La distribution moderne préserve-t-elle le mode de vie tunisien ?

Faire le marché est souvent synonyme d’un plaisir, d’une joie et d’une gaité. S’approvisionner dans le confort et l’hygiène en face d’une gamme multi variée de produits est source de bonheur. Flâner dans les grands couloirs allongés par des magasins portant l’enseigne des grandes marques est déstressant. Or, ce plaisir on ne peut le trouver que dans les grandes surfaces de distribution souvent appeler d’alimentation.

Portés par la hausse du pouvoir d’achat entrainant une forte demande intérieure, le secteur de la grande distribution prend de plus en plus place dans le paysage commercial tunisien avec l’implantation en avril 2001 d’un hypermarché Carrefour à la Marsa et en 2005 de l’enseigne Géant. Depuis, il a commencé à agir sur le train de vie du consommateur et façonne d’une manière directe son rythme de consommation en changeant profondément sa fonction d’utilité. Au début, on a cru que c’était un phénomène de mode, mais vu son rythme d’installation, la grande distribution s’avère répondre à une satisfaction d’un besoin de qualité-valeur qui se fait sentir d’une manière pressante chez le citoyen tunisien.

L’arrivée de ces grandes surfaces a stimulé la croissance induisant une hausse des dépenses de leur clientèle, 47% des tunisiens l’affirment. Ces grandes surfaces profitent de plusieurs atouts et voient sa part de marché dans le secteur de l’alimentation grimper de 16% en 2006 à 20% actuellement. Il s’agit d’un secteur puissant et organisé disposant d’un triple avantage comparatif par rapport aux petits commençants des quartiers. D’abord, il propose des prix compétitifs et de la qualité saine des produits. Dans toutes les tranches de revenu, les consommateurs cherchent des moyens de maximiser la qualité de leurs achats tout en gardant les factures alimentaires aussi basses que possible. Ensuite, il offre une large gamme de produits locaux ou importés facilitant le choix du consommateur cherchant le confort et l’hygiène.

Enfin, il s’appuie sur une industrie normalisée, une logistique organisée, des approvisionnements importants en volume et réguliers. Il vise une clientèle aisée appartenant à la haute sphère de la classe moyenne disposant de moyens de transport. L’apparition des supermarchés est due aux changements sociaux tels que l’utilisation des voitures et les moyens de transport modernes, l’augmentation des marques nationales, l’augmentation des exigences du consommateur et une amélioration dans les méthodes d’emballages et de réfrigération des produits.

En dépit de l’existence d’une clientèle potentielle, les professionnels tunisiens de ce genre de commerce juge son évolution très lente. La dernière décennie a été marquée seulement par l’ouverture de 2 hypermarchés, soit un hypermarché tous les 5 ans, d’une vingtaine de supermarchés soit un rythme de 2 par an. On risque d’attendre 2030 pour atteindre une part de marché de 50% au lieu des 20% actuellement. Toutefois dans son palmarès 2010 des pays à fort potentiel pour le commerce de détail, le cabinet américain AT Kearney a classé la Tunisie 11éme sur 30 et le Maroc 15éme. Ces deux marchés sont considérés comme des marchés porteurs, devant la Turquie, la Bulgarie et même l’Afrique du Sud. Leurs atouts : un paysage peu concurrentiel et un niveau de risques jugé faible. Au début du développement de la distribution moderne à partir de l’année 2000, les tunisiens ce sont inquiétés sur l’avenir des petits commerces. Combien sont amenés à disparaître, le sont-ils forcément et sous quelles conditions ?

L’implantation d’une grande surface est-elle nuisible aux consommateurs, la réponse à cette question est tout aussi complexe, que lourde de conséquences en termes de politique économique. Plus la grande surface dispose d’un avantage de coût conséquent, plus elle représente un réel danger pour les établissements déjà installés. Heureusement que les consommateurs adoptent une approche plus souple à l’égard des achats. Ils combinent des déplacements plus longs et des achats d’appoint plus fréquents. En effet, selon le sondage de l’Institut National de la Consommation, 42% des interrogés ont déclaré s’approvisionner auprès de ces épiciers en produits de consommation courante. Autres inquiétudes qui n’a pas raison d’être d’ailleurs, à savoir le risque de voir les consommateurs tunisiens déserter les produits locaux au profit des produits importés, ce qui porterait atteinte à notre économie. Or, le même sondage confirme que 85,5% des habitués de ces grandes surfaces préfèrent acheter des produits tunisiens.

Mais ce qui nous inquiète, c’est que cette mutation alimentaire provoquée par l’arrivée des grandes surfaces et influencée par les medias est une dérive en matière de qualité alimentaire.

Alors que notre régime de consommation appelé souvent crétois caractérisée par la consommation en abondance de fruits, légumes, céréales et huile d’olive et une consommation faible de viande et produits laitier est reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé et distingué comme un des plus beaux patrimoines du bassin méditerranéen, les tunisiens semblent s’en détourner peu à peu en s’orientant vers un mode à l’occidental. Ils industrialisent désormais leur schéma de consommation. Ainsi on se trouve devant un dilemme : D’une part, il faut bien encourager le développement de la distribution moderne avec toutes ses retombées indiscutables socio-économiques, directes et indirectes et préserver, d’autre part, le mode de vie tunisien. C’est en résolvant cette équation assez délicate que la grande distribution pénétrera mieux le marché tunisien.

Avec MAC SA