Le nouveau décret-loi relatif à l’amélioration de l’efficacité de la réalisation des projets publics et privés, publié dans le JORT, le 21 octobre 2022, « est une loi transversale qui régit l’investissement et vise à regagner la confiance de l’investisseur et des acteurs économiques », a indiqué le Président du Comité général des équilibres globaux et des statistiques, au ministère de l’Economie et de la planification, Lotfi Fradi.
Fradi qui a donné, dans un entretien accordé à l’agence TAP, un éclairage sur le nouveau décret-loi, a fait savoir que « l’Etat tunisien est prédisposé à instaurer toutes les réformes possibles pour créer un climat favorable à l’investissement ».
« Dans un souci d’accélérer l’exécution des projets de développement, les décrets d’application seront prêts, d’ici un mois », a-t-il annoncé, soulignant que la nouvelle règlementation cible directement les obstacles d’investissement ainsi que les failles détectées dans certaines lois tunisiennes régissant les projets publics et privés.
Il s’agit surtout de manque de souplesse pour booster l’investissement notamment, au niveau du système des marchés publics, des problèmes de changement de vocation des terres, des autorisations requises pour certains projets et activités ( énergies renouvelables), et des difficultés de traitement avec l’administration pour les investisseurs étrangers.
Ces barrières sont à l’origine d’une baisse du taux d’investissement global, qui est passé de 24% du Produit intérieur brut (PIB) avant la révolution à 18% actuellement et partant d’une hausse du taux de chômage, une faible croissance économique et une détérioration de la compétitivité de l’économie tunisienne, estime Fradi.
Accélérer la réalisation des projets publics et donner priorité aux opérateurs tunisiens
Le décret-loi du 19 octobre 2022 prévoit la création d’une Commission supérieure pour l’accélération de la réalisation des projets publics, présidée par le Chef du Gouvernement ou celui qui le supplée. Elle est chargée d’identifier des solutions pour accélérer la réalisation des projets publics et décider des mesures permettant de surmonter les problènes rencontrés.
Dans ce cadre, il est prévu de réduire les délais à travers la formule « clé en main » pour certains grands projets complexes et d’accorder la priorité aux entreprises tunisiennes dans les marchés publics, indique Lotfi Fradi.
Concrètement, cette formule prévoit qu’un seul promoteur réalise un marché public ( conception d’un projet, élaboration des études et exécution des travaux …) tout en garantissant son efficacité.
Aussi, pour éviter les problèmes d’encombrement du système d’achat en ligne « TUNEPS », qui arrive parfois à saturation technique, il est désormais possible de soumettre une partie de l’offre par voie postale, ou par rapide poste ou en la déposant directement au bureau d’ordre de l’acheteur public.
Toujours dans l’optique d’allégement des délais, le contrôle préalable des commissions de contrôle des marchés publics n’est plus exigé et seul un contrôle des bailleurs du fonds sont requis pour les marchés publics financés par les organismes et institutions de financement extérieurs.
Une priorité est donnée, en vertu du décret-loi, aux opérateurs tunisiens concernant les offres de marchés publics (études, travaux et biens et services). Ceux-ci peuvent remporter ces marchés au lieu d’opérateurs étrangers, si la différence de l’offre entre les deux, ne dépasse pas 20% et que l’offre soit de même qualité.
Une avance variant entre 10% et 20% est déciassée pour renforcer les liquidités des entreprises retenues pour l’exécution des marchés de travaux, des études et de fourniture de biens et services.
Mesures ciblant les investisseurs étrangers
La part de l’investissement étranger dans le secteur de l’agriculture ne dépasse pas 2% en Tunisie. A cet effet, le nouveau cadre règlementaire prévoit une simplification des procédures pour booster l’investissement étranger dans le secteur agricole.
Ainsi, toute société constituée conformément à la législation tunisienne en vigueur et ayant son siège principal en Tunisie, est considérée de nationalité tunisienne et a donc la possibilité d’exploiter des terres agricoles.
« L’objectif est de permettre à l’investisseur étranger d’apporter une valeur ajoutée à l’agriculture tunisienne à travers des projets modèles et en y introduisant davantage une composante technologie et recherche scientifique qui devient un facteur déterminant », explique Fradi.
Les investisseurs étrangers sont aussi autorisés désormais à s’approprier des logements en vertu de l’article 29 du décret loi. La finalité est de leur permettre de bien gérer leurs projets. Les prix et les conditions d’appropriation de ces logements seront fixés ensuite par des décrets d’application. Il est toutefois exigé que l’achat du logement soit auprès d’un promoteur immobilier et payé en devise.
L’article 35 du décret-loi stipule que les investisseurs étrangers peuvent obtenir une carte de séjour d’une durée de 5 ans suite à la déclaration d’investissement auprès des structures d’investissement nationales et le dépôt de la fiche d’investissement auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Cette carte de séjour peut être renouvelée pour la même durée en cas de poursuite de l’investissement.
Elle est également accordée pour une durée de 10 ans renouvelable sous certaines conditions à fixer par décret.
Incitations pour la création de zones de libre échange
Pour répondre aux demandes de création de zones de libre échanges dans plusieurs régions dont Le Kef, Kasserine, et Tozeur, l’article 33 de cette loi stipule que les promoteurs des zones franches commerciales exerçant, conformément à la législation y afférente, bénéficient d’incitations financières et fiscales, prévues par la loi portant loi de l’investissement ( loi n° 2016-71 du 30 septembre 2016).
Dans le volet du commerce extérieur et pour assurer la transparence et contrer les pratiques de commerce illicite, un Organe de défense commerciale sera créé auprès du Ministère du commerce en vertu de l’article 34. Il sera chargé d’enquêter sur le dumping et la subvention alléguée et de faire la recherche et la vérification de toutes informations obtenues auprès des importateurs, commerçants, producteurs, exportateurs étrangers, associations et organismes intéressés.
L’objectif de cette mesure est de lutter contre les pratiques contradictoires du commerce extérieur, les importations non respectueuses des normes internationales et de préserver l’intérêt du pays.