L’économie tunisienne fait face à une pression accrue sur sa balance commerciale au premier trimestre de l’année 2025. Selon les données récemment publiées par l’Institut National de la Statistique (INS), le déficit commercial du pays a connu une détérioration substantielle, atteignant -5050,5 millions de dinars (MD). Ce chiffre alarmant contraste fortement avec le déficit de -3027,1 MD enregistré durant la même période en 2024, révélant une aggravation considérable de l’ordre de 66,8%. Cette évolution défavorable a également eu un impact direct sur le taux de couverture des importations par les exportations, qui a chuté de manière significative à 75,2%, contre 84,3% un an auparavant, signalant une capacité réduite du pays à financer ses importations par ses ventes à l’étranger.
L’analyse détaillée des composantes du commerce extérieur tunisien au cours de ce premier trimestre met en lumière les secteurs clés qui ont le plus contribué à cette aggravation du déficit. Le secteur énergétique se distingue comme le principal facteur de déséquilibre, affichant un déficit substantiel de -2881,7 MD. Ce poids considérable de la facture énergétique sur le solde commercial global est un indicateur de la dépendance énergétique du pays et de la sensibilité de son économie aux fluctuations des prix des hydrocarbures. Outre l’énergie, d’autres catégories de produits ont également contribué négativement à la balance commerciale, notamment les matières premières et demi-produits avec un déficit de -1616,2 MD, les biens d’équipement à -927,9 MD, et les biens de consommation à -239,5 MD. Ces chiffres soulignent une faiblesse structurelle dans plusieurs segments de l’activité économique, allant des intrants industriels aux biens destinés à la consommation finale.
Il est cependant important de noter une lueur d’espoir dans ce tableau globalement sombre : la balance alimentaire a enregistré un excédent de 614,8 MD. Cette performance positive du secteur agricole et agroalimentaire tunisien offre un contrepoids partiel aux déficits observés dans d’autres domaines. De plus, en excluant spécifiquement la facture énergétique, le déficit commercial global se réduit significativement à -2168,8 MD. Cette observation met en évidence l’impact prédominant du coût de l’énergie sur les comptes extérieurs de la Tunisie et suggère que des politiques visant à réduire la dépendance énergétique pourraient avoir un effet notable sur l’amélioration de la balance commerciale.
L’aggravation du déficit commercial est en partie attribuable à une performance décevante des exportations tunisiennes au premier trimestre 2025. Les exportations totales ont enregistré un recul notable de 5,9%, atteignant une valeur de 15 325,1 MD. Cette diminution généralisée des ventes à l’étranger s’explique par des contreperformances dans plusieurs secteurs vitaux de l’économie tunisienne. Le secteur de l’énergie a subi une chute drastique de -34%, principalement en raison d’une diminution considérable des exportations de produits raffinés, passant de 499,3 MD à seulement 78,2 MD. Les industries agro-alimentaires ont également connu une baisse significative de 18%, impactées notamment par la réduction des ventes d’huiles d’olive, qui sont passées de 1879,8 MD à 1442,3 MD. D’autres secteurs importants ont également contribué à ce recul global des exportations, notamment les industries mécaniques et électriques (-2,4%), le textile, l’habillement et le cuir (-2,6%), ainsi que les mines, phosphates et dérivés (-8,6%).
L’analyse géographique des exportations tunisiennes révèle une évolution contrastée. Les exportations vers l’Union européenne, qui représentent une part majoritaire de 70,1% du total, ont diminué pour s’établir à 10 736,9 MD, contre 11 620,5 MD au premier trimestre 2024. Cette baisse est particulièrement marquée vers des partenaires commerciaux clés tels que l’Espagne (-35,3%), l’Italie (-11,3%) et la France (-5,7%). Cependant, des signaux positifs émergent des échanges avec l’Allemagne (+7,8%) et les Pays-Bas (+13,4%), indiquant une certaine résilience sur certains marchés européens.
En dehors de l’Union européenne, la Tunisie a enregistré une dynamique d’exportation encourageante vers plusieurs marchés arabes. Les ventes ont connu une forte progression vers la Libye (+39,6%), le Maroc (+38,6%), l’Algérie (+15,3%) et, de manière particulièrement notable, vers l’Égypte avec une augmentation spectaculaire de +155,7%. Cette diversification des marchés d’exportation pourrait constituer une stratégie clé pour atténuer la dépendance aux marchés européens et renforcer la résilience du commerce extérieur tunisien.
Parallèlement à la baisse des exportations, les importations tunisiennes ont connu une augmentation de 5,5% au premier trimestre 2025, atteignant une valeur totale de 20 375,5 MD. Cette hausse est principalement tirée par une augmentation significative des importations de biens d’équipement (+18,3%), ainsi que des matières premières et demi-produits (+5,1%). Cette progression pourrait indiquer une anticipation d’une reprise de l’investissement industriel dans le pays, bien que cela n’ait pas encore eu un impact positif sur les exportations. Les importations de biens de consommation ont également progressé de manière notable (+13,9%), reflétant une demande intérieure qui reste soutenue. Il est intéressant de noter que, malgré le poids du secteur énergétique dans le déficit commercial, les importations de produits énergétiques ont en réalité diminué de 9,6%, tout comme celles des produits alimentaires, qui ont reculé de 2,1%.
L’examen de l’origine géographique des importations tunisiennes révèle une évolution notable. Les importations en provenance de l’Union européenne, qui représentent 42,9% du total, se sont élevées à 8744,3 MD, en légère augmentation par rapport aux 8545,4 MD enregistrés un an plus tôt. Les principaux partenaires européens ont affiché une progression de leurs exportations vers la Tunisie : la France (+8,1%), l’Allemagne (+3,6%) et l’Italie (+0,8%). À l’inverse, les échanges ont reculé avec la Grèce (-10,2%) et la Belgique (-12,1%).
Hors de l’espace européen, la Chine a connu une percée significative en tant que fournisseur de la Tunisie, avec une augmentation de ses exportations de +60,9%. La Turquie a également vu ses exportations vers la Tunisie progresser de +13,7%. En revanche, les importations tunisiennes ont diminué en provenance de la Russie (-2,9%) et de l’Inde (-2%). Cette évolution des sources d’approvisionnement met en évidence une diversification des partenaires commerciaux de la Tunisie, avec une influence croissante des économies asiatiques.
En conclusion, l’aggravation substantielle du déficit commercial tunisien au premier trimestre 2025, mise en lumière par les données de l’INS, souligne les défis majeurs auxquels est confrontée l’économie du pays. La baisse des exportations dans des secteurs clés et la persistance d’une forte dépendance énergétique sont des facteurs déterminants de ce déséquilibre. Si la performance positive du secteur alimentaire et la diversification des marchés d’exportation offrent quelques motifs d’espoir, des mesures structurelles ambitieuses seront nécessaires pour inverser cette tendance et renforcer la compétitivité de l’économie tunisienne sur la scène internationale. Le suivi attentif de ces indicateurs par les autorités et les acteurs économiques est crucial pour identifier les leviers d’action prioritaires et mettre en œuvre des politiques commerciales efficaces.