« L’annulation des permis de recherche d’hydrocarbures « Sud Remada » et « Jenein Centre » détenus par la société « ATOG Sahara Limited » s’est faite dans le respect de la loi. Les pertes qui y sont liées sont limitées, il n’y a pas d’impact à craindre sur l’image du secteur ou du pays », estime l’ancien ministre de l’Énergie, des Mines et de la Transition énergétique, Mongi Marzouk.
L’annulation des permis de recherche d’hydrocarbures « Sud Remada » et « Jenein Centre » détenus par la société « ATOG Sahara Limited » soulève plus d’une interrogation sur les critères et l’approche retenus pour l’octroi de ces permis en Tunisie. Que pensez-vous de cette approche ?
Mongi Marzouk: Plusieurs propositions sont souvent avancées pour réviser l’approche d’octroi des permis dans le secteur des hydrocarbures en Tunisie, parmi lesquelles l’adoption d’un système d’appels d’offres concurrentiels et la révision des critères d’octroi des permis. Mais je pense que c’est la demande sur le marché tunisien qui devrait dicter l’approche à retenir.
Selon plusieurs observateurs, cette annulation est synonyme de pertes financières importantes pour la Tunisie. Est-ce bien le cas ? Et pourrait-elle impacter l’image du secteur énergétique tunisien et la confiance des investisseurs ?
Mongi Marzouk: L’annulation concerne uniquement, les permis de recherche et non pas les concessions d’exploitation. Les pertes sont ainsi, limitées aux engagements de recherche non respectés par la société « ATOG Sahara Limited » et au manque à gagner en matière de recherche et de prospection. Il ne s’agit pas de pertes en matière de production.
De plus, selon les arrêtés de la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie relatifs à l’annulation des permis en question, des indemnités compensatrices ont été infligées à la compagnie en question pour couvrir les pertes.
Je ne comprends donc pas ceux qui évoquent des pertes colossales pour l’Etat tunisien d’autant plus que les concessions d’exploitation attribuées à cette compagnie sont à peu prés de l’ordre de 2% de la production nationale, donc même si elle va quitter le pays, elle va être facilement remplacée.
D’autre part, je ne pense pas que cette annulation puisse impacter l’image du secteur ou du pays, étant donné qu’elle a été effectuée dans le respect total des lois en vigueur à travers les procédures engagées durant plus d’une année par le Comité consultatif des hydrocarbures (CCH).
Que pensez-vous de la gouvernance du secteur énergétique en Tunisie d’une manière générale et quelles sont vos propositions pour l’améliorer ?
Mongi Marzouk: Réformer la gouvernance du secteur énergétique requiert une série de mesures. Une étude est, à cet effet, en cours d’élaboration par le ministère de tutelle. Je pense que ces réformes devraient toucher aux cadres juridique et réglementaire, à l’investissement dans le secteur, à la contribution du secteur privé, à la transition énergétique vers une énergie propre, à la maîtrise de l’énergie et à la construction d’un réseau électrique moderne et intégré régionalement.
Ces réformes devraient également, apporter une révision de l’organisation institutionnelle, des missions et des modes opératoires des institutions du secteur telles le CCH, l’Entreprise Tunisienne d’Activités Pétrolières (ETAP), la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR), la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), la Société nationale de distribution des pétroles (AGIL), l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME)…
Il faudrait également, envisager la création de nouvelles institutions dont une Instance régulatrice de l’électricité (ou de l’énergie d’une manière générale), une Agence des hydrocarbures à laquelle on doit transférer certaines missions de l’ETAP pour que cette dernière se concentre sur l’exploitation, une Agence dédiée aux énergies renouvelables et un Centre spécialisé dans la recherche et le développement.
Pour améliorer la transparence du secteur énergétique, il faudrait aussi, mettre en place une plateforme numérique dédiée au secteur énergétique qui fournit aux décideurs politiques, aux investisseurs, aux chercheurs, aux journalistes, aux citoyens et à tous les acteurs du secteur toutes les données relatives à l’énergie en Tunisie ( lois, institutions, études, projets, ressources énergétiques, consommation, transformation….) .
Pour rappel les permis de recherche d’hydrocarbures « Sud Remada » et « Jenein Centre » (Gouvernorat de Tataouine) détenus par l’Entreprise Tunisienne d’Activités Pétrolières (ETAP) et la société « ATOG Sahara Limited » sont annulés, à compter du 20 août 2021, sur décision du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, pour cause de non respect de la société « ATOG » de ses engagements envers l’Etat tunisien.
Les arrêtés de la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie du 27 octobre 2021, portant annulation de ces deux permis ont été publiés dans le Journal officiel de la République tunisienne (JORT) du 23 novembre 2021.