Pays-Bas : Une croissance robuste après les réformes
L’économie néerlandaise connaît un net redressement, une évolution de bon augure pour la nouvelle coalition quadripartite de centre-droit arrivée au pouvoir fin octobre. Le gouvernement a décidé de maintenir un léger excédent budgétaire. Les ménages comme les entreprises vont bénéficier d’importantes réductions fiscales. Concernant l’Europe, le gouvernement souhaite le retour aux règles strictes du traité de Maastricht. La croissance devrait rester forte dans les prochaines années mais la production pourrait être confrontée à des goulets d’étranglement. Il faut donc s’attendre à une hausse plus rapide des salaires tandis que l’inflation pourrait atteindre 2 %.
■ Forte croissance en 2017
En 2017, l’économie néerlandaise a crû de 3,3 %, un record depuis 2007. L’économie tourne à un niveau proche de son potentiel. En octobre, l’utilisation des capacités dans le secteur manufacturier s’inscrivait à 83,1 %, la valeur la plus élevée depuis le sommet atteint en 2007. De plus, le taux de chômage a reculé à 4,4 %, niveau inédit depuis juin 2009. La reprise est générale, la consommation privée, l’investissement et le commerce extérieur représentant une contribution d’environ 1 point de pourcentage à la croissance du PIB. La consommation privée a augmenté d’environ 2,3 % en 2017. Le rebond des dépenses de consommation est en partie lié au redressement des prix de l’immobilier. Ceux-ci se situent à présent à un niveau proche du pic atteint avant la crise. Ainsi, le problème des prêts hypothécaires « sous l’eau » s’est-il atténué : en 2017, le pourcentage de propriétaires dont la valeur du logement était inférieure à l’encours du prêt a reculé à 20 % contre près de 40 % en 2013.
L’investissement est en grande partie tiré par le secteur de la construction, lui-même stimulé par la hausse des prix de l’immobilier et des conditions de financement favorables. L’investissement dans le logement a augmenté de plus de 10 % en 2017, après une hausse de près de 20 % en 2016. De plus, l’investissement dans les machines-outils et les équipements se redresse, de nombreuses entreprises faisant état de pénuries de capacités. Enfin, les exportateurs ont bénéficié du rebond du commerce mondial. Les salaires ne réagissent que très lentement à l’amélioration du climat économique, car de nombreuses conventions collectives sont conclues pour plusieurs années. De plus, les syndicats pourraient avoir perdu une partie de leur pouvoir de négociation du fait de la flexibilité accrue du marché du travail et de la part grandissante du temps partiel et des contrats atypiques. Enfin, les tensions sur le marché du travail ne sont pas uniformes. Le chômage concerne principalement les travailleurs faiblement qualifiés. Dans le secteur privé, les augmentations issues des conventions collectives se sont établies à 1,5 % à peine en 2017, soit un peu moins qu’en 2016 (1,6 %).
■ La coalition de centre-droit démarre sur de bonnes bases
A la fin du mois d’octobre, après plus de six mois de négociations, le Premier ministre sortant, Mark Rutte, a réussi à constituer une coalition quadripartite de centre-droit, autour des libéraux et des chrétiens-démocrates. Le nouveau gouvernement poursuit une politique budgétaire prudente, et cible un léger excédent budgétaire de 0,6 % du PIB pour disposer d’une marge de manœuvre budgétaire permettant de stabiliser la croissance en cas de repli conjoncturel.
Les impôts baisseront de EUR 5 mds (0,7 % du PIB), dont EUR 2,3 mds pour les ménages, qui bénéficieront de la réduction de l’impôt sur le revenu. De plus, l’impôt sur la fortune sera abaissé en alignant le rendement imputé sur les rendements du marché et en relevant le seuil d’imposition à EUR 30 000. Quant au taux d’imposition des entreprises, il diminuera progressivement, passant de 25 % à 21 % en 2021 (et de 20 % à 16 % pour les bénéfices inférieurs à EUR 200 000). Par ailleurs, la taxation des dividendes sera abolie afin d’encourager les investissements étrangers dans les entreprises néerlandaises. Ces mesures seront en partie financées par un relèvement du taux réduit de la TVA, de 6 % à 9 %, par l’« écologisation » du régime fiscal et par l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Concernant le marché du travail, le nouveau gouvernement veut assouplir la législation sur la protection de l’emploi en contrepartie d’une hausse des indemnités de licenciement. Pour limiter le recours aux agences d’intérim, les travailleurs comptabilisés dans les effectifs de ces dernières devront bénéficier de conditions similaires à celles des salariés permanents dans les entreprises qui les recrutent. De plus, le statut des « indépendants » (zzp) sera amélioré : le tarif horaire minimum sera augmenté et fixé entre EUR 15 et EUR 18.
L’accord de coalition souligne l’importance de l’Europe pour les Pays-Bas en matière de paix, de sécurité et de protection sociale. Aussi, l’amélioration du fonctionnement de l’Union monétaire revêtelle la plus haute importance pour la nouvelle équipe au pouvoir. Le gouvernement attribue la crise de l’euro au non-respect des règles budgétaires fixées par le traité de Maastricht. La solution serait de revenir à des règles budgétaires transparentes, simplifiées et appliquées de manière plus indépendante. L’accès aux fonds structurels et de cohésion actuels pourrait permettre de parvenir à un plus grand respect des recommandations spécifiques par pays et des exigences du Pacte de stabilité et de croissance. Le nouveau gouvernement souhaite que la clause de non-renflouement soit rétablie et appliquée de manière crédible. Le gouvernement est opposé au financement commun de la dette publique (Eurobonds) car il craint que cela ne conduise à une union
de transfert. Il est, par ailleurs, hostile à une politique budgétaire commune au niveau de l’UEM pour faire face aux chocs économiques. Enfin, s’il est partisan d’une Union bancaire, il n’est pas favorable à une garantie des dépôts à l’échelle européenne dès lors que le secteur bancaire n’est pas en bonne santé dans tous les Etats membres. Il souhaiterait, en outre, une meilleure pondération du risque des obligations d’Etat dans les bilans des banques.
Le gouvernement Rutte III arrive au pouvoir à un moment propice : l’économie s’est largement redressée depuis la Grande récession et les finances publiques ont été assainies. La coalition, constituée de quatre partis, fait, cependant, face à un défi de taille car elle ne dispose que d’une courte majorité au Parlement.
■ Des contraintes de capacité apparaissent
Au début de 2018, tous les indicateurs conjoncturels sont bien orientés grâce à une forte demande intérieure et extérieure. Le traceur conjoncturel de l’Office central de la statistique (CBS) a de nouveau grimpé en janvier, pour atteindre 1,4, un niveau proche de son pic historique atteint en mars-avril 2008.
La croissance du PIB devrait progresser de 2,3 % en 2018, portée en particulier par la robustesse de la demande intérieure. Les réductions d’impôt, ajoutées à de généreuses revalorisations, vont probablement stimuler la consommation privée. Dans un premier temps, l’investissement devrait rester soutenu, l’utilisation des capacités ayant atteint des niveaux record. De plus, l’activité dans le secteur de la construction continue de bénéficier de conditions de financement favorables, d’une solide demande de logements et de la baisse des taux de vacance dans l’immobilier commercial.
Cependant, l’économie va être de plus en plus confrontée à des contraintes. Des goulets d’étranglement sont apparus dans la production manufacturière et les tensions se renforcent sur le marché du travail. Le principal syndicat FNV a déjà annoncé des revendications d’augmentations salariales d’au moins 3,5 % pour 2018. La hausse des salaires va également faire grimper les prix à la consommation. L’inflation devrait atteindre 2 % dans les trimestres à venir, en partie en raison de la hausse de la TVA.
Conséquence, les coûts de production vont augmenter, ce qui aura pour effet de compromettre la compétitivité et de réduire les marges bénéficiaires. De plus, le commerce mondial devrait, selon les prévisions, marquer le pas en 2019. La contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB va probablement diminuer et l’excédent substantiel des comptes courants, proche de 9 % du PIB, est appelé à diminuer.
Raymond Van der Putten