« Trois faits importants ont marqué le cours des événements en Tunisie, à savoir l’arrêt de la production du phosphate et la paralysie de toutes les activités qui en dépendent, l’effondrement du secteur de l’énergie et les coups portés au tourisme par les attentats terroristes : il s’agit de trois secteurs sinistrés », a déclaré vendredi Mustapha Kamel Nabli, ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
« La crise économique et sociale que traverse le pays plonge ses racines dans un échec politique patent », a déclaré M. Nabli en marge d’un débat portant sur son essai « J’y crois toujours, au-delà de la débâcle… une Tunisie démocratique et prospère ».
Selon lui, « l’explication de cet échec réside d’abord dans la nature de la jeune démocratie qui a mis au pouvoir des personnes inexpérimentées, non préparées pour gérer une économie en transition (…) certes, les observateurs étrangers font remarquer que le pays a relativement bien réussi sa transition démocratique, mais on ne peut pas réussir sur un seul plan et échouer dans les domaines économique et social, car les deux sont étroitement liées ».
L’année 2013, a-t-il rappelé, « a marqué un tournant pour le pays, c’est à partir de cette date, que la Tunisie est entrée dans le cycle infernal de l’endettement, notamment en recourant au FMI : un signe annonciateur d’une crise financière inévitable ».
En 2014, a encore fait remarquer l’ex-gouverneur de la BCT, « la situation s’est encore détériorée à cause des attentats politiques et d’une vive tension sociale ».
« Chaque équipe au pouvoir, en Tunisie, a cherché à résoudre les problèmes économiques et sociaux à travers le recours à des solutions techniques inappropriées relevant du populisme et du souci de sauvegarder des intérêts personnels, alors que la solution doit être fondamentalement politique », a déploré M. Nabli.
L’ex-responsable tunisien a évoqué un éventuel « scénario miracle » qui, selon lui, verrait le peuple accepter les sacrifices nécessaires au sauvetage du pays, encouragé en cela par l’exemple de tous, élite comprise.
M. Nabli s’est toutefois affiché optimiste en estimant que « 2019, année des élections présidentielle et législatives, ne marquera pas la fin de la crise (…) dans le meilleur des cas, c’est avec l’année 2020, que nous pourrons espérer une prise de conscience de la gravité de la situation qui débouchera sur le déclenchement d’une dynamique de réformes sérieuses pour sortir de l’abîme ».
« La solution reste globale, elle nécessite d’abord, le bon diagnostic, et ensuite une détermination politique pour instaurer les réformes nécessaires aussi bien au niveau de la gouvernance politique qu’au niveau économique », a conclu l’ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie.