L’inflation est un phénomène macroéconomique important nécessitant un suivi particulier par les investisseurs. En effet, l’inflation impacte directement les taux d’intérêts puisque la mission principale de la BCT est d’assurer la stabilité des prix . Une tendance haussière de l’inflation oblige la Banque Centrale à relever le taux d’intérêts directeur imposant une politique monétaire restrictive visant à réduire la création monétaire. De l’autre côté, une tendance baissière de l’inflation peut inciter la Banque Centrale à baisser son taux directeur et donc adopter une politique monétaire expansive. Ainsi, l’analyse des facteurs qui influencent l’inflation et la prévision de son niveau sur les prochains mois est une étape cruciale dans le processus d’investissement.
Il est donc nécessaire non seulement de suivre l’évolution de l’inflation dans le temps mais aussi de comprendre sa composition et les facteurs déterminants pour pouvoir anticiper son évolution future.
L’inflation est mesurée essentiellement par l’Indice des Prix à la Consommation IPC. Cet indice composé d’un panier de produits choisis comme référence de la consommation ménagère d’un pays. L’évolution des prix de ce panier de biens et services détermine l’évolution de l’indice de chaque ensemble de produits ou services. Une pondération est par la suite affectée à chaque ensemble pour déterminer l’indice global qui lui mesure l’inflation totale.
Dans l’analyse de l’inflation, il est important de distinguer entre l’inflation totale et l’inflation sous-jacente ou « core inflation ». Cette dernière est l’élément le plus important à suivre par les banques centrales car l’inflation sous-jacente est la plus sensible à la variation de l’offre de monnaie. L’inflation sous-jacente est déterminée en neutralisant l’effet des prix des aliments frais « food » et du carburant « fuel » car ces derniers peuvent dépendre d’éléments exogènes tels que le prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux et les conditions météorologiques. En Tunisie, le panier des produits à prix administrés tels que le tabac sont aussi éliminés pour analyser l’inflation sous-jacente car, également, le prix de ces produits et services ne dépend pas de l’offre de la monnaie.
Depuis l’année 2017, l’inflation en Tunisie a suivi une tendance haussière où l’inflation sous-jacente était le principal élément tirant à la hausse. Cette dernière a enregistré un pic de 8,2% en décembre 2018, ce qui a amené la BCT à hisser le taux directeur de 100pb à 7,75% en janvier 2019 malgré la tendance apparente de stagnation de l’inflation totale. Cette politique monétaire restrictive a contribué à la baisse relative de l’inflation atteignant une moyenne annuelle de 5,6% en 2020.
L’évolution de l’inflation en 2017-2019 a été boostée par les facteurs suivants : (1) forte augmentation du concours à l’économie par le système bancaire et un refinancement important auprès de la banque centrale ; (2) et une forte dévaluation du dinar. Toutefois, cette situation n’a pas été accompagnée par une croissance économique rigoureuse, au contraire, cette dernière a enregistré un niveau de plus en plus faible.
Suite aux mesures prises par la BCT l’atténuation de l’inflation a continué jusqu’au début 2021. Toutefois, depuis mai 2021 une forte accélération de l’IPC des produits alimentaires a ramené l’inflation à la hausse. Par ailleurs, la croissance de l’inflation sous-jascente reste relativement maîtrisée notamment si on élimine l’effet de quelques produits administrés (essentiellement le Tabac) qui ont fortement augmenté durant cette période. Ceci dit, une certaine surchauffe est enregistrée au niveau de l’inflation sous-jascente durant le mois d’octobre 2021.
Depuis le début de l’année, et avec la reprise économique dans le monde le cours du pétrole a enregistré une évolution importante dépassant la barre des 80 dollars. Ceci dit, le pétrole est un intrant important dans le prix de différents produits et services notamment l’énergie, le transport et autres produits consommés. De l’autre côté, l’incapacité de l’Etat de continuer à financer la caisse de compensation suite à un déficit budgétaire important et une limitation des financements extérieurs, nous amène à estimer un effet direct de cette évolution sur les prix sur les mois qui viennent.
Aussi, une tendance haussière des prix mondiaux des produits alimentaires devra impacter à moyen terme les prix sur le marché domestique.
Par Jihene JARRAYA BORGI
Responsable service Analyses et Recherches à COFIB CAPITAL FINANCES