Il est, de tout temps, sous les feux de la rampe, Tarak Chérif, Président de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) ne laisse personne indifférent. Chef d’entreprise, il maîtrise bien ses dossiers économiques.
Dans cet entretien, il évoque l’impact de l’instabilité politique sur l’économie tunisienne, les difficultés qui empêchent les entreprises de survivre et de progresser dans un contexte économique assez challengé. Il donne aussi quelques conseils pratiques en vue de mieux préparer la sortie de crise et anticiper les tendances qui façonneront les modes de fonctionnement de l’entreprise de demain.
Tarak Chérif estime que la Tunisie doit avoir la capacité de percevoir et de saisir les opportunités qui l’entourent.
Elles sont nombreuses et massives et il y a de quoi être optimiste, et tout le travail à la CONECT, est de pousser les opérateurs économiques, mais aussi les pouvoirs publics, à se mettre en situation pour capter les opportunités.
Tout d’abord quel est l’impact de l’instabilité politique sur le climat des affaires en Tunisie?
Tarak Chérif : l’instabilité politique est une entrave au développement du climat des affaires et la création d’opportunités d’investissement et sans stabilité politique, il n’y aura pas un environnement propice à l’investissement.
La crise actuelle, et ses impacts économiques, sociaux et politiques réduisent fortement la visibilité des entreprises.
Il faudrait éloigner le côté économique des divergences politiques, afin de réaliser le développement du pays et la croissance.
Le pays a besoin d’une vision et d’une visibilité d’encouragement dans la constance.
Et là il ne faut pas qu’il y ait des pics d’encouragement et des pics de relâchement, car ces changements influents sur les décisions de l’investissement en Tunisie.
On ne peut pas parler d’investissement étranger si nos hommes d’affaires ne sont pas déterminés à relever les défis.
Concernant la visibilité, force est de constater que les acteurs économiques sont dans l’attente des réformes et des mesures qui vont leur permettre de mieux cerner le cadre juridique et les nouvelles orientations économiques du pays, surtout que l’investissement constitue, en fait, un engagement à moyen et long termes, qui ne peut être décidé que sur la base d’une perception suffisante du cadre juridique, des choix et des stratégies retenues.Avec la baisse du PIB, nous avons besoin d’un grand engagement au niveau de l’investissement
Quels sont les grands chantiers qui attendent le prochain gouvernement?
A mon avis, il ne faut pas changer le modèle économique actuel. Il faudrait plus d’efficacité et d’efficience.
Tout en consolidant les activités classiques, il faudrait se tourner vers les métiers d’avenir avec plus de digitalisation et d’innovation.Le système éducatif est l’épine dorsale d’un pays.
Si on ne mise pas tout sur le système éducatif on n’aura rien compris. Je veux que notre système éducatif soit le plus performant possible. On doit former ces jeunes et leur donner la meilleure formation possible.
Le partenariat public/privé n’est pas l’apanage des pays pauvres, au contraire, des pays européens, y compris la France, les pays du Golfe, la Turquie recourent à ce genre de partenariat qui sera d’un grand apport pour la gestion des entreprises.
Nous devrons nous tourner vers l’exportation et élaborer une stratégie nationale en matière d’encouragement et d’accompagnement des opérateurs dans leur démarche à l’international.
Il s’agit, dans ce cadre, d’améliorer la visibilité des entreprises et de leurs produits à l’international, de faciliter la mise en relation directe des clients étrangers et des opérateurs nationaux, d’accéder à l’information en temps réel, de réduire les coûts par la facilitation des contacts d’affaires en ligne, de valoriser les produits tunisiens à l’international, et enfin, de faire connaître l’offre à l’export.
Une opportunité qui permettra aux entreprises exportatrices d’accéder à une meilleure prospection des marchés extérieurs, mais aussi, de bénéficier d’un réseau de partenaires, nationaux et internationaux.
Faut-il rappeler que nous sommes très loin par rapport à ce qu’on était.La Tunisie occupe désormais le 92ème rang sur un total de 140 pays, selon le dernier rapport de World Economic Forum, alors qu’elle figurait au 32ème rang en 2010.
Pour cela on doit rattraper le temps perdu et booster encore l’investissement et l’exportation.
Faut-il continuer à s’endetter?
On peut continuer à s’endetter pour mettre des liquidités à la disposition des banques, c’est à dire des lignes de crédits pour faire face à la crise actuelle, mais ne pas s’endetter pour honorer le paiement des salaires
La banque des régions, est-ce la solution ?
Non, je suis contre cette solution .Ça sert à quoi de créer une 25ème banque ? On en a déjà assez comme ça. Je pense qu’on ne va pas avancer suffisamment par rapport aux besoins des petites et moyennes entreprises. On pourra offrir cette opportunité à la Poste tunisienne. Donc il suffit simplement de lui octroyer du crédit et elle pourrait ainsi compléter la gamme de produits qu’elle propose par l’octroi de financements aux petites et moyennes entreprises.
Optimiste malgré la crise?
Les temps sont durs. Tout le monde passe par là. Je suis persuadé que notre jeune démocratie sortira de cette crise, et que cela nous rendra encore plus forts. Je demeure optimiste.Nous avons besoin de l’optimisme de tous, afin de préparer la Tunisie à opérer sa mue.
Propos recueillis par Kamel BOUAOUINA