Le Président tunisien Kaïs Saïed a ordonné à la dernière minute un référendum pour changer la constitution. Il se tiendra le 25 juillet prochain. Est-ce un nouveau départ dans un pays qui est dans une crise profonde, politique comme économique ?
La Tunisie n’en finit pas de se chercher. Le Président Kaïs Saïed élu en 2019 par 73% des Tunisiens s’est engagé dans une bataille solitaire de réforme des institutions de la jeune démocratie tunisienne. En ordonnant un référendum pour faire émerger une nouvelle constitution, il essaye de sortir la Tunisie de la crise politique dans laquelle elle s’était elle-même plongée avec une assemblée nationale éclatée et une classe politique totalement immature.
On attend la constitution préparée par le Président qui devra être présentée d’ici fin juin au peuple, mais il est certain qu’elle devrait tendre vers un régime présidentiel.
Il faut dire que Kaïs Saïed est sans nul doute un des hommes les plus compétent de Tunisie sur le sujet. Professeur de droit constitutionnel il connait parfaitement le sujet et les pièges de chacune des options qui vont être contenues dans le texte. La mascarade de commission ad hoc pour valider le texte constitutionnel a du mal à cacher sa volonté de diriger le sujet.
Le Président tunisien a depuis 1 an pris tous les pouvoirs dans un régime devenu ingouvernable, incapable de se nommer un gouvernement. La crise du Covid puis maintenant la guerre en Ukraine ne lui ont pas facilité les choses.
La Tunisie est entrée dans une crise économique profonde. La récession historique de 8,7% en 2020 n’a pas été annulée par une croissance de 3,1 % en 2021. Le chômage est à la limite du supportable, le tourisme se redresse lentement, mais n’a pas su se rénover et investir depuis 10 ans, se tournant vers un tourisme à bas coût et donc peu rémunérateur.
La sensibilité de la Tunisie à la consommation des ménages est importante et cette dernière est en berne. L’inflation va dépasser les 7% et les prévisions de croissance viennent de passer en dessous des 2%.
La période est donc cruciale, il faut redonner l’espoir à une Tunisie déprimée, regagner la confiance dans les institutions, tout en sauvegardant les acquis de la révolution et relancer l’économie dans un contexte de crise et de hausse du coût des matières !
La tâche est rude pour un homme inconnu il y a 5 ans et peu aguerri au pouvoir !
Une relance économique massive en ayant recours à l’endettement et par la conclusion d’un accord avec le FMI est donc impérative, mais ce dernier désire avoir plus de visibilité sur la stabilité des institutions. Un cercle vicieux dont le référendum pourrait être un marqueur de sortie par le haut de cette mauvaise visibilité de l’avenir tunisien.
La 2ème réforme obligatoire va être celle des entreprises publiques et des administrations. Personnel pléthorique, performance très mauvaise des entreprises publiques… La clé viendra aussi de la capacité de l’état de remettre de l’ordre chez lui. Mais pour cela il faudra museler le très puissant syndicat UGTT qui fait la pluie et beau temps et qui est surtout plus puissant aujourd’hui que l’état tunisien lui-même.
On observera avec attention le taux de participation au référendum, autant que le contenu du référendum lui-même ou de son résultat. L’adhésion populaire forte est absolument nécessaire pour réaliser des changements qui peuvent être douloureux.
Les fondamentaux de la Tunisie restent bons, une population bien formée, peu onéreuse, des infrastructures solides, des entreprises nombreuses. Il ne faudrait pas longtemps pour que cela redémarre.
On observera aussi le redémarrage de la Lybie qui, à elle seule, peut donner l’impulsion nécessaire à l’économie tunisienne.
Si beaucoup de Tunisiens regrettent le temps de Ben Ali, une voie nouvelle doit s’ouvrir et un changement de constitution est inévitable pour pouvoir avancer.