Dans un entretien accordé à l’agence TAP, suite à la désignation de Najla Bouden, en tant que Cheffe de gouvernement, par le président de la République, Kais Saied, l’expert a étayé son analyse en s’appuyant sur cette nouvelle nomination qui pourrait envoyer un signal de confiance envers les marchés financiers, les bailleurs de fonds et les institutions financières internationales.
Il n’en demeure pas moins, a-t-il dit, que la hausse du coût de couverture du risque de défaut des obligations souveraines aura un impact négatif sur les finances publiques de la Tunisie et sur son économie d’une manière générale, dans un contexte marqué par le tarissement des ressources étrangères (en devises).
Recourir à l’emprunt sur le marché local pour faire faire face à la baisse des avoirs nets en devises n’est pas la solution adéquate, d’autant que les ressources en devises sur ce marché restent limitées, a-t-il indiqué. Cela nécessite, a-t-il dit, de chercher d’autres alternatives.
Pour l’expert, ce processus a ses limites et ses inconvénients. D’abord, les réserves en devises sont limitées en volume et in fine, la Tunisie doit trouver des devises pour financer des dépenses en devises.
En effet, le déficit budgétaire de l’État est composé d’une partie en dinars et d’une partie en devises. La partie en dinars est toujours gérable, selon Hadidane « même par magie », et des solutions peuvent in extrémis être trouvées (au prix cher de l’inflation et de l’effet d’éviction), alors que la partie du déficit en devises ne peut être financée qu’en devises.
« On ne peut pas imprimer des devises pour acheter du pétrole ou des céréales ou pour honorer le service de la dette extérieure », souligne Hadidane, ajoutant que si la Tunisie s’est débrouillée jusque-là pour trouver des fonds en dinars, l’étape qui va venir sera beaucoup plus difficile et dangereuse, et sera l’occasion malheureusement, pour tous les Tunisiens de se rendre compte réellement de la crise actuelle.
L’expert a rappelé, par ailleurs, que le budget de l’État pour l’année 2021 a été élaboré sur l’espérance de lever l’équivalent de 13 milliards de dinars d’emprunts extérieurs dont 6,56 milliards de dinars sur les marchés financiers internationaux et 760 millions de dinars auprès du Fonds Monétaire International( FMI).
Les dispositions exceptionnelles décrétées, le 25 juillet dernier, par le président de la République, Kais Saied, se sont répercutées sur les relations financières de la Tunisie avec l’étranger.
A en croire la plateforme électronique internationale, Tradeweb, l’obligation tunisienne d’échéance 2024, émise par la Banque Centrale de Tunisie (pour le compte du gouvernement), a glissé de près de 1 cent, le 28 septembre 2021, pour s’échanger à 83,535 cents en euros, ce qui dénote une certaine dégradation de la situation économique dans le pays.
D’après l’expert, le coût de couverture du risque de défaut des obligations souveraines (CDS à cinq ans) a bondi de 840 points de base, à la date du 28 septembre 2021, soit hausse de 22 points de base par rapport à la clôture de lundi (27 septembre 2021).
Sur le marché financier international, le coût de couverture du risque, exigé par les investisseurs sur les obligations américaines elles-mêmes (de même échéance) est de 12,7 points de base. Ce coût est de 20,4 points de base pour les obligations françaises, 76,2 points de base sur les obligations 5 ans de la Grèce, 73,6 pour l’Italie, 19,3 pour les obligations japonaise, 9,3 pour l’Allemagne et le meilleur taux au monde celui pratiqué sur les obligations de la Suède : 9,1 points de base.
Toujours selon Hadidane, les dettes extérieures représentent 60,9 milliards de dinars de l’ensemble de ses dettes estimées à 99 milliards de dinars.
//La formation du gouvernement est une lueur d’espoir et un message
Hadidane a souligné que l’annonce par la Présidence de la République de charger un nouveau président du gouvernement aura un impact positif sur les bailleurs de fonds internationaux et les institutions et organismes internationaux, améliorant ainsi leur vision de la Tunisie et restaurant le facteur de confiance.
Il a fait remarquer que la formation du gouvernement devra donner un nouvel élan aux négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), rappelant que les négociations déjà engagées par le gouvernement de Méchechi n’ont pas abouties.
Un montant de 760 Millions de dinars devra être mobilisé, et ce, conformément au budget de l’Etat pour l’exercice 2021, a-t-il encore rappelé.
Hadidane a noté que les négociations avec le FMI pourraient déboucher sur un nouvel accord financier, qui aura un impact auprès des autres bailleurs de fonds, notamment, à travers des financements dans le cadre de relations multilatérales et bilatérales. Pour l’expert, des craintes ont freiné la mobilisation de financements auprès de certains pays, au cours de la période précédente.
L’expert a estimé que la nomination de Najla Bouden, en tant que Cheffe de gouvernement coïncide avec plusieurs autres facteurs qui pourraient jouer un rôle positif, citant la phase de maîtrise de la pandémie de Covid-19, suite à la vaccination de plus de 3 millions de personnes, ce qui permettra de relancer le secteur du tourisme, pourvoyeur de devises.
La Tunisie peut tirer profit de la hausse des prix du gaz naturel au niveau international compte tenu de l’augmentation des capacités de production de gaz naturel, ce qui réduira le coût d’importation du gaz en s’appuyant sur la production locale.
Le président de la République Kaïs Saïed a chargé, mercredi, Najla Bouden Romdhane de la formation du gouvernement dans les plus brefs délais, conformément au décret-loi 117 de 2021 en date du 22 septembre 2021 (article 16) relatif aux mesures exceptionnelles.
Le chef de l’Etat n’a pas manqué de rappeler que c’est pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie qu’une femme occupe ce poste. « C’est un moment historique, un honneur pour la Tunisie et un hommage à la femme tunisienne ». Un poste que Najla Bouden occupera « jusqu’à la fin des mesures exceptionnelles », a-t-il précisé. « Nous œuvrerons, avec une ferme détermination, à combattre la corruption et à lutter contre l’anarchie qui règne dans plusieurs institutions », a-t-il dit. Kaïs Saïed a insisté sur la nécessité de hâter la formation du gouvernement « dans les heures ou les jours qui viennent » pour se pencher, sans plus tarder, sur la lutte contre la corruption. Une équipe qui doit s’activer pour répondre aux aspirations des Tunisiens et à leur droit à la santé, l’éducation, le transport et la dignité.
Jena/mba/Ghada