La Tunisie malade de ses politiques d’austérité dictées par le FMI

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En 2017, les 10% les plus riches détenaient plus de 40% du revenu national

• Les entreprises tunisiennes bénéficient de nombreuses incitations fiscales
et ne participent au jour qu’il est qu’à hauteur de 11% à l’effort fiscal du pays
• L’impôt sur le patrimoine ne représente que 0,3% des recettes fiscales
• Le coût des dépenses fiscales en 2016 avoisinait les 3% du PIB, ce qui est supérieur au budget de la santé publique (1.8% du PIB), et aux mesures exceptionnelles prise pour faire face au coronavirus qui constituent 1.8% du PIB

L’ONG Oxfam vient de publier un rapport épinglant l’inégalité et l’injustice fiscale en Tunisie. Le constat est sans équivoque : « le régime fiscal tunisien est en faveur du capital et des plus riches ». Dans son rapport l’ONG dresse le bilan des inégalités exacerbées par la crise du coronavirus en Tunisie et met en avant la réforme du système fiscal comme étant « une thérapie idoine » contre l’austérité et l’un des remèdes vitaux contre les inégalités en Tunisie. Le système fiscal tunisien a montré sa défaillance depuis longtemps.

En 2017, les 10% les plus riches détenaient plus de 40% du revenu national contre seulement 18% pour la moitié de la population la moins aisée. Selon le rapport les politiques d’austérité engagées en Tunisie notamment post-révolution et avec la bénédiction du FMI ont accentué la vulnérabilité de l’économie face aux chocs endogènes et exogènes. A quelque chose malheur est bon, la crise sanitaire du covid 19 a mis à nu la faiblesse et le fiasco du système fiscal mettant en avant l’inégalité dans la redistribution de la richesse nationale.

« Ces politiques d’austérité sont en contradiction avec le principe d’équité et de justice fiscale pourtant consacrés dans la Constitution de 2014 », souligne le rapport d’OXFAM.
Et d’ajouter : « En l’absence de mesures économiques fortes et immédiates, les inégalités risquent de se creuser encore plus.

Il s’agit dès lors de plaider pour des politiques fiscales permettant d’assurer l’universalité de services essentiels de qualité à l’ensemble des Tunisiens, tels que les services en matière de santé, d’éducation et de protection sociale ».

Plus de 700 mesures fiscales ont été adoptées depuis 2012.
Les politiques fiscales adoptées depuis la révolution n’ont fait que bloquer la croissance et l’investissement en Tunisie, creuser davantage l’inégalité fiscale et encourager l’évasion fiscale. Pour leur part les experts comptables n’ont cessé de tirer la soumettre d’alarme quant à l’envolée de la pression fiscale, une frénésie galopante dépassant les 33%.

« Les citoyens ne sont pas égaux face à l’impôt »
« Sous l’impulsion des politiques d’austérité encouragées en Tunisie par le Fonds Monétaire International (FMI), les parts des dépenses d’éducation et de santé dans le budget de l’Etat ont subi une forte baisse entre 2011 et 2019, passant respectivement de 26,6% à 17,7% pour l’éducation et de 6,6% à 5% pour la santé ». C’est ce qui explique la détérioration du système de santé et de la qualité médiocre des services publics.

Le rapport met en relief par ailleurs l’injustice fiscale observée entre salariés et entreprises ou encore entre l’IRPP (Impôts sur le revenu des personnes physiques) et l’IS (l’impôt sur les sociétés). « Les citoyens ne sont pas tous égaux face à l’impôt », stigmatisent les auteurs du rapport.

Chiffres à l’appui : « A partir de 2014, les recettes issues de l’impôt sur les sociétés ont connu une chute créant un écart conséquent avec les recettes issues de l’IRPP.

Les recettes fiscales issues de l’impôt sur le patrimoine, les dividendes et l’héritage sont encore plus faibles. L’impôt sur le patrimoine ne représente que 0,3% des de ces recettes.
L’ensemble de ces éléments confirment le biais du régime fiscal tunisien en faveur du capital et des plus riches ».

D’un autre côté les incitations fiscales et les dépenses fiscales qui pèsent sur le budget de l’Etat n’ont pas apporté l’utilité escomptée vainement pour accélérer le rythme de l’investissement productif et générer des emplois.

« Les entreprises tunisiennes bénéficient de nombreuses incitations fiscales et ne participent aujourd’hui qu’à hauteur de 11% à l’effort fiscal du pays. En effet, pendant les dix années précédant la révolution (2002-2011) la moyenne des incitations fiscales représentait 70% des recettes fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés.
De plus, le FMI estime que le coût des dépenses fiscales en 2016 avoisinait les 3% du PIB, ce qui est supérieur au budget de la santé publique (1.8% du PIB), et aux mesures exceptionnelles prise pour faire face au coronavirus qui constituent 1.8% du PIB ».

Un système fiscal qui concourt à l’évasion fiscale
Le système fiscal actuel accentue ainsi les inégalités et concourt à l’évasion fiscale et s’inscrit dans une dynamique de reproduction des inégalités existantes. « En effet, le conseiller du Premier Ministre précédent chargé de la réforme fiscale a déclaré que la fraude fiscale est estimée à 25 milliards de dinars, soit 24% du PIB. Il est estimé que dans un scénario où le gouvernement récupérerait 10% de ce montant, on pourrait augmenter le budget dédié à la santé de 116% (plus que le double); alors qu’une récupération de 25% du montant de cette fraude aurait permis au gouvernement d’augmenter les dépenses dédiées à la réponse coronavirus de près de 350% », rapporte le même document.

Les recommandations :
Un impôt progressif sur la fortune, annulation de la dette pour les années 2020-2021, stop aux incitations fiscales non productives Nonobstant, cet état des lieux catastrophique des inégalités et disparités fiscales, OXFAM demeure persuadée qu’il est possible de faire de la fiscalité tunisienne un véritable instrument de redistribution des richesses, notamment dans le contexte actuel de la pandémie et formule ses recommandations.

A court terme, l’ONG suggère l’instauration d’urgence d’un impôt progressif sur la fortune afin de dégager ses revenus à même de financer les besoins actuels de financement et l’annulation des paiements de la dette pour les années 2020-2021 auprès des institutions financières internationales.

S’agissant des mesures structurelles, l’organisation appelle à « tourner la page des politiques d’austérité et élaborer des propositions politiques alternatives plus justes, augmenter les dépenses publiques dans le secteur de la santé afin d’atteindre 5% du PIB et développer un système de protection sociale et universelle.

Pour ce qui est de la refonte du système fiscal, OXFAM encourage à mieux répartir l’effort fiscal entre les différents revenus et imposer davantage le patrimoine et le capital sous ses différentes formes, de diminuer le recours à l’imposition indirect (notamment le recours à la TVA), d’améliorer la récolte et la progressivité de l’impôt sur le revenu et de renforcer la lutte contre la fraude fiscale tout en mettant fin aux incitations fiscales non productives ».

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