L’économie tunisienne doit remettre en œuvre deux fondamentaux: l’investissement et l’exportation, pour retrouver le chemin de la production et de la création de valeur, c’est ce qui ressort du rapport trimestriel de l’agence de notation « PBR Rating » sur le « Suivi des risques macroéconomiques et sectoriels en Tunisie » publié mercredi.
La publication de ce rapport, s’inscrit dans le cadre d’une analyse prospective sectorielle au profit des établissements financiers, effectuée par PBR Rating, sur demande du Conseil Bancaire et Financier (CBF). Ce rapport présente le diagnostic macroéconomique de l’exercice 2022 et expose les perspectives d’évolution des différents secteurs d’activités sur les prochains mois.
Dans le cadre de ce rapport, PBR Rating a exposé les signaux d’alertes relatifs à la destructuration continue des équilibres macroéconomiques en matière d’offre et de demande. En effet, l’économie tunisienne souffre de plus en plus d’une défaillance en matière d’offre et de production due, notamment, à l’augmentation des facteurs de production, l’accroissement des coûts de l’investissement (et les difficultés opérationnelles de son exécution et de sa mise en place), la dégradation de la compétitivité internationale et les limites du marché national (volume et capacité/pouvoir d’achat), entre autres.
Ainsi, outre l’efficience de la gestion des finances publiques, les réformes structurelles à entreprendre par la Tunisie, doivent être orientées vers la simplification, l’encouragement et le développement de l’investissement (local et étranger), ainsi que vers la protection, l’accompagnement et l’incitation à l’exportation, notamment dans les activités industrielles manufacturières. A cet effet, le solde de la balance commerciale doit être l’un des principaux indicateurs de conduite de la politique macroéconomique du pays sur les prochains mois et exercices.
PBR Rating estime, par ailleurs, que le climat des affaires privé actuel ainsi que la situation financière de l’Etat central ne permettent pas d’envisager une reprise économique pérenne et significative sans réformes structurelles majeures (outre les mesures de gestion des finances publiques convenues avec le FMI et dont les premiers effets sont perceptibles dans la LF2023). Des réformes structurelles, dont la complexité, d’une part, et l’adhésion qu’elle nécessite, d’autre part, supposent un cheminement multidimensionnel sur le moyen et le long termes.
// Une croissance inférieure à 2% et une inflation supérieure à 11,3% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2023
Sur la sphère macroéconomique, PBR Rating a passé en revue les grands agrégats (croissance, déficit budgétaire, déficit commercial, endettement, chômage, etc.), afin d’apporter une analyse quantitative de l’exercice 2022 et de présenter les évolutions à venir sur l’année charnière 2023.
Il en ressort, que la Tunisie verra sa croissance diminuer sous la barre des 2% (glissement annuel) avec une inflation supérieure à 11,3% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2023 (avec atténuation potentielle à partir du T2 2024) et un double déficit (budgétaire et balance de paiement). Le déficit en termes de commerce extérieur, sera le plus grand défi de l’exercice 2023 (avec une pointe estimée à -27 milliards de dinars en fin d’année).
PBR Rating souligne par ailleurs, que l’endettement et la mobilisation des ressources extérieures sera, également, un défi de taille pour les finances publiques ; la LF2023 ayant prévu des volumes d’emprunts extérieurs et intérieurs estimés respectivement à 14,8 milliards de dinars et 9,5 milliards de dinars.
Outre la difficulté de recourir aux marchés financiers internationaux (le coût du risque sur l’actif souverain tunisien étant trop important sur les exercices 2023-2024), l’Etat central fait face à un triple défi pour la collecte des ressources nécessaires à l’exécution de son budget 2023 : Le niveau d’endettement global et la soutenabilité générale de la dette publique post-financement 2023 ; les importantes échéances de remboursement propres à l’exercice 2023 ; les capacités réelles du marché local et les distorsions en matière de liquidités induites par des interventions intensives de l’Etat.
// Analyse sectorielle
PBR Rating a, en outre, mis en exergue les potentialités du tissu économique tunisien à travers un focus sur un ensemble de facteurs clés pour chaque domaine d’activité.
S’agissant de l’agriculture (10% du PIB estimé en 2023), l’agence considère que l’autonomie et l’indépendance du pays en termes de denrées agricoles doit être une priorité nationale à travers le support direct de la production, la mise en place d’une nouvelle carte agricole (tenant compte à la fois des impacts du changement climatique et des besoins en matière d’exportation), la mécanisation et l’efficience de la production…
Par ailleurs, l’activité agricole reste une clé pour la gestion de l’inflation et pour la compétitivité d’un certain nombre de chaînes de valeurs de l’économie tunisienne. Il est à rappeler, dans ce cadre, que le déficit estimé de la balance commerciale alimentaire devrait atteindre 2,9 milliards de dinars en 2022 (représentant un taux de couverture de 64%).
Pour ce qui est des industries non manufacturières (12% du PIB estimé en 2023), le rapport souligne que les filières des industries non manufacturières représentent le plus important coût d’inaction de l’ensemble de l’économie tunisienne. L’incapacité chronique en termes d’extraction et de commercialisation des richesses nationales, a un impact direct sur la balance commerciale, les déficits énergétiques, les réserves de change, l’inflation, etc., ainsi que sur les potentielles activités de transformation industrielle à forte valeur ajoutée qui pourraient en découler.
Concernant les industries manufacturières (17% du PIB estimé en 2023), PBR Rating estime que l’industrie représente le potentiel le plus important pour une croissance stable et pérenne pour les prochaines décennies. La modélisation des opportunités sur les marchés internationaux et les capacités à court et à moyen termes de la production locale font que des filières telles que celles des industries mécaniques et électriques, le textile, la production chimique et pharmaceutique, sont des leviers de création de valeur à consolider et à soutenir pour la viabilité de l’économie et de la cohésion sociale en Tunisie.
Une politique d’industrialisation doit être mise en place sur les mêmes orientations économiques présentées plus haut (investissement et exportation) et doit fondamentalement accaparer un volume majoritaire de tout effort d’endettement national à partir des exercices 2023-2024.
Les services marchands (40% du PIB estimé en 2023), premier domaine d’activité de l’économie tunisienne, restent selon l’agence, une locomotive pour la création de valeur, l’emploi et la régulation des réserves de devises. Les défis de transformation et de pérennisation qui se présentent devant une majeure partie des activités du pôle tertiaire tunisien (tourisme, santé, activités financières, transport et logistique, activités numériques, etc.) représentent des opportunités de mutation et de mise à niveau capables d’assurer 1,5% à 2% de croissance en plus pour l’économie nationale sur les 5 prochaines années.
Pour rappel l’agence de Notation financière PBR Rating, initiée et parrainée par le Conseil Bancaire et Financier (anciennement appelé Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers), a vu le jour en mai 2018. L’agence a pour vocation le déploiement et la diffusion de solutions de notations financières et extra-financières ainsi que la publication d’études et de recherches économiques contribuant à la transparence et à l’efficience de l’information financière pour l’ensemble des intervenants économiques, nationaux ou internationaux sur le marché tunisien.