L’Europe continue d’enregistrer une croissance vigoureuse


L’activité s’est affermie dans bon nombre de pays, et cette tendance devrait se poursuivre. Le PIB réel a progressé de 2,8 % 2017, après avoir augmenté de 1,8 % en 2016. Cette expansion s’explique dans une large mesure par la demande intérieure. La croissance du crédit s’est finalement accélérée, ce qui aide les banques européennes à rétablir leur rentabilité. Si les indicateurs avancés ont commencé récemment à baisser, ils demeurent à des niveaux élevés. En conséquence, il est prévu que la croissance restera vigoureuse, pour atteindre 2,6 % en 2018 avant de fléchir à 2,2 % en 2019. Cependant, sur fond de ces bons résultats, les efforts d’ajustement budgétaire et de réformes structurelles faiblissent.

L’inflation et la croissance des salaires restent modérés dans la plupart des pays avancés et ne devraient s’accélérer que très progressivement, étant donné les capacités disponibles sur les marchés du travail. En Europe centrale et orientale, par contre, où les pays se trouvent bien plus loin dans le cycle conjoncturel, les salaires augmentent rapidement et l’inflation devrait s’accélérer notablement en 2018, ce qui pourrait nuire à la compétitivité. Comme noté au chapitre 2 du rapport, la dynamique modérée des salaires dans beaucoup de pays avancés reflète le bas niveau de l’inflation et des anticipations inflationnistes, la persistance de taux de chômage et de sous-emploi élevés, ainsi que l’atonie de la croissance de la productivité. En outre, il semble que les courbes de Phillips des salaires soient très plates dans les pays avancés et que les répercussions de la situation régionale du marché du travail et de la faible croissance des salaires dans certains pays contribuent à la modération des salaires, freinant la demande dans les autres pays. Il faudra donc peut-être du temps pour que la croissance des salaires se redresse de manière notable et large dans les pays avancés. Les perspectives favorables sont exposées à plusieurs aléas principalement baissiers à moyen terme. Les risques les plus immédiats tiennent aux évaluations élevées sur les marchés financiers à l’échelle mondiale, notablement une prime de terme exceptionnellement basse, et à une tendance croissante à l’adoption de politiques économiques de repli sur soi. Les marchés européens ont bien résisté aux récentes turbulences sur les marchés financiers, et les flux de capitaux vers les pays émergents sont restés vigoureux. Mais, comme noté au chapitre 1, des replis marqués et soutenus des cours des actions sont souvent des signes avant-coureurs d’un ralentissement de la croissance de l’inflation. Étant donné que bon nombre de taux directeurs sont proches de la borne du zéro et que les banques centrales continuent d’appliquer des mesures non conventionnelles, les possibilités de procéder à un assouplissement supplémentaire face à de nouveaux chocs ne sont pas élevées. Il est donc d’autant plus important de reconstituer une marge de manœuvre budgétaire.

Il est important de se demander combien de temps cette reprise peut durer même en l’absence de chocs extérieurs. D’une part, les estimations des écarts de production indiquent que la plupart des économies n’ont guère de capacités inemployées. D’autre part, les taux de chômage, surtout lorsqu’ils sont définis au sens large, semblent encore élevés, surtout dans les pays avancés importants. La durabilité de la reprise dépend de la réaction de l’investissement. Le chapitre 1 montre que l’investissement a généralement été modéré, et principalement destiné au remplacement. En outre, il a été bien plus faible qu’après la crise mondiale de 1991.

Comme les perspectives économiques continuent de s’améliorer à court terme mais qu’elles sont moins favorables à moyen terme, les dirigeants doivent saisir l’occasion pour reconstituer une marge de manœuvre budgétaire et opérer des réformes qui rehaussent le potentiel de croissance. Dans les pays où l’inflation reste modérée, la politique monétaire doit continuer d’être accommodante afin de veiller à ce que l’inflation monte durablement et se rapproche des objectifs fixés. Dans les pays où l’inflation atteint l’objectif fixé, la politique monétaire devrait se normaliser progressivement. Dans bon nombre de pays, les dirigeants devraient chercher à rapprocher les soldes budgétaires de l’équilibre au cours des quelques prochaines années. De cette manière, les stabilisateurs automatiques et les mesures de relance budgétaire pourraient être utilisés de nouveau si des risques se matérialisaient. En outre, une stabilisation et une réduction de la dette publique aideraient les pays à mieux faire face aux pressions liées à la hausse des dépenses consacrées aux retraites et aux soins de santé. La combinaison d’un ajustement budgétaire et d’une politique monétaire souple devrait aussi aider les nombreux pays qui ont rétabli depuis la crise une compétitivité dont ils ont tant besoin à continuer de réduire leurs engagements extérieurs nets, qui restent élevés. L’ajustement budgétaire devrait être axé sur l’amélioration de l’efficience de l’État. C’est un défi majeur, en particulier dans beaucoup de pays émergents d’Europe qui doivent aussi continuer d’améliorer leurs institutions et leur gouvernance. Les pays disposant d’un espace budgétaire considérable peuvent et doivent l’utiliser pour promouvoir une croissance potentielle plus élevée.

Enfin, la reprise offre une occasion d’agir plus rapidement pour approfondir l’union économique et monétaire. Premièrement, il convient d’achever l’union bancaire. La mise en place d’un mécanisme européen de stabilité pour garantir le fonds de résolution unique marquerait une première étape importante vers un meilleur partage des risques. Deuxièmement, il existe des arguments solides en faveur d’une capacité budgétaire centralisée, mais l’accès devrait être strictement tributaire de l’observation des règles budgétaires, avec aussi des mécanismes qui évitent les transferts permanents entre pays. Troisièmement, comme le Royaume-Uni quitte le marché unique, il devient plus urgent de faire avancer l’union des marchés des capitaux, ce qui exige de prendre des mesures pour promouvoir l’harmonisation des régimes d’insolvabilité et une meilleure protection des droits des investisseurs à l’échelle internationale.