equity Crowdfunding fait, aujourd’hui, partie intégrante du capital-investissement. Elle est à la fois une évolution naturelle et disruptive de la pratique du Private Equity.
En apportant de nouvelles sources de financement adaptées aux besoins de financement des PME et des startups et en s’appuyant sur la puissance du digital et du mobile, l’Equity Crowdfunding permet d’apporter une réponse complémentaire au financement de l’entrepreneuriat dans les pays développés, ainsi qu’une solution incontournable et pleine de potentielle au financement des entreprises dans les pays émergents.
Avec une tendance mondiale en forte croissance, si le rythme est maintenu, les montants levés par l’Equity Crowdfunding pourraient atteindre les 36 milliards de $ en 2020, surpassant ainsi les volumes de Venture Capital au niveau mondial, faisant de l’Equity Crowdfunding la plus importante source de financement des startups au monde.