Le Fonds monétaire international (FMI) a légèrement revu à la baisse mardi sa prévision de croissance économique mondiale pour 2023, la hausse des taux d’intérêt ralentissant l’activité, et a averti qu’une nouvelle série de turbulences dans le système financier pourrait conduire l’économie près d’une récession.
Dans son dernier rapport sur les perspectives de l’économie mondiale, le FMI observe que le risque d’un effet domino sur le système bancaire après la faillite de deux banques régionales américaines et le rachat forcé de Credit Suisse par son concurrent UBS a été contenu par des mesures politiques fortes.
Toutefois, les turbulences qui ont secoué le secteur en mars ont ajouté une couche supplémentaire d’incertitude dans un contexte d’inflation toujours élevée et de perturbations liées à la guerre en Ukraine.
« Avec la récente augmentation de la volatilité des marchés financiers, le brouillard autour des perspectives économiques mondiales s’est épaissi », a déclaré le FMI qui lance cette semaine avec la Banque mondiale sa réunion de printemps à Washington.
« L’incertitude est élevée et l’équilibre des risques s’est déplacé fermement vers le bas tant que le secteur financier reste instable ».
Le FMI prévoit désormais une croissance de l’économie mondiale de 2,8% en 2023 et de 3,0% pour 2024, soit un net ralentissement par rapport à la croissance de 3,4% enregistrée en 2022.
Le FMI tablait en janvier sur une croissance mondiale de 2,9% pour cette année.
Ce scénario moins optimiste est en partie dû aux performances plus faibles dans certaines grandes économies ainsi qu’aux attentes d’un nouveau resserrement monétaire pour lutter contre une inflation qui reste tenace.
Pour la zone euro, le FMI prévoit une croissance de 0,8% cette année, contre 0,7% précédemment, et de 1,4% en 2024.
Pour la France, le FMI prévoit toujours une croissance de 0,7% en 2023, mais celle de 2024 devrait ressortir à 1,3%, contre 1,6% attendu précédemment.
L’Allemagne devrait voir son économie se contracter de 0,1% en 2023, tandis que le Japon pourrait enregistrer une croissance de 1,3% au lieu de 1,8% prévu en janvier.
Le FMI a par ailleurs confirmé ses prévisions de croissance pour la Chine, à 5,2% en 2023 et à 4,5% en 2024.
Les perspectives pour les États-Unis se sont pour leur part légèrement améliorées, avec une prévision de croissance de 1,6% en 2023 contre 1,4% précédemment, grâce notamment à la bonne santé du marché du travail.
Le FMI a en outre relevé sa prévision d’inflation mondiale sous-jacente pour 2023 à 5,1%, contre 4,5% prévu en janvier, arguant que la hausse des prix n’a pas encore touché un pic dans de nombreux pays malgré le recul des prix de l’énergie et des denrées alimentaires.
« Notre conseil est que la politique monétaire reste axée sur la réduction de l’inflation », a déclaré l’économiste en chef du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.
Dans une interview accordée à Reuters, il a déclaré que les banques centrales ne devaient pas arrêter leur lutte contre l’inflation en raison des risques pour la stabilité financière, qui semblent « très contenus ».
SCÉNARIOS DE TURBULENCES BANCAIRES
Bien qu’une crise bancaire majeure ne figure pas dans les prévisions du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas estime qu’une détérioration significative des conditions financières « pourrait entraîner un ralentissement plus marqué et plus élevé ».
Le rapport du FMI comprend deux analyses montrant les impacts modérés et graves des turbulences financières sur la croissance mondiale.
Dans un scénario « plausible », les tensions sur les banques vulnérables – comme la Silicon Valley Bank et la Signature Bank, accablées par les pertes subies dans leur portefeuille d’obligations en raison du resserrement de la politique monétaire et dépendantes de dépôts non assurés – créent une situation dans laquelle « les conditions de financement de toutes les banques se resserrent, en raison d’une plus grande préoccupation pour la solvabilité des banques et les expositions potentielles dans l’ensemble du système financier », a déclaré le FMI.
Ce « resserrement modéré » des conditions financières pourrait réduire de 0,3 point de pourcentage la croissance mondiale pour 2023, la ramenant à 2,5%, estime le fonds.
L’institution de Washington a également inclus dans ses prévisions un scénario avec des impacts beaucoup plus larges des risques liés aux banques, entraînant de fortes réductions des prêts aux États-Unis et dans d’autres économies avancées, un recul important des dépenses des ménages et une fuite des fonds d’investissement vers les valeurs refuges libellées en dollars.
Dans ce scénario, qui pourrait réduire la croissance de 2023 à 1%, les économies émergentes seraient durement touchées par la baisse de la demande d’exportations, la dépréciation de la monnaie et une flambée des prix.
Selon le FMI, dans ce cas, l’impact négatif pourrait représenter environ un quart de celui de la crise financière de 2008-2009.
D’autres risques mis en évidence par le FMI comprennent une inflation persistante qui nécessite des hausses plus importantes des taux, une escalade de la guerre en Ukraine et des revers dans la reprise économique de la Chine après la pandémie de COVID-19, y compris une aggravation des difficultés dans son secteur immobilier.
RISQUE DU PRIX DU PÉTROLE
Les prévisions du FMI n’incluent pas l’impact de la récente réduction de la production de pétrole par les pays de l’OPEP+ qui a provoqué une flambée des prix du brut.
Elles se basent sur un prix mondial moyen du pétrole de 73 dollars le baril en 2023, bien en dessous des 84 dollars du prix du Brent mardi.
Pour 2028, le FMI prévoit désormais une croissance mondiale de 3%, sa prévision de croissance à cinq ans la plus basse depuis la première publication de son rapport sur les perspectives économiques mondiales en 1990.
Cela reflète un ralentissement naturel de la croissance à mesure que certaines économies émergentes arrivent à maturité, mais aussi une croissance plus lente de la population active et la fragmentation de l’économie mondiale selon des lignes géopolitiques, marquées par les tensions entre les États-Unis et la Chine et par la guerre en Ukraine.