La croissance économique a décéléré au troisième trimestre et les indicateurs confirment la poursuite du ralentissement au quatrième. L’économie reste soutenue par le dynamisme de la demande intérieure alors que les investissements commencent à marquer le pas en dépit de conditions monétaires plus favorables. La forte baisse des pressions inflationnistes (en deçà de l’objectif fixé par la banque centrale) a permis aux autorités monétaires d’abaisser de 225 points de base leurs taux directeurs. Le gouvernement continue de privilégier la maîtrise de ses dépenses afin de réduire son déficit budgétaire et renflouer son fonds souverain. Il espère pouvoir l’utiliser pour décorréler ses dépenses des revenus du pétrole à compter de 2019.
■ Décélération de la croissance au 3e trimestre 2017
Au troisième trimestre, le PIB a enregistré une croissance de +1,8% en glissement annuel (g.a.) en décélération par rapport au trimestre précédent (+2,5%). Sur les trois premiers trimestres, la croissance a atteint 1,6%. L’activité économique a été soutenue par le dynamisme de la demande intérieure alors que la contribution des exportations nettes à la croissance est restée négative en raison, notamment, du dynamisme des importations de machines et équipements. En effet, la Russie n’est toujours pas en mesure de produire les biens en capital dont elle a besoin. Le dynamisme de la consommation des ménages explique l’essentiel de la croissance.
Elle a accéléré de +2,6% en g.a., soutenue par la hausse des salaires réels et la baisse du taux de chômage. Néanmoins, en dépit d’une hausse des pensions de retraite versées, les revenus réels disponibles ont continué de baisser en 2017 alors que les pressions inflationnistes ont fortement diminué. En effet, les autres catégories de revenus des ménages (y compris dans le secteur « informel ») ont baissé. Au total, le niveau de revenu par habitant (estimé à USD 10 250 en 2017) reste très inférieur à ce qui prévalait avant la crise. Selon le FMI, cela sera toujours le cas à horizon 2022. Les investissements ont légèrement décéléré au T3-17, reflet, d’une part, de la volonté du gouvernement de maîtriser ses dépenses publiques pour réduire son déficit budgétaire et, d’autre part, de la baisse des investissements dans le secteur minier.
Sur les trois premiers trimestres de l’année, les secteurs d’activité les plus dynamiques ont été ceux des biens non échangeables. La croissance dans l’industrie manufacturière n’a atteint que 0,7% alors qu’elle s’établissait à 3,8% dans les transports et à 2,8% dans le commerce de gros et de détail. Par ailleurs, la production industrielle des mois d’octobre et novembre confirme la décélération de l’activité au dernier trimestre, en particulier dans le secteur du matériel de transport.
Au cours des deux prochaines années, la croissance devrait se maintenir autour de 1,7%. La consommation des ménages restera le principal moteur. Elle sera favorisée par la baisse des pressions inflationnistes (+2,5% en g.a. en décembre), l’indexation des salaires des fonctionnaires sur l’inflation (dès janvier 2018) et l’amélioration des conditions de crédit (induite par la baisse des taux directeurs de 225 points de base sur l’année 2017). Néanmoins, les contraintes structurelles au développement des investissements privés pèseront toujours sur l’activité. En effet, même si la compétitivité du pays s’est améliorée au vu du dernier rapport publié par la Banque mondiale (la Russie est classée 38e sur 137 pays), l’environnement des affaires reste peu favorable en particulier au regard de la qualité de la gouvernance (166e sur 211 pays).
■ Nouvelle loi fiscale en 2019 : vers une moindre dépendance aux prix du pétrole ?
Les finances publiques russes se sont sensiblement consolidées au cours de l’année 2017. Par ailleurs, le gouvernement espère réduire sa dépendance aux revenus du pétrole avec l’adoption d’une nouvelle loi en 2019. Pour ce faire, il doit préalablement poursuivre sa consolidation budgétaire et contenir le déficit à moins de 1% du PIB d’ici 2019.
Les ménages et les entreprises anticipent une poursuite de l’augmentation des prix et les entrepreneurs ont déjà commencé à répercuter la hausse de leurs coûts de production sur leurs prix de vente au détail. Par ailleurs, la banque centrale a souligné les risques induits par les facteurs externes (prix du pétrole supérieurs à USD 60 le baril) et internes (risque de dérapage budgétaire) qui pourraient générer une hausse des pressions inflationnistes au-delà de la cible, même si ce scénario n’est pas privilégié. Les autorités monétaires estiment notamment qu’une hausse du déficit budgétaire de l’Etat et des administrations de 1 point de pourcentage pourrait générer une augmentation des prix à la consommation de 50 points de base1.
■ Risque de dérapage budgétaire sur l’exercice 2017/18
Le déficit budgétaire du gouvernement et des Etats ne sera vraisemblablement pas réduit à, respectivement, 3,2% et 2,6% du PIB, comme prévu dans le projet de finances 2017/18. La banque centrale indienne projette une hausse du déficit du gouvernement et de l’ensemble des administrations à 6,9% du PIB contre 6,4% du PIB en 2016/17.
En fin d’année 2017, le gouvernement a annoncé un emprunt additionnel de INR 500 mds (l’équivalent de 0,3% du PIB) pour financer son déficit budgétaire au cours du dernier trimestre de l’exercice 2017/18 qui s’achèvera le 31 mars 2018. En effet, en novembre, le déficit budgétaire accumulé sur les huit premiers mois de l’exercice 2017/18 atteignait déjà 112% de l’objectif annuel. Les recettes fiscales ne s’élevaient qu’à 54,2% de leur cible alors que les dépenses atteignaient près de 69% de l’objectif annuel. Les taxes perçues sur les revenus des entreprises, les dividendes reçus et les taxes douanières ont été très inférieurs aux objectifs fixés par le gouvernement. Dans le même temps, les dépenses d’intérêt ont fortement augmenté. Elles s’élevaient à plus de 35% des recettes du gouvernement.
Le creusement du déficit budgétaire sur l’exercice 2017/18 devrait se résorber dès l’exercice 2018/19 et ne remet pas en cause la consolidation des finances publiques indiennes des cinq dernières années. La recapitalisation des banques publiques annoncée en octobre (1,3% du PIB) aura un impact très marginal sur les dépenses du gouvernement compte tenu de son mode de financement. En revanche, le risque de creusement du déficit des Etats fédéraux est en hausse et le niveau élevé de la dette publique (qui se maintient à 68% du PIB) reste une contrainte forte au développement du pays.
■ Amélioration de l’environnement des affaires
Au cours des cinq dernières années, l’environnement des affaires et la qualité des institutions se sont légèrement améliorés même s’ils restent faibles. L’Inde était classée respectivement 130e sur 190 et 104e sur 202 dans le World doing business et le Global governance indicators. Les principales fragilités du pays restent la corruption, la qualité des infrastructures et le marché du travail.
La compétitivité du pays s’est particulièrement accrue. En cinq ans, le pays a gagné 19 places dans le classement effectué par la Banque mondiale. Dans le dernier rapport publié à l’automne 2017, elle était classée 40e sur 137 pays (devant les Philippines et le Vietnam mais derrière la Chine, l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande). Le gouvernement indien est parvenu à créer un environnement plus favorable aux investissements directs étrangers qui ont ainsi augmenté de 1 point de PIB en cinq ans. Au troisième trimestre, les entrées nettes d’IDE ont atteint 2% du PIB et couvraient ainsi très largement le déficit courant (contenu à 1,2% du PIB).
■ Renforcement de la position de Narendra Modi
Lors des dernières élections régionales qui se sont tenues en décembre 2017, le parti au pouvoir de Narendra Modi (le BJP) a renforcé sa position en remportant les élections dans le Gujarat (99 sièges sur 182) et l’Himachal Pradesh (44 sièges sur 68). La démonétisation, la mise en place de la TVA et le ralentissement économique qui en ont découlé n’ont altéré que très partiellement la popularité du Premier ministre. Huit nouvelles élections auront lieu en 2018 et génèreront le renouvellement de 23 sièges à la chambre haute du parlement (Rajya Sabha) d’ici 2020. Ces élections confirmeront ou non la position du BJP dans des Etats clés comme le Madhya Pradesh et le Rajasthan. En Janvier, le parti de coalition, le National Democratic Alliance (NDA), y détenait 83 sièges sur 245, contre seulement 56 en 2014. Ainsi, même s’il n’a toujours pas la majorité, le NDA est parvenu à renforcer sa position depuis son arrivée au pouvoir, et ce, en dépit des tensions sociales et interethniques. Par ailleurs, il pourrait obtenir les sièges qui lui manquent pour détenir la majorité d’ici la fin de l’année 2018. En effet, 65 membres de la Rajya Sabha seront renouvelés au cours de l’année 2018 et le parti de coalition est aujourd’hui majoritaire dans quinze des dix-huit Etats qui éliront leurs nouveaux représentants.
Johanna Melka